Genève : élection populaire du Procureur Général : Gauche contre droite, c'est simple, non ?

Dans une élection au suffrage universel où se confrontent un candidat de droite vraiment à droite et un candidat de gauche clairement à gauche, pour l'un des postes politiques (on insiste, oui, Madame la et Monsieur le juge...) les plus importants de la République, le positionnement d'un parti de gauche devrait être simple, évident : à gauche.. Or le corporatisme prévalant sur le choix politique, les socialistes et les Verts pourraient ne pas soutenir la candidature de gauche, celle de Pierre Bayenet, contre la candidature de droite, celle d'Olivier Jornot. Résumé du Comité directeur du PS : « Nous ne soutenons pas Pierre Bayenet mais nous ne soutenons pas non plus Olivier Jornot ».  On risque dès lors bien de devoir déposer pour le candidat de gauche une liste « socialiste de gauche », puisqu'il apparaît que « socialiste de gauche » n'est pas le pléonasme que cela devrait être... 
 
 
Le parti socialiste est  « stable, mobilisé, seul véritable moteur de la gauche aujourd'hui »...

A Genève, le Procureur Général est élu par le peuple (sauf quand il s'agit de repourvoir au poste après une démission impromptue, ce qui avait valu à l'actuel titulaire, Olivier Jornot, de se faire élire -grâce à sa propre voix...- par le Grand Conseil). Une élection populaire, au scrutin majoritaire, à un poste qui est le troisième dans l'ordre protocolaire de la République cela signifie un choix politique. D'ailleurs, Olivier Jornot n'est pas seulement le Procureur Général en fonction mais fut aussi le député qui s'illustra dans le bricolage de deux lois : la loi « antimendiants » et la loi sur les manifestations. La gauche unie s'était opposée à ces deux lois, et avait même lancé un référendum contre la deuxième. Un minimum de cohérence supposerait donc que nous n'oublions pas à qui nous avons affaire politiquement. Apparemment, les juges et procureurs verts et socialistes  sont très contents de la gestion d'Olivier Jornot -il est vrai que, succédant à Daniel Zappelli, il n'avait pas grand effort à faire pour paraître le phénix des hôtes de ce palais. Mais on n'élira pas un administrateur en avril prochain : on élira un homme qui incarne le bourrage de la prison, le tout répressif, la confusion de l'« ordre » et de la justice, l'incapacité de distinguer ce qui, dans la délinquance et la criminalité, justifie la fermeté répressive de l'Etat de ce qui ne la nécessite pas.

A Olivier Jornot, candidat de la droite, s'opposera Pierre Bayenet, candidat de gauche. Tant pis pour Jornot qui aurait bien voulu être sacré en étant seul candidat et en n'ayant pas à faire campagne, mais tant mieux pour le débat politique, et donc pour la démocratie. Car la gauche et la droite ont, s'agissant de la Justice, comme principe, comme appareil d'Etat et comme pratique, des projets, des principes et des priorités qui diffèrent, voire s'opposent. Ces différences, ces oppositions, méritent d'être explicitées, et nos choix d'être défendus, dans une campagne devant le peuple, parce que seule une telle campagne donne un écho médiatique à ces choix.  Le résultat final de l'élection importe dès lors moins que notre propre capacité de nous mobiliser pour dire et faire autre chose de la Justice que ce que la droite en dit et en fait. De ce point de vue -le seul, en réalité, qui nous importe, la candidature de Pierre Bayenet est d'une totale cohérence : l'homme s'est illustré dans la défense du droit au minimum vital des immigrants sans statut légal, de la liberté d'expression et de manifestation,  contre les violences policières, contre les conditions des renvois forcés dans les  vols spéciaux, contre le « tout péniteniaire » et le bourrage de la prison (suivi de construction de nouvelles prisons à bourrer aussi.).. Sur tout ce qui importe, c'est-à-dire sur la conception même de la Justice et de son rôle, la politique qu'il prône s'oppose à celle que mène, ou que couvre, son adversaire, Jornot. Or ce que la gauche à à dire sur la Justice est largement inaudible. Une campagne électorale pour le poste de Procureur Général sera pour elle le moyen de se faire entendre. Elle devrait aussi être le moyen de manifester son unité : elle est auourd'hui à Genève dans le rapport de forces le plus défavorable qui lui soit depuis 70 ans. Elle ne s'en sortira que si elle s'unit chaque fois qu'elle le peut. Et là, elle le peut. Elle le doit.

« Le parti est stable, mobilisé, seul véritable moteur de la gauche aujourd'hui » : ainsi son président décrit-il le PS genevois... On aura de la peine à y croire si, entre un candidat de droite et un candidat de gauche au poste de procureur général, ce parti stable ne devait être qu'immobile, ce parti mobilisé ne devait l'être que pour défendre ses propres postes, et ce moteur de la gauche refusait de tourner pour la gauche... et attendait que des militants se chargent eux-mêmes de faire son travail à sa place, sans lui, voire contre lui...

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