Zavez pas encore voté ? Zavez tort ! On est Jour 1:12 - 6

Comment ça, « j'ai pas encore voté...» ? Zattendez quoi ? Que les syndicats patronaux aient voté à votre place ? Secouez-vous, il ne vous reste que six jours pour voter en faveur de la réduction des inégalités salariales : le sort de l'initiative « 1:12 » de la Jeunesse Socialiste, qui propose de réduire au dodécuple l'écart, dans chaque entreprise, entre le plus bas et le plus haut salaire, sera jeté le 24 novembre. L'initiative, soutenue par toute la gauche politique et syndicale et par des personnalités telles que l'ancien économiste en chef de la CNUCED (Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement), Heiner Flassbeck, est combattue par toute la droite (et l'extrême-droite, cela devrait aller sans dire...), y compris le héros des petits actionnaires Thomas Minder, qui n'en avoue pas moins avoir pour elle de la « sympathie ». Ce qui ne mange pas de pain. Ni de brioche. 

Les sanglots longs des violons de l'USAM

Une meilleure redistribution des richesses, une augmentation des plus bas salaires, une redynamisation du partenariat social, seraient-ce donc des objectifs révolutionnaires, en Suisse, en 2013 ? On saura en tout cas dimanche prochain, au résultat obtenu par l'initiative 1:12 de la Jeunesse Socialiste, combien de citoyennes et de citoyens de ce pays trouvent normal que le directeur de Roche soit payé 261 fois plus que la salariée la plus mal payée de son entreprise, et combien acceptent l'idée qu'un patron ne puisse gagner plus en un mois que son employée en un an (vous aurez remarqué que nous mettons le patronat au masculin et le salariat au féminin; C'est que, sagaces lecteurs, les plus hauts revenus sont presque tous ceux d'hommes, et les plus bas le plus souvent ceux de femmes...).

Les opposants à l'initiative 1:12 annoncent, en cas de son acceptation, une sorte d'apocalypse économique : les meilleurs managers feraient leurs valises (ils ne restent donc que pour le pognon, seule mesure de leur compétence...), les multinationales délocaliseraient (elle ne l'ont pas fait, jusqu'à présent ?), les caisses de l'AVS perdraient une fortune... Et pour parfaire l'argumentaire, les syndicaux patronaux  annoncent carrément leur intention de frauder si l'initiative passe. Après quoi, eux ou leurs commis politiques continueront à donner aux syndicats des leçons de respect de la loi en cas de « grèves sauvages »... Une sorte de panique semble ainsi s'être emparée des porte-paroles du patronat (même pas du patronat dans son ensemble, puisque des patrons de PME (les « PME pour l'initiative 1:12 ») appellent à soutenir l'initiative de la JS, en  y voyant un « signal fort » pour une économie réelle débarrassée de ses parasites amateurs de profits à court terme et de gains spéculatifs.  Ces porte-paroles patronaux, « EconomieSuisse » , fort discrète après son fiasco lors du vote de l'initiative Minder, et l'Union suisse des arts et métiers (USAM), mobilisée pour aller au front, sonnent le tocsin au nom de l'« Economie » et de tous les employeurs alors que  98,5 % des entreprises privées suisses, et la totalité des services publics, respectent déjà un écart salarial inférieur à celui proposé par la JS... En réalité, sur 320'000 entreprises privées suisses (y compris les entreprises dont le capital est détenu en partie par les collectivités publiques), seules un peu plus d'un millier auraient à resserrer leur grille salariale.
Nous disons bien « resserrer leur grille salariale » , et non, forcément, baisser les plus hauts salaires (quoique cela se justifierait) : l'initiative de la JS ne propose pas une baisse des hauts salaires, mais une réduction de l'écart entre eux et les bas salaires. Elle ne fixe aucun montant, ni minimum, ni maximum, seulement un multiple du plus bas salaire. Autrement dit, pour réduire l'écart entre ce bas salaire et le salaire maximum, elle postule de préférence une hausse du premier, plutôt qu'une baisse du second. Et ses partisans rappellent que l'« économie suisse »  ne se portait pas plus mal il y a vingt ans, quand l'écart salarial moyen tournait autour de 1:6 (il était donc deux fois plus resserré que celui que les bolchéviks de la JS proposent). Vingt ans après,  en 2012, le patron de Roche gagnait 16 millions par an, 261 fois ce que gagnait la prolo de base de son entreprise, et le patron de Nestlé gagnait 13 millions, 238 fois ce que gagnait sa petite main, et le patron d'ABB gagnait plus de 10 millions, 225 fois le salaire de son employée la plus mal payée, etc... Qu'est.-ce qui justifie que ces pontes se mettent en un jour et demi dans les poches ce que d'autres triment un an pour gagner ? La bonne santé de l'économie ? Quelle farce ! Le président d'UBS, Marcel Ospel, recevait chaque année une rémunération se comptant en millions -mais ce que la Confédération a dû sortir pour sauver sa banque s'est chiffré en milliards...

Avec 1:12, on ne parle même pas d'égalité. Tout juste d'équité. On parle surtout de justice :  600'000 habitants adultes de ce pays vivent en dessous du seuil de pauvreté, 130'000 travailleuses et travailleurs sont des working poors, des salarié-e-s à plein temps dont le salaire est insuffisant pour vivre dignement. C'est cette réalité que les sanglots longs des violons de l'USAM veulent recouvrir, et que l'initiative 1:12 nous donne l'occasion de rappeler à leur mauvais souvenir, avant que l'initiative pour un salaire minimum soit mise au vote. Et que là encore, le patronat et la droite nous prédisent à nouveau l'apocalypse si elle devait être acceptée.
Prophètes de malheurs ? Même pas. Gestionnaires de fortunes, tout au plus -mais seulement de la leur.

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