Election du gouvernement genevois : Bon, et maintenant, on fait quoi ?

A 14 heures, la girouette était encore au pied de la Tour Baudet. A 15 heures, elle était placée sur la tour. A 17 heures, elle y restait (malgré le vote de la Ville). L'Alternative perd donc un siège (vert) au gouvernement genevois, et le MCG y entre. Enfin, le MCG... disons un candidat ayant, après avoir tâté des libéraux et des démocrate-chrétiens, jeté son dévolu sur le marchepied MCG pour se faire élire. Au fond, n'était la charge symbolique de l'élection ou non au gouvernement cantonal d'un candidat présenté par le MCG, il importait peu que Poggia soit élu ou non, sauf s'il était en position de « faire la majorité » entre trois ministres de l'Entente et trois ministres de l'Alternative. Tel ne sera pas le cas, pour 1300 voix. De toute façon, il n'y a pour aucun Conseil d'Etat de majorité stable, ni au parlement, ni dans l'électorat. L'Entente majoritaire au gouvernement (en ayant sacrifié Isabel Rochat) ne l'est ni au parlement, ni dans l'électorat. D'ailleurs, aucune des alliances en concurrence ne l'est, majoritaire, chacune pesant en gros un tiers des suffrages et des sièges parlementaires, et ne pouvant constituer une majorité qu'en se coalisant avec une autre alliance, contre la troisième...
Bon, là, on en a pris pour cinq ans. On en fera quoi, de ces cinq ans ?


Putain, cinq ans...

On n'est pas ici de ceux qui ressentent un impérieux besoin d'un « gouvernement qui gouverne ». Et on avoue bien humblement qu'on se contrefout de savoir qui présidera pendant quatre ans et demi le Conseil d'Etat genevois. On était en revanche de ceux qui considéraient qu'il fallait tout faire pour éviter d'offrir un siège à un candidat MCG, même si ce candidat était réputé « compatible » avec une fonction gouvernementale. L'absence d'Ensemble à Gauche dans cette élection aura pesé lourd (non pas tant l'absence de son électorat, qui s'est apparemment rallié à la liste rose-verte, que celle de la coalition en tant que telle, se manifestant par un bulletin de vote, voire une candidature, et non seulement par un appel contourné à « faire barrage à l'extrême-droite »)  : trop d'électrices et lecteurs de gauche ont ajouté sur leurs listes le nom du candidat MCG, sur la foi de son image de «défenseurs des assurés», pour pouvoir effacer l'écart, assez réduit, qui sépare l'élu Poggia du « vient ensuite»  Apothéloz (qui a en outre été biffé plus de 600 fois sur les seules listes du PS et des Verts). Poggia ayant confirmé en disant à peu près tout et son contraire, qu'il était « omnicompatible » (avec le discours d'extrême-droite tenu par le parti qui le présentait comme avec les discours démocratiques de la droite traditionnelle, du «  centre » et même de la gauche) on n'attend guère de lui qu'un patelin :  « Si des électeurs MCG se sont sentis utilisés comme tremplin pour ma carrière politique, je m'en excuse »... A moins que n'ayant plus besoin du MCG comme tremplin, il décide de passer chez les Verts libéraux ou au PBD...
Mais foin de ces considérations annexes et accessoires, et penchons nous, prudemment, sur les cinq ans à venir: la législature cantonale genevoise va être... disons assez « sportive » : dans l'opposition, le MCG et l'UDC d'un côté, Ensemble à gauche de l'autre, vont faire à plein usage de la fonction tribunitienne du parlement, et des moyens qu'il donne de « bloquer » les projets de l'adversaire. Il est en effet parfaitement illusoire de croire que l'élection d'un homme s'étant servi du MCG pour accéder au gouvernement fera rentrer le MCG dans le rang de la droite traditionnelle -l'exemple de la Lega tessinoise peut servir à la prédiction du rôle que jouera la Ligue genevoise pendant cinq ans : rassurer avec Poggia, délirer avec Stauffer et ses sous-fifres.

L'élection est passée, il s'agit désormais de savoir ce qu'on va bien pouvoir faire pendant cinq ans avec un gouvernement très, très à droite. On avait plaidé, au moment de la confirmation de la liste PS-verts pour le deuxième tour, pour une position se résumant par ce slogan : « Trois, sinon rien » : les trois candidats de l'Alternative élus, ou le renoncement à sièger. On continuera à défendre, sans grand espoir de la voir confirmée, cette position - mais plus par obstination et souci de cohérence que par conviction. Verts et socialistes sont trop heureux d'avoir rélussi à sauver les meubles pour envisager même le déménagement dans l'opposition et oublier les efforts consentis pour ne pas laisser tout le gouvernement à la droite : si Antonio Hodgers et Anne Emery-Torracinta n'avaient pas été élus, Isabel Rochat et Céline Amaudruiz l'auraient été, perspective évidemment pas plus enthousiasmante que la réalité d'une gauche gouvernementale réduite à deux septièmes du gouvernement. La question reste cependant posée : que peuvent faire deux élus de gauche contre cinq élus de droite, dans un gouvernement confronté à un parlement aux deux tiers de droite et d'extrême-droite ? Et à cette question s'en ajoute une autre : qu'allons-nous devoir faire, nous, à gauche, contre ce gouvernement et ce parlement (car c'est bien de « contre » qu'il va s'agit, jusqu'en 2018) ?
Que faire (comme disait l'autre) ? S'opposer pendant cinq ans à la frénésie pénitentiaire et sécuritaire, à la traversée routière de la rade, aux contre-réformes fiscales, à la loi de la jungle automobile, au fétichisme des « économies » budgétaires... Cinq ans de référendums et d'initiatives, de mobilisations sur le terrain et dans la rue, d'usage de nos bastions politiques municipaux, un peu comme lors de la célèbre législature du « gouvernement monocolore »... Le poids politique de la Ville et des villes s'en trouvera accru, pour autant qu'elles fassent front commun et que l'on sache faire usage de ces bastions. 

Dans cinq ans, on redistribue les cartes qu'on aura brassées pendant cinq ans.
Putain, cinq ans...

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