S'attaquer au budget municipal pour s'attaquer à la commune


En attendant de pouvoir réaliser son vieux rêve de suppression de la commune, la droite municipale genevoise s'attaque donc à son budget. Et dans son budget, à ce qui manifeste la présence de la municipalité auprès de la population, pour un peu plus que ce qu'on a hérité du moyen-âge. La fermeture proposée des lieux de participation et d'échanges démocratiques et d'un service produisant une expertise indispensable à la mise en oeuvre d'une politique concrète d'intégration, est une sorte de premier pas : c'est toute la politique sociale, avant sans doute de s'en (re)prendre à sa politique culturelle, de la Ville de qui est ciblée, afin que de l'action de la commune ne reste plus que celle de la police municipale et des pompiers, la première étant supplétive de la police cantonale et les seconds intervenant dans tout le canton. On en reviendrait ainsi à une conception médiévale de l'action publique, réduite au maintien de l'ordre et de la sécurité physique de lade la population dont on aura auparavant décidé qu'elle seule avait droit à la sécurité. En somme, la municipalité dont rêve la droite genevoise est une Municipalité réduite au Guet et aux Chasse-Gueux.

C'est quoi, finalement, un budget ? Une autorisation de dépense donnée par un parlement à un exécutif, pour que la collectivité publique puisse financer ses activités et les prestations qu'elle fournit à sa population. Le débat budgétaire est un débat politique -pas un débat comptable sur l'équilibre des colonnes de gauche et de droite.. Et entre la gauche et la droite, toutes nuances gardées entre les diverses composantes de l'une et de l'autre, la contradiction est claire. Et dialectique. Thèse de gauche (on commence par elle puisque la Municipalité de Genève est de gauche, même si son parlement ne l'est plus), antithèse de droite (extrême-droite comprise). Thèse : l'action sociale, culturelle, environnementale est aujourd'hui fondamentale de la légitimité d'une collectivité publique. Antithèse : la collectivité publique, c'est la police et les pompiers. Un point c'est tout. Et c'est la police et les pompiers sans action préventive : la droite veut créer des postes supplémentaires de policiers, et en même temps supprimer ceux des unités d'action communautaire, qui permettent, en retissant le lien social, de réduire la petite délinquance et l'insécurité au quotidien.

Et puis, nous sommes à Genève. Dans un canton où la commune-centre pèse d'un poids particulier, avec des responsabilités particulières, et les moyens de les assumer pour autant qu'elle en ait la volonté. D'entre ces responsabilités, il y a celle, dont elle se passerait bien mais qu'il faut bien qu'une collectivité publique autre que le canton assume (et elle est seule à pouvoir le faire), de combler les manques, les oublis et les refus du canton de faire son boulot. Essayant de justifier (sans les justifier, tout en les justifiant, tout en en critiquant la méthode) les propositions de tronçonnage budgétaire lancées par la droite et l'extrême-droite municipales genevoises,  le Conseiller administratif national (ou national administratif) PDC Guillaume Barazzone nous sort dans Le Temps d'hier cette interrogation existentielle  : « Si la Ville considère pour des raisons politiques qu'une prestation n'est pas bien effectuée par le canton, cela justifie-t-il pour autant qu'elle la reprenne partiellement ou totalement à son compte ? » La réponse est : oui... Parce que des gens en ont besoin. Et qu'une municipalité (surtout de gauche) est aussi là pour ça. Il n'y a pas de service cantonal équivalant à celui de l'«Agenda 21» : supprimer ce service pour « faire des économies », c'est supprimer le seul service qui manifeste sur le terrain la volonté de concrétiser les valeurs d'égalité, les objectifs de développement durable, de démocratie locale et de lutte contre les discriminations. On savait bien que ces objectifs, ces valeurs, ces principes étaient odieux à l'extrême-droite. On apprend que la droite démocratique ne voit aucune objection à les remettre en cause. Dont acte.

La proposition de la droite de supprimer purement et simplement le service de l'« Agenda 21 » et les unités d'action communautaire (sans parler des coupes linéaires réduisant par exemple les moyens d'entretien des bâtiments de la Ville, de nettoyage des rues et des préaux d'écoles...) est d'autant plus stupide que la seule explication audible qui en a été donnée est l'aveu, par la droite elle-même, qu'« on ne sait pas à quoi ça sert ».  On ne peut alors que s'interroger sur la nature de ce sois-disant manque d'information de conseillers municipaux supposés être capables de s'informer eux-mêmes sur le champ de leur travail d'élus. Mais si on devait supprimer tout ce dont la droite municipale genevoise ignore, volontairement, l'utilité, elle ferait mieux, plutôt que se livrer à un élagage absurde, de ressusciter la proposition de supprimer purement et simplement la commune de Genève, dont elle veut ignorer depuis 1815 non seulement l'utilité, mais aussi la légitimité.
Quant à nous, seule notre foncière bonté d'âme conjuguée à  notre irréfragable respect du pluralisme politique nous dissuade d'appliquer à la droite genevoise elle-même sa recommandation de supprimer ce dont on ne perçoit pas l'utilité.

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