Interdire la connerie ? Vaste programme...


Dieudonné et les poubelles de l'histoire

Le gouvernement français a finalement réussi à faire interdire le spectacle "Le Mur" de Dieudonné. Qui a fini par y renoncer. Bon, la cause est entendue : Dieudonné est, ou est devenu, un connard. Un connard malin, mais un connard. Fier de l'être, d'en faire spectacle et d'en bien vivre, soustraction fiscale et insolvabilité frauduleuse à la clef. Au fond, son truc est simple : aller chercher dans les poubelles de l'histoire ce qui y pue le plus, l'exhiber,
rouvrir l'exposition vichyste "le Juif et la France", se rengorger de la réprobation que cela suscite (onze condamnations pour diffamation et injures) et dénoncer ceux qui voudraient combattre ce miasme comme autant de coupables d'atteinte à la liberté d'expression. Contre Dieudonné, très content de lui et de la situation qui lui est faite par ceux qu'il provoque, le ministre français de l'Intérieur, Manuel Valls, a sonné la charge et indiqué aux préfets la base légale d'une éventuelle, et ouvertement souhaitée, interdiction des spectacles devenus meetings d'un showman devenu militant d'extrême-droite. Mais la question reste  posée, à laquelle l'interdiction des meetings de Dieudonné ne répond pas : "Interdire la connerie" ? Vaste programme, eût dit De Gaulle...


Des «... pitreries obscènes d'un antisémite multirécidiviste...» (Christiane Taubira)

Le gouvernement français a finalement réussi (ce que la Municipalité genevoise, naguère, n'avait pu obtenir) à faire interdire le spectacle "Le Mur" de Dieudonné. Qui a fini par y renoncer. En temps normaux, s'il en est, la question ne se poserait pas : fallait-il, faut-il (à Nyon, par exemple, qui pourrait bien être la seule ville francophone où il puisse se produire) interdire les spectacles du navrant Dieudonné ? Mais sommes-nous en des temps normaux et paisibles, où les miasmes du passé ne seraient plus, précisément, que miasmes du passé  ? Certes, les dieudonneries (les "
les pitreries obscènes d'un antisémite multirécidiviste", pour reprendre les mots de Christiane Taubira (qu'on lira avec profit sur (http://www.huffingtonpost.fr/christiane-taubira/christiane-taubira-dieudonne_b_4534918.html) ) ne sont plus des spectacles mais des meetings d'extrême-droite, même s'ils attirent de braves gens ne percevant pas, par ignorance, amnésie ou inculture, ou se refusant à la percevoir, la réalité de l'exercice auquel ils assistent, -mais attend-il, lui, autre chose que de pouvoir se présenter comme la victime d'une censure "politiquement correcte, et "sioniste", forcément... ?  Il y a de la connerie, et bien plus ancienne que Dieudonné, dans la confusion systématique des mots. Antisémite, moi ? Noooon, antisioniste, seulement antisioniste, et ce n'est qu'une opinion politique, l'antisionisme. Tu parles, s'agissant de cet antisionisme là, celui qui nous annonce que "ce sont les sionistes qui ont tué Jésus" et qui proclame qu'"entre les juifs et les nazis, je suis neutre"... C'est ainsi que les judéophobes reconvertis dans l'antisionisme réussissent à plomber toute solidarité avec le peuple palestinien : en confondant, délibérément, "antisionisme" et antisémitisme, "juif", "hébreu" et "Israélien", Etat (Israël), mouvement politique (le sionisme) et population (celle d'Israël, dont un habitant sur cinq est bien israélien, mais ni juif, ni hébreu, ni sioniste...), et en revitalisant le vieil antisémitisme tradionnel -qui n'avait pas disparu, mais qui avait besoin d'un bon lifting.

Ce n'est pas la liberté d'expression qui est en cause dans cette navrante affaire, mais la liberté de rassemblement (en l’occurrence, de rassemblement dans une salle de spectacle pour écouter un histrion antisémite obsédé par Israël, les juifs et la Shoah). C'est un spectacle qui est interdit, pas celui qui le donne. Il n'est pas interdit à Dieudonné de s'exprimer (l'internet y pourvoira plus largement que la scène), il lui est interdit de faire spectacle de son expression , au motif que les atteintes au respect dû à la personne humaine sont, en soi, un trouble à l'ordre public. Dans une démocratie, la raisonnement se tient... Pour autant, justifie-t-il un retour à la censure préalable ? Parce que c'est bien de cela dont il s'agit, même si interdire un spectacle n'est pas faire taire celui qui se donne en spectacle...


On sait bien que poser un baillon sur ses adversaires (qu'il s'agisse de Dieudonné ou de "Minute", après sa couverture comparant Christiane Taubira à un singe, en quoi Dieudonné voulut d'ailleurs voir une insulte faite aux singes) ne les rend pas inoffensifs, ni même silencieux, et que la cause que l'on défend en les combattant ne gagne, en démocratie, que dans le débat politique. Mais il n'y a pas de débat politique dans un "one man show" : c'est Dieudonné qui parle, sur la scène, tout seul, sans contradicteur. Et dans l'"affaire Dieudonné", finalement, chacun est dans son rôle : Valls en interdisant, Dieudonné en se victimisant (en en portant plainte, hôpital se foutant de la charité, contre Valls pour "propos attentatoires à l'honneur et à la considération" -il est vrai qu'il est assez déshonorant d'être traité d'"antisémite multirécidiviste", surtout quand c'est ce qu'on est...) et l'opinion publique en donnant publiquement son opinion. Le débat n'a donc pas été clos par l'interdiction prononcée contre Dieudonné -au contraire, elle l'a ouvert dès qu'il en a été fait menace.


En interdisant le spectacle "Le Mur", l'Etat n'interdit pas Dieudonné -qui s'exprime largement ailleurs -sur YouTube, Faceook, où sa page à 500'000 "fans" déclarés, Twitter, son propre site...- mais pose une limite. La franchir ou non relève ensuite d'un choix. L'Etat, son droit, ses lois, ses appareils répressifs (sa police, sa justice, ses tribunaux) fixe des limites, édicte des normes, prononce des interdictions (ou accorde des autorisations) -à chacun, ensuite, d'en faire ce qu'il veut de les respecter ou non et d'assumer les conséquences de ses choix. On le lèvera pas le petit doigt (ni même le majeur) pour la défense de Dieudonné -mais après tout, il ne squatte pas les salles où il se produit : il les loue. Il y a donc des gens qui les lui louent et en tirent profit. Il ne contraint personne à venir l'écouter, et s'il se pose comme un "ennemi du système", personne n'est tenu de prendre cette posture spectaculaire pour réalité : le système, il en vit (fort bien, en élargissant, comme naguère Jean-Marie Le Pen, son activité à la vente de tout un bric-à-brac à son effigie ou à l'image de la "quenelle, ce qui a rapporté près de deux millions d'euros l'année dernière, et en organisant son insolvabilité pour ne pas payer les amendes auxquelles il est condamné, mais en faisant tout de même appel à ses fans pour les payer), comme les bouffons vivaient des rois... et cela fait 2000 ans que la judéophobie sert à presque tous les systèmes (la gauche n'en a d'ailleurs pas été préservée)  en distrayant leurs victimes sans jamais menacer les puissants.

Cela étant, le succès de Dieudonné, dont témoigne ce qu'on appelle désormais la "dieudosphère" (plusieurs dizaines de milliers de "contributions" sur les blogs et forums français, dont 40 % doivent être "modérées" tant elles sont violentes, haineuses, racistes), la polémique autour de son spectacle et de son interdiction sont un symptôme et nous en disent plus sur l'état du débat politique en France (et ailleurs, mais là, il s'agit de la France), que sur le contenu des discours de l'histrion antisémite. C'est sur fond d
'incapacité de la gauche (tous courants confondus) à produire un projet politique alternatif à celui mis en oeuvre par le gouvernement qui en est issu, et à dissocier la colère sociale de sa récupération par l'extrême-droite que surfent à la fois Marine Le Pen, Alain Soral et Dieudonné M'bala M'bala. Et cela rendrait risibles si elles n'étaient affligeantes certaines réactions s'autoproclamant "de gauche" à l'offensive gouvernementale contre l'héritier de Philippe Henriot...  du genre : "il est le seul à parler de l'impérialisme" (il n'est pire sourds que ceux qui ne veulent rien entendre...) ou  "pendant que l'on s'acharne sur Dieudonné, les banquiers s'engraissent !". Quel rapport ? les banques prospèrent aussi pendant qu'on condamne des pédophiles ou des criminels en série, en déduit-on qu'il faille les transformer en héros, ou en hérauts, de l'anticapitalisme ?  L'antiracisme ne détourne pas de l'anticapitalisme, la dénonciation de l'antisémitisme n'empêche pas la lutte contre l'exploitation, la misère, le chômage, le colonialisme et ses succédanés : les luttes s'additionnent, elles ne se soustraient pas.

Etre à la fois, politiquement, borgnes, unijambistes, manchots et hémiplégiques n'est gage ni d'efficacité, ni de radicalité, ni de cohérence dans le combat. Les fans "de gauche" de Dieudonné feraient bien de s'en rendre compte, et de cesser de lui servir d'idiots utiles. 

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