Appartements vides à Genève : Lanceurs d'alerte

Présente depuis deux semaine, sur Facebook, une page (www.facebook.com/groups/appavid/) recense, à partir d'informations transmise par les habitants eux-mêmes, les appartements vides à Genève. Les appartements vides, c'est-à-dire laissés délibérément vides, pour quelque raison que ce soit. Plusieurs dizaines de cas ont déjà été recensés. A l'initiative de cette page de «  lanceurs d'alerte », Stéphane Guex-Pierre explique : « nous voulons dresser un état des lieux (et pousser) les responsables politiques à s'emparer du problème » , ne serait-ce que pour appliquer les lois existantes. Le succès de l'initiative (le groupe autour de la page comptait 2266 membres en une semaine) signale, pour le moins, un problème, et manifeste un « refus de résignation »  à ce que ce problème ne soit pas pris en compte par ceux dont c'est le boulot... ou soit délibérément entretenu par ceux (propriétaires, régies) qui le nient...

Rappeler l'Etat à son devoir : la loi existe, servez-vous en...

La crise du logement que connaît Genève et la majorité de ses habitants (la majorité, parce que qu'on peut ne pas ressentir trop durement cette crise dès lors qu'on a le revenu ou la fortune nécessaires pour se payer un trois pièces à deux millions au centre-ville ou une villa au bord du lac à 200 millions... ) a certes des raisons physiques (l’exiguïté du territoire cantonal, la sacralisation de sa plus grande partie en zone agricole, la densité record de la population de la Ville de Genève), mais elle a aussi, et peut-être surtout, des raisons politiques dans un canton dont plus de 80 % des habitants sont locataires (ou co-locataires, ou sous-locataires) de leur logement ( En 2000,  seuls 15,8 % des logements du canton étaient occupés par leur propriétaires, y compris les co-propriétaires) -mais où la propriété foncière privée est toujours sacralisée.

Il manque au moins 8000 logements à Genève. Ce manque s'accroît chaque année de 1500 logements supplémentaires, puisqu'on n'en construit que la moitié de ce qu'il faudrait pour maintenir la situation en son état (extrêmement tendu) actuel. En juin dernier, 268 logements vides étaient officiellement recensés. Il y a en très vraisemblablement beaucoup plus, mais même si on s'en tenait à ce chiffre de 268 logements vides, il correspondrait à plus de 10 % du total des logements à mettre sur le « marché » en un an. En 2011, il n'a été construit que 1018 logements neufs à Genève et sur ces 1018 logements neufs, 216 sont des villas, 256 sont à vendre en propriété par étage et 147 sont à loyers libres. Seuls 392 logements nouveaux correspondaient donc aux ressources de la majorité des habitants. Pour le Conseiller d'Etat en charge, à l'époque, du logement, Mark Muller, cette situation calamiteuse est tout à fait supportable : 1018 logements, « ce n'est pas rien » , se satisfaisait le Conseiller d'Etat. Non, évidemment, 1018 logements ce n'est pas rien. Un seul logement non plus, ça ne serait pas rien. Surtout si c'est celui du Conseiller d'Etat lui-même, pour qui les chiffres navrant de la construction de logement « s'inscrivent dans un trend qui reste globalement positif ». C'est beau comme du George Marchais faisant le bilan de l'expérience soviétique..  Résultat : dans les derniers 14 mois, 2628 Suisses se sont installés en France.

Réagissant au succès de la page Facebook, le nouveau Conseiller d'Etat en charge du logement, Antonio Hodgers conseille aux citoyens de déclarer à son département les logements vides pour enquête, et, si dénonciation de cas il doit y avoir (une lettre-type est téléchargeable sur la page...), qu'elle soit faite discrètement et non sur les réseaux sociaux. Antonio Hodgers qualifier l'initiative citoyenne de « mise au pilori »...  Mais si cette initiative a- autant de succès, et suscite autant de commentaires, c'est précisément parce que jusqu'à présent, la "discrétion" et la déclaration directe aux autorités ne semblent pas avoir amené beaucoup de résultats...  Il serait intéressant de savoir combien de fois la disposition de la Loi (LDTR) permettant l'expropriation temporaire en cas de logement vide (sauf s'il s'agit de villas), a été utilisée dans le passé, et où.... Les parlementaires et les citoyens votent pour des lois comme la LDTR, mais si par la suite cette loi n'est pas appliquée, il n'y a aucun scandale à ce que des citoyens se saisissent du dossier quand le Conseil d'Etat (et plus précisément encore, les conseillers d'Etat chargés de la politiquement du logement) l'ignorent. Par incompétence, par oubli ? ou plutôt par volonté délibérée, et par adhésion à un prédicat idéologique : la sacralisation de la propriété privée ? Dans ces conditions, une initiative comme celle de la page Facebook « Appartements vides à Genève »  relève non de la « délation »  mais plutôt, au modeste niveau local, d'une pratique de «  lanceurs d'alerte ».
L'Etat a les moyens légaux de ne plus laisser inhabités des logements habitables. En le lui rappelant, les initiateurs et les utilisateurs de la page Facebook sur les logements vides ne font que rappeler ceux qui l'incarnent, à leur devoir : la loi existe, appliquez-la..

Et s'il faut la changer, que le peuple s'en charge.

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