Naturalisations : on remet le couvert

Cent fois sur le métier...

Bon, c'est vrai, on l'avoue : on est d'un naturel assez obstiné. Dans le fond. Et prêt à cent fois sur le métier remettre l'ouvrage, pourvu que le métier nous soit accessible et que l'ouvrage nous paraisse le mériter. Le métier, en l’occurrence, c'est le Conseil Municipal où nous sévissons. Et l'ouvrage, c'est l'étape municipale de la procédure de naturalisation des étrangers (ou plutôt, pour l'extrême-droite, de taxidermie des métèques). Une étape que nous voulons raccourcir, purger de son arbitraire, libérer de ses parasites. Bref, on a redéposé une nouvelle proposition de suppression de la commission municipale des naturalisations, agrémentée d'une proposition de délégation formelle à l'exécutif municipal de la compétence de préaviser au nom de la commune sur les dossiers de naturalisation. C'est cette proposition qu'on soumet à votre sagacité -ce qui ne mange pas de pain, puisqu'elle est déjà déposée. Après tout, vous n'en manquez certainement pas plus que nous, de sagacité, tout élus du peuple que nous nous croyons. Et comme on sent qu'on commence à vous lasser avec ce sujet, c'est promis, dès demain, on vous parlera d'autre chose.


Proposition au Conseil municipal de la Ville de Genève...

Considérant que :
1. La nationalité genevoise, c'est-à-dire la nationalité suisse acquise à Genève, ne s'acquiert (ou ne se perd) que par l'effet de la loi, par décision de l'autorité cantonale ou par décision de l'autorité fédérale . La commune n'a aucun pouvoir de décision en la matière.
2. Un préavis municipal sur les demandes de naturalisation est certes requis par la loi (fédérale et cantonale), mais il ne s'agit que d'un préavis. Pour les candidat-e-s de moins de 25 ans, c'est le Conseil administratif qui donne ce préavis. Pour les candidat-e-s de plus de 25 ans, c'est soit le Conseil municipal, soit, si le Conseil municipal lui a délégué cette compétence, le Conseil administratif..  Dans les deux cas, l'administration cantonale transmet au Conseil Administratif le rapport d'enquête qu'elle a effectué sur le candidat; si celui-ci ou celle a plus de 25 ans, le Conseil administratif le transmet au Conseil Municipal à moins que celui-ci ait délégué sa compétence en la matière au Conseil administratif lui-même, en quel cas le Conseil Administratif délivre lui-même le préavis municipal.
3. Si le Conseil Municipal décide de donner lui-même le préavis de la commune, il doit le donner par un vote en séance plénière, à huis-clos, avec obligation que la majorité des membres du Conseil Municipal (soit en Ville de Genève, au moins 41 des 80 élu-e-s) soient présents lors de cette séance..
4. En Ville de Genève, le Conseil Municipal ne se prononce plus en plénière, depuis une bonne décennie, sur les demandes de naturalisations. Or c'est seulement dans l'hypothèse où il le ferait qu'une commission municipale des naturalisations se justifierait : une commission du Conseil Municipal n'est en effet là que pour étudier des propositions sur lesquelles le Conseil municipal, et non comme actuellement le Conseil administratif, a à se prononcer.
6. Une quinzaine de conseils municipaux genevois ont déjà décidé de déléguer leur compétence de préavis sur les demandes de naturalisations au Conseil administratif, ou au Maire, et ont de ce fait supprimé leur commission municipale des naturalisations. A titre d'exemple, une ville comme Meyrin a fait ce choix en 1999, car, de l'avis de la Maire actuelle, le passage par le plénum du Conseil Municipal « posait de nombreux problèmes d'objectivité » et impliquait de devoir «supporter les remarques xénophobes de certains élus ». « Il est sans doute nécessaire de privilégier des rencontres (avec les candidats à la naturalisation) dans des cadres plus sereins que dans la contexte d'une procédure de naturalisation », ajoute Mme Boget...

On résume tout ça : La loi genevoise ne prévoit que deux procédure d'expression du préavis municipal sur les naturalisations : soit le Conseil municipal se prononce lui-même, en séance plénière et à huis-clos, et dans ce cas -mais seulement dans ce cas- une commission municipale des naturalisations se justifie, soit le Conseil municipal délègue cette compétence au Conseil administratif (délégation révocable en tout temps), et dans ce cas la commission municipale des naturalisations est superflue et parasitaire. Il n'y a que ces deux procédures possibles, les communes n'ayant aucune compétence pour en inventer une troisième.  Or depuis une quinzaine d'années (sauf erreur), le Conseil Municipal de la Ville de Genève ne se prononce plus sur les dossiers de naturalisations, et c'est le Conseil administratif qui transmet le préavis municipal aux autorités cantonales. Qui en font rigoureusement ce qu'elles veulent.  Cependant, personne ne se souvient quand le Conseil Municipal a délégué cette compétence au Conseil Administratif. Ni même si cette délégation a effectivement été opérée. On ne sait donc pas si la loi a été respectée en Ville de Genève. La seule chose que l'on sait, et qui découle de la procédure adoptée, celle qui contourne de droit ou de fait le plénum du Conseil Municipal, c'est que cette procédure rend parfaitement inutile l'existence d'une commission des naturalisations du Conseil Municipal.
Bref, dans le meilleur des cas on est dans l'absurdité, avec une commission qui ne sert à rien parce que le Conseil Municipal d'où elle est issue ne se prononce pas sur son travail puisqu'il a délégué sa compétence au Conseil administratif; et dans le pire des cas, on est dans l'illégalité parce que le Conseil Administratif exerce une compétence qui ne lui a pas été déléguée et que tous les préavis délivrés en ce cas devraient être annulés, le Conseil d'Etat devant alors sommer le Conseil municipal de respecter la loi.

En conséquence de quoi  le Conseil municipal décide de la suppression de sa commission des naturalisations et délègue au Conseil administratif la compétence de préaviser sur les requêtes en naturalisation.

Voila le travail. Et en plus, figurez-vous qu'on est assez contents de nous (pluriel de majesté...) et de notre obstination.

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