Etape municipale de la procédure de naturalisation : Garçon, une Genferei, bien frâiche !

Même de débats parlementaires s'achevant de la pire des manières -celle, en l’occurrence, adoptée au Conseil Municipal de Genève par un élu MCG - il est possible de tirer quelque chose d'utile politiquement. Et là, précisément, c'est le cas. Parce que tout à notre monomanie antisuisse, notre obsession traîtresse et nos menées antinationales, nous avions omis de vérifier si, en sus d'être parasitaire, la commission municipale des naturalisations se trouvait insérée dans une procédure (le préavis municipal sur les requêtes de nationalité suisse) respectant la loi. Fort heureusement, un camarade d'« Ensemble à gauche » a eu la curiosité d'aller le vérifier dans le dispositif légal en vigueur. Et ce qui ressort de cette vérification vaut le détour : c'est toute la légalité de l'étape municipale de l'acquisition de la naturalisation qui est en cause, et pas seulement l'opportunité de son détour par l'appendice de la commission du Conseil Municipal.
Garçon, une Genferei bien fraîche, siouplait ! Tout de suite, Monsieur, elle arrive...


Dilemme : est-on dans l'absurdité ou dans l'illégalité ?

On voudrait pas en faire un feuilleton, mais bon... Or donc, le Conseil Municipal de la Ville de Genève a refusé de se débarrasser de sa commission des naturalisations. On lui faisait la proposition de la supprimer parce que nous la considérons comme superfétatoire, parasitaire, intrusive -et on en passe. Mais il s'avère qu'au surplus, la procédure dans laquelle elle s'insère, et qui amène à l'expression du préavis municipal sur les demandes de naturalisation, est, en Ville de Genève, d'une légalité... disons contestable. 

On a donc relu les lois cantonales sur l'administration des communes et sur la nationalité, et leurs réglements d'application, et on y a trouvé de jolies choses. On va vous la faire courte,  parce que même si on a fait du droit, on n'est pas juriste et que notre (modeste) avis n'a que la (modeste) valeur que nous lui accordons :
1. La nationalité genevoise (puisqu'on est dans une procédure de naturalisation à Genève), c'est-à-dire la nationalité suisse acquise à Genève, ne s'acquiert (ou ne se perd) que par l'effet de la loi, par décision de l'autorité cantonale ou par décision de l'autorité fédérale. La commune n'a aucun pouvoir de décision en la matière.
2. Un préavis municipal sur les demandes de naturalisation est certes requis par la loi (fédérale et cantonale), mais il ne s'agit que d'un préavis. Pour les candidat-e-s de moins de 25 ans, c'est le Conseil administratif qui donne ce préavis, pour les candidat-e-s de plus de 25 ans, c'est soit le Conseil municipal, soit, si le Conseil municipal lui a délégué cette compétence, le Conseil administratif. Dans les deux cas, l'administration cantonale transmet au Conseil Administratif le rapport d'enquête qu'elle a effectué sur le candidat, et si celui-ci ou celle a plus de 25 ans, le Conseil administratif le transmet au Conseil Municipal à moins que celui-ci ait délégué sa compétence en la matière au Conseil administratif lui-même.
3. Si le Conseil Municipal décide de donner lui-même le préavis de la commune, il doit le donner par un vote en séance plénière, à huis-clos, avec obligation que la majorité des membres du Conseil Municipal (soit en Ville de Genève au moins 41 des 80 élu-e-s) soient présents lors de cette séance.
4. En Ville de Genève, le Conseil Municipal ne se prononce plus en plénière, depuis une quinzaine d'années, sur les demandes de naturalisations. Or c'est seulement dans l'hypothèse où il le ferait qu'une commission municipale des naturalisations se justifie : une commission du Conseil Municipal n'est en effet là que pour étudier des propositions sur lesquelles le Conseil municipal, et non, comme actuellement, le Conseil administratif aura à se prononcer.

En résumé, la loi genevoise ne prévoit que deux procédure d'expression du préavis municipal sur les naturalisations : soit le Conseil municipal se prononce lui-même, en séance plénière et à huis-clos, et dans ce cas -mais seulement dans ce cas- une commission municipale des naturalisations se justifie, soit le Conseil municipal délègue cette compétence au Conseil administratif, et dans ce cas la commission municipale des naturalisations est superflue et parasitaire. Or depuis une quinzaine d'années (sauf erreur), le Conseil Municipal ne se prononce plus sur les dossiers de naturalisations, et c'est le Conseil administratif qui transmet le préavis municipal aux autorités cantonales. Qui en font rigoureusement ce qu'elles veulent. Sauf que personne ne se souvient quand le Conseil Municipal a délégué cette compétence au Conseil Administratif. Ni même si cette délégation a effectivement été opérée. On ne sait donc pas si la loi a été respectée en Ville de Genève. La seule chose que l'on sait, et qui découle de la procédure adoptée (celle qui contourne le plénum du Conseil Municipal), c'est qu'elle rend parfaitement inutile l'existence d'une commission des naturalisations du Conseil Municipal.

Bref, dans le meilleur des cas on est dans l'absurdité, avec une commission qui ne sert à rien parce que le Conseil Municipal d'où elle est issue ne se prononce pas sur son travail, et dans le pire des cas, on est dans l'illégalité parce que le Conseil Administratif exerce une compétence qui ne lui a pas été déléguée et que toutes les décisions prises en ce cas devraient annulées (heureusement, il ne s'agit en l’occurrence que de préavis, dont la possible illégalité ne remet pas en cause la décision finale puisqu'elle revient au canton). 

En tout cas, quelque chose nous dit avec insistance qu'en proposant de supprimer la commission municipale des naturalisations (ce qu'on vient d'ailleurs à nouveau deproposer...), on a mis nos grands pieds dans un drôle de plat : quinze ans d'illégalité, ou quinze ans d'absurdité.

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