« Halte à l'immigration massive » ? La méthode césarienne



Helvètes, souvenez-vous de Jules...

Il était une fois un pays riche, peuplé d'homme et de femmes prospères, gentils, civilisés, tout ça. Les métèques se mirent en marche pour y émigrer. En masse. Un homme trouva le moyen de s'y opposer : il alla à la rencontre des métèques, coupa à Genève e pont qu'ils devaient emprunter, leur flanqua une râclée et les renvoya chez eux. Non mais... Voilà, c'est comme ça qu'on maîtrise l'immigration de masse, pas avec des initiatives populaires à la con, inapplicables et proposant des contingentements obsolètes. Laissons maintenant la parole à Cesar : Helvètes, prenez-en de la graîne et coupez les ponts. Faut tout vous dire, c'est fatiguant, quand même, à la longue...


... les Helvetes sont de toutes parts resserres par la nature des lieux...

Orgétorix était, chez les Helvètes, le premier par sa naissance et par ses richesses. Sous le consulat de M. Messala et de M. Pison, cet homme, poussé par l'ambition, conjura avec la noblesse et engagea les habitants à sortir du pays avec toutes leurs forces ; il leur dit que, l'emportant par le courage sur tous les peuples de la Gaule, ils la soumettraient aisément tout entière à leur empire.
Il eut d'autant moins de peine à les persuader que les Helvètes sont de toutes parts resserrés par la nature des lieux ; d'un côté par le Rhin, fleuve très large et très profond, qui sépare leur territoire de la Germanie, d'un autre par le Jura, haute montagne qui s'élève entre la Séquanie et l'Helvétie ; d'un troisième côté, par le lac Léman et le Rhône qui sépare cette dernière de notre Province. Il résultait de cette position qu'ils ne pouvaient ni s'étendre au loin, ni porter facilement la guerre chez leurs voisins ; et c'était une cause de vive affliction pour des hommes belliqueux.
Leur population nombreuse, et la gloire qu'ils acquéraient dans la guerre par leur courage, leur faisaient regarder comme étroites des limites qui avaient deux cent quarante milles de long sur cent quatre-vingts milles de large.
Poussés par ces motifs et entraînés par l'ascendant d'Orgétorix, ils commencent à tout disposer pour le départ, rassemblent un grand nombre de bêtes de somme et de chariots, ensemencent toutes leurs terres, afin de s'assurer des vivres dans leur marche et renouvellent avec leurs voisins les traités de paix et d'alliance.
(...)
Lorsqu'ils se croient suffisamment préparés, ils incendient toutes leurs villes au nombre de douze, leurs bourgs au nombre de quatre cents et toutes les habitations particulières ; ils brûlent tout le blé qu'ils ne peuvent emporter, afin que, ne conservant aucun espoir de retour, ils s'offrent plus hardiment aux périls. Chacun reçoit l'ordre de se pourvoir de vivres pour trois mois. Ils persuadent aux Rauraques, aux Tulinges et aux Latobices, leurs voisins, de livrer aux flammes leurs villes et leurs bourgs, et de partir avec eux. Ils associent à leur projet et s'adjoignent les Boïens qui s'étaient établis au-delà du Rhin, dans le Norique, après avoir pris Noréia.
Il n'y avait absolument que deux chemins par lesquels ils pussent sortir de leur pays: l'un par la Séquanie, étroit et difficile, entre le Jura et le Rhône, où pouvait à peine passer un chariot ; il était dominé par une haute montagne, et une faible troupe suffisait pour en défendre l'entrée; l'autre, à travers notre Province, plus aisé et plus court, en ce que le Rhône, qui sépare les terres des Helvètes de celles des Allobroges, nouvellement soumis, est guéable en plusieurs endroits, et que la dernière ville des Allobroges, Genève, est la plus rapprochée de l'Helvétie, avec laquelle elle communique par un pont. Ils crurent qu'ils persuaderaient facilement aux Allobroges, qui ne paraissaient pas encore bien fermement attachés au peuple romain, de leur permettre de traverser leur territoire, ou qu'ils les y contraindraient par la force. Tout étant prêt pour le départ, ils fixent le jour où l'on doit se réunir sur la rive du Rhône. (...)
César, apprenant qu'ils se disposent à passer par notre Province, part aussitôt de Rome, se rend à grandes journées dans la Gaule ultérieure et arrive à Genève. Il ordonne de lever dans toute la province le plus de soldats qu'elle peut fournir (il n'y avait qu'une légion dans la Gaule ultérieure), et fait rompre le pont de Genève. Les Helvètes, avertis de son arrivée, députent vers lui les plus nobles de leur cité, à la tête desquels étaient Namméios et Verucloétios, pour dire qu'ils avaient l'intention de traverser la province, sans y commettre le moindre dommage, n'y ayant pour eux aucun autre chemin, qu'ils le priaient d'y donner son consentement. César, se rappelant que les Helvètes avaient tué le consul L. Cassius et repoussé son armée qu'ils avaient fait passer sous le joug, ne crut pas devoir leur accorder cette demande. Il ne pensait pas que des hommes pleins d'inimitié pussent, s'ils obtenaient la permission de traverser la province, s'abstenir de violences et de désordres. (....) Cependant, pour laisser aux troupes qu'il avait. commandées le temps de se réunir, il répondit aux députés qu'il y réfléchirait, et que, s'ils voulaient connaître sa résolution, ils eussent à revenir aux ides d'avril.
Dans cet intervalle, César, avec la légion qu'il avait avec lui et les troupes qui arrivaient de la Province, éleva, depuis le lac Léman, que traverse le Rhône, jusqu'au mont Jura, qui sépare la Séquanie de l'Helvétie, un rempart de dix- neuf mille pas de longueur et de seize pieds de haut : un fossé y fut joint. Ce travail achevé, il établit des postes, fortifie des positions, pour repousser plus facilement les Helvètes, s'ils voulaient passer contre son gré. Dès que le jour qu'il avait assigné à leurs députés fut arrivé, ceux-ci revinrent auprès de lui. Il leur déclara que les usages et l'exemple du peuple romain lui défendaient d'accorder le passage à travers la Province, et que, s'ils tentaient de le forcer, il s'y opposerait. Les Helvètes, déçus dans cette espérance, essaient de passer le Rhône, les uns sur des barques jointes ensemble et sur des radeaux faits dans ce dessein, les autres à gué, à l'endroit où le fleuve a le moins de profondeur, quelquefois le jour, plus souvent la nuit. Arrêtés par le rempart, par le nombre et par les armes de nos soldats, ils renoncent à cette tentative.
Il leur restait un chemin par la Séquanie, mais si étroit qu'ils ne pouvaient le traverser malgré les habitants. (...) les Séquanes s'engagèrent à ne point s'opposer au passage des Helvètes, et ceux-ci à l'effectuer sans violences ni dégâts.
(...)
 Déjà les Helvètes avaient franchi les défilés et le pays des Séquanes ; et, arrivés dans celui des Héduens, ils en ravageaient les terres. Ceux-ci, trop faibles pour défendre contre eux leurs personnes et leurs biens, députent vers César, pour lui demander du secours (...) Dans le même temps, les Ambarres, amis et alliés des Héduens, informent également César que leur territoire est ravagé et qu'ils peuvent à peine garantir leurs villes de la fureur de leurs ennemis. Enfin les Allobroges, qui avaient des bourgs et des terres au-delà du Rhône, viennent se réfugier auprès de lui, et lui déclarent qu'il ne leur reste rien que le sol de leurs champs. César, déterminé par ce concours de plaintes, crut ne devoir pas attendre que tous les pays des alliés fussent ruinés, et les Helvètes arrivés jusque dans celui des Santons.
(...)
La Saône est une rivière dont le cours, entre les terres des Héduens et celles des Séquanes et jusqu'au Rhône, est si paisible que l'oeil ne peut en distinguer la direction. Les Helvètes la passaient sur des radeaux et des barques jointes ensemble. César (...) les surprend en désordre, les attaque à l'improviste et en tue un grand nombre. Les autres prennent la fuite, et vont se cacher dans les forêts voisines.
(...)
Après ce combat, César, afin de poursuivre le reste des Helvètes, fait jeter un pont sur la Saône et la traverse avec son armée.
(on vous passe quelques péripéties héroïques, vu qu'on manque de place, et on en arrive à l'épilogue, à Bibracte, où les Helvètes se font plier par Jules)
Durant tout ce combat, qui se prolongea depuis la septième heure jusqu'au soir, personne ne put voir un ennemi tourner le dos. (...) Ce ne fut qu'après de longs efforts que nous nous rendîmes maîtres des bagages et du camp. La fille d'Orgétorix et un de ses fils y tombèrent en notre pouvoir. Après cette bataille, il leur restait environ cent trente mille hommes ; ils marchèrent toute la nuit sans s'arrêter. Continuant leur route sans faire halte nulle part, même pendant les nuits, ils arrivèrent le quatrième jour sur les terres des Lingons. (...) César envoya aux Lingons des lettres et des courriers pour leur défendre d'accorder aux ennemis ni vivres ni autres secours, sous peine, s'ils le faisaient, d'être traités comme les Helvètes. Lui-même, après ces trois jours, se mit avec toutes ses troupes à leur poursuite. Les Helvètes, réduits à la dernière extrémité, lui envoyèrent des députés pour traiter de leur soumission. L'ayant rencontré en marche, ils se jetèrent à ses pieds, lui parlèrent en suppliants, et implorèrent la paix en pleurant. Il ordonna aux Helvètes de l'attendre dans le lieu même où ils étaient alors ; ils obéirent.
(...) Il ordonna aux Helvètes, aux Tulinges, aux Latobices de retourner dans le pays d'où ils étaient partis. Comme il ne leur restait plus de vivres et qu'ils ne devaient trouver chez eux aucune subsistance pour apaiser leur faim, il ordonna aux Allobroges de leur fournir du blé ; il enjoignit aux Helvètes de reconstruire les villes et les bourgs qu'ils avaient incendiés.
(...) On trouva dans le camp des Helvètes des registres écrits en lettres grecques et qui furent apportés à César. Sur ces registres étaient nominativement inscrits ceux qui étaient sortis de leur pays, le nombre des hommes capables de porter les armes, et séparément celui des enfants, des vieillards et des femmes. On y comptait en tout 263,000 Helvètes, 36,000 Tulinges, 14,000 Latobices, 23,000 Rauraques, 32,000 Boïens. II y avait parmi eux 92,000 combattants ; le total s'élevait à 368,000 Gaulois. Le nombre de ceux qui rentrèrent dans leur pays fut, d'après le recensement ordonné par César, de cent dix mille.

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