Commission municipale des naturalisations : Schweizermacher (noch) nicht kaputt...

Le Conseil Municipal de la Ville de Genève (c'est-à-dire une majorité formée de la droite, de l'extrême-droite et de quelques idiots utiles qui furent naguère de gauche) a donc refusé de renoncer à sa commission des naturalisations. Il en fut de ce débat (du moins avant que de l'enclos MCG ne sourdent les invectives) comme des précédents sur des propositions de même nature : pour nous, cela tenait de la mise en route, ou en forme, pour les débats à venir sur des propositions semblables (la proposition refusée hier a d'ailleurs immédiatement été redéposée), ou comparables (l'une est déjà à l'ordre du jour du Conseil Municipal : puisque des Conseillers municipaux tiennent à oeuvrer au sein d'une commission parasitaire, autant que cela ne coûte rien à la Ville et qu'ils le fassent bénévolement).

Parole de Suisse de souche, de racine et de tubercule

On a entendu beaucoup de conneries au Conseil Municipal de Genève, à propos de notre proposition de supprimer la superfétatoire commission des naturalisations -et toutes ne venaient pas des bancs de droite et d'extrême-droite. On nous a sorti le Grütli (pas l'association ouvrière, la prairie à vaches), le Pacte de 1291, l'Escalade, la «communauté helvétique », des camarades devenus suisses par naturalisation et siégeant au Conseil Municipal sur les bancs socialistes se sont vu sommés par le MCG de rendre leur passeport suisse pour avoir fait observer que l'examen des requêtes de nationalité helvétique par les commissaires municipaux relevait souvent de l'intrusion dans la vie privée, quand, comme récemment, elle ne se traduisait pas par le harcèlement sexuel d'une requérante par un commissaire aviné...

A droite, à l'extrême-droite et sur quelques bancs de gauche, on ne s'est pas ému du caractère injuste, discriminatoire et arbitraire d'un système qui pose, et fait vérifier par des conseiller municipaux, des critères « d'intégration » pour acquérir la nationalité -des critères que les « nationaux par naissance », comme l'auteur de ces lignes Suisse congénital, de souche, de racine et de tubercule, n'ont jamais eu à remplir pour être suisses, et n'ont pas à remplir pour le rester. Personne n'a eu a se prononcer sur notre acquisition de la nationalité suisse : Un fonctionnaire a noté quelque part que nos parents étant suisses comme leurs grands-parents et nos ancêtres depuis le XVIe siècle, nous étions suisse. Point final. Personne n'a jamais posé à notre acquisition de la nationalité suisse, ni à sa pérennité, les critères d'intégration, de respect des traditions, de la culture, du mode de vie, des institutions suisses, que l'on impose à nos voisins, lors même qu'ils n'ont rien fait de tout ce que nous avons fait et qui, si le hasard ne nous avait pas fait helvéte, nous aurait à jamais barré la route de la nationalité suisse.  Or le principe cardinal d'une République, et d'une Commune dans un cadre républicain, c'est le principe d'égalité : il n'y a aucune légitimité à exiger des autres ce qu'on n'exige pas pour soi-même, il n'y a aucune légitimité à s'arroger un droit que l'on refuse aux autres.

En outre, le maintien de deux instances de naturalisation, la commission municipale et l'instance administrative, suggère bien une division du travail malsaine : les critères objectifs pour l'instance administrative, les critères subjectifs pour la commission, avec tous les risques qu'ils impliquent d'arbitraire, d'évaluation à la tête du client et de transmission dangereuse d'informations sur la vie privée des personnes requérant la nationalité suisse.

En invitant le Conseil Municipal à renoncer à entretenir une commission de faiseurs de Suisses qui ne peuvent plus en faire, on invitait le parlement de la Ville à faire une utile économie (en gros, et à vue de pif, 50'000 francs par an, rien qu'en rémunération des commissaires pour leurs rapports), à libérer les commissaires aux naturalisation de l'illusion dangereuse d'être indispensables et à libérer les candidates et candidats à la naturalisation de l'illusion tout aussi dangereuse d'avoir affaire, avec les commissaires municipaux, à des personnes détenant un pouvoir qu'il n'ont pas : celui de leur accorder la nationalité suisse. Ce fut donc, pour cette fois, peine perdue. Pour cette fois. Car sitôt refusée, la proposition a été redéposée : Cent fois sur le métier cet ouvrage sera remis. Comme pour l'abolition du suffrage censitaire, comme pour l'élargissement des droits politiques aux femmes, et aux étrangers, comme pour la restauration de la commune de Genève, comme pour l'AVS... Il a fallu soixante ans pour que les revendications de la Grève Générale de 1918 soient satisfaites, nous sommes prêts à attendre encore soixante ans. Après tout, nous n'aurons alors que 121 ans. L'âge d'être député d'Ensemble à gauche.

Pour nous, l'acquisition d'une nationalité doit être considérée pour ce qu'elle est : un acte résultant d'une vérification de quelques critères simples, objectifs, ne laissant si possible aucune place à l'arbitraire. Cette conception est loin d'être majorité partagée dans ce pays -et c'est logique : elle est une conception de gauche -qui fut partagée par toute la gauche lorsqu'il s'était agi de voter sur la « naturalisation facilitée », ou la « naturalisation par les urnes ». Le choix de maintenir ou non une commission municipale des naturalisation est donc un choix politique. Un choix de gauche, ou un choix de droite. Un choix tribal ou un choix social. Un choix communautariste ou un choix républicain. Car la commission municipale des naturalisations est la survivance d'une conception tribale de la nationalité. En la supprimant nous n'aurions fait aujourd'hui, et nous ferons donc plus tard, que dire une chose simple, claire -et donc à contre-courant du moment politique que nous vivons : Les gens qui sont nés ici sont des gens d'ici, et nous n'avons pas à vérifier autre chose que cela : le lieu de leur naissance.
Le reste, c'est leur vie, et elle vaut la nôtre.

Commentaires

Articles les plus consultés