Budget de la Ville de Genève : La droite en bloc. Et en vrac.

Samedi, toute la journée (et, si on n'a pas fini notre boulot, encore lundi toute la journée, et toute la nuit de lundi à mardi, parce que quand on aime on ne compte pas son temps -ni ses jetons de présence), le Conseil Municipal de la Ville de Genève se penchera, avec sa coutumière sagacité, sur le budget de la commune. Un budget d'un peu plus de 1,1 milliard de francs. Et un projet de budget équilibré (et même légèrement bonifié), mais dont la droite municipale ne veut pas, parce qu'il est présenté par une Municipalité de gauche. La droite municipale (PDC, PLR, UDC, MCG, en bloc et en vrac)  y propose donc des coupes. A la tête du client. Pour faire 20 millions d'économies sur un budget qui n'en a pas besoin puisqu'il est équilibré. Prix de l'opération : des suppressions de services, d'emplois, de prestations à la population. Pour le seul motif qu'il faut montrer que la droite municipale existe. Faut croire qu'elle en a besoin, de montrer qu'elle existe.

Dis pépé, c'est quoi un budget ? Et ça sert à quoi, une commune ?

C'est quoi, finalement, un budget ? Une autorisation de dépense donnée par un parlement à un exécutif, pour que la collectivité publique puisse financer ses activités et les prestations qu'elle fournit à sa population. Le débat budgétaire est un débat politique -pas un débat comptable. Et entre la gauche et la droite, toutes nuances gardées entre les diverses composantes de l'une et de l'autre, la contradiction est claire. Et dialectique. Thèse de gauche, antithèse de droite (extrême-droite comprise). Thèse : l'action sociale, culturelle, environnementale est fondamentale de la légitimité d'une collectivité publique. Antithèse : la collectivité publique, c'est la police et les pompiers. Un poing (dans la gueule) c'est tout. Et c'est la police et les pompiers sans action préventive : c'est ainsi que la droite municipale veut créer des postes supplémentaires de policiers, et en même temps condamner (avec six mois de sursis) ceux des unités d'action communautaire, qui permettent, en retissant le lien social, de réduire la petite délinquance et l'insécurité au quotidien. Et donc le besoin de policiers supplémentaires.
Et puis, et surtout, nous sommes à Genève. Dans un canton où la commune-centre pèse d'un poids particulier, avec des responsabilités particulières, et les moyens de les assumer -pour autant bien sûr qu'elle en ait la volonté. D'entre ces responsabilités, il y a celle, dont elle se passerait bien mais qu'il faut bien qu'une collectivité publique autre que le canton assume (et la Ville est seule à pouvoir le faire), de combler les manques, les oublis et les refus du canton de faire son boulot. Essayant de justifier (sans les justifier tout en les justifiant) les propositions de tronçonnage budgétaire lancées par la droite et l'extrême-droite municipales (cornaquée par ses grands frères cantonaux) genevoises,  le Conseiller administratif national (ou national administratif) PDC Guillaume Barazzone nous sortcette interrogation existentielle  : « Si la Ville considère pour des raisons politiques qu'une prestation n'est pas bien effectuée par le canton, cela justifie-t-il pour autant qu'elle la reprenne partiellement ou totalement à son compte ? » La réponse est : oui... Parce que des gens en ont besoin. Et qu'une municipalité (surtout de gauche) est aussi là pour ça. Pas Barazzone, apparemment.

En attendant de pouvoir réaliser son vieux rêve de suppression de la commune de Genève, la droite municipale genevoise s'attaque donc à son budget. Et dans son budget, à ce qui manifeste la présence de la municipalité auprès de la population, pour un peu plus que ce qu'on a hérité du moyen-Age. La suppression du service de l'« Agenda 21 » et donc la fermeture proposée des lieux de participation et d'échanges démocratiques, et le renoncement à produire une expertise indispensable à la mise en œuvre d'une politique concrète d'intégration, est une sorte de premier pas : c'est toute la politique sociale de la Ville qui est ciblée, avant sans doute sa politique culturelle, afin que de l'action de la commune ne reste plus que celle de la police municipale (subsidiaire de celle du canton) et du service du feu (que la Ville assume pour tout le canton) . On en reviendrait ainsi à une conception médiévale de l'action publique, réduite au maintien de l'ordre et de la sécurité physique de la portion, congrue, de la population dont on aura auparavant décidé qu'elle seule avait droit à la sécurité. En somme, la municipalité dont rêve la droite genevoise de cette fin de l'an de grâce 2013 est une Municipalité réduite au Guet et aux Chasse-Gueux.
Cette proposition de la droite de supprimer purement et simplement le service de l'« Agenda 21 » (en n'en laissant subsister, hors sol et sans synergies, que deux morceaux), et de faire peser la menace de leur suppression sur les unités d'action communautaire et d'opérer des coupes linéaires dans les lignes budgétaires finançant, par exemple, l'entretien des bâtiments de la Ville, le nettoyage des rues et des préaux d'écoles, les grandes manifestations culturelles populaires comme la Fête de la Musique...) est d'autant plus stupide que la seule explication audible qui en ait été donnée est cet aveu, par la droite elle-même, qu'elle « ne sait pas à quoi ça sert », et qu'il lui faut un audit pour le savoir...  Mais si on devait supprimer tout ce dont la droite municipale genevoise ignore, volontairement ou par incompétence, l'utilité, on gagnerait du temps à plutôt que se livrer à un élagage absurde, ressusciter la proposition de supprimer purement et simplement la commune de Genève, dont elle veut ignorer depuis 1815 non seulement l'utilité, mais aussi la légitimité.

Quant à nous, seule notre foncière bonté d'âme conjuguée à notre irréfragable respect du pluralisme politique nous dissuade d'appliquer à la droite genevoise elle-même sa recommandation de supprimer ce dont on ne perçoit pas l'utilité. Mais de mieux en mieux la futilité.

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