Modeste (?) appel à la gauche genevoise : Et si on arrêtait les conneries ?

On a toujours été ici de ceux qui considéraient que l'injonction « choisis ton camp, camarade ! » avait quelque chose de... comment dire ? comminatoire, simpliste, binaire... le genre «  classe contre classe »,« si t'es pas avec nous, t'es contre nous »... Mais franchement, est-ce qu'il n'y aurait pas des moments où «  choisir son camp » ne relèverait plus de la bête discipline (qu'on nous pardonne ce pléonasme) mais de l'intelligente cohérence ? des moment où il y aurait, pour faire dans la tautologie, un peu de l'identité de gauche d'un parti de gauche qui se jouerait dans le soutien (ou son absence) à une candidature de gauche ? Surtout quand la gauche ne pèse plus, toutes forces rassemblées (enfin, rassemblées, faut le dire vite...) qu'un tiers des suffrages... Et par sa propre faute... Il est vrai qu'on les a accumulées, les conneries ces deux dernières années..

Ce qu'il y a de plus chiant dans l'unité, ce sont les autres...

A gauche, à Piogre, on se gaussait de la droite genevoise, proclamée « la plus bête du monde», mais cette alacrité recelait en réalité de la jalousie : être «  plus quelque chose » que les autres, ça vous pose un camp politique. Mais comme on a, au tréfond de nous-mêmes un vieux reste d'humilité calvino-janséniste, on n'a pas osé prétendre être « la gauche la plus bête du monde » -d'autant qu'en cette compétition, la concurrence est féroce. Alors on s'est rabattu sur un espace plus petit, sur une ambition plus à notre portée : celle d'être la gauche la plus bête de Suisse. Et vous nous croirez si vous voulez, mais on est en train d'y arriver, à ce nirvana.

On a commencé tambour battant en 2012 avec une élection complémentaire au Conseil administratif de la Ville, ou une candidate de gauche était confrontée à un candidat de droite et à un candidat de la droite de la droite (on dit plus « extrême-droite », ça fait sectaire et ça nous embarque dans des explications historiques qui devraient être fort utiles, mais dont presque tout le monde se contrefout -à tort), mais qui dut se battre sans soutien de la gauche (à l'exception du Parti du Travail, qui la présentait, et de la Jeunesse Socialiste) : même la coalition « Ensemble à Gauche » (appréciez surtout le «  ensemble »...) dont elle fait partie avait refusé de la soutenir. Résultat : l'élection dans un fauteuil du candidat de droite.
C'était un bon début, mais en 2013, on a fait encore mieux: on a offert un siège ministériel au MCG, pour quelques centaines de voix perdues faute d'une liste de la «  gauche de la gauche » soutenant les candidats et la candidate du PS et des Verts.
Et on entame 2014 dans la joie et la bonne humeur, en renversant les fautes de l'année précédente, avec les états d'âme du PS et des Verts au sujet de la candidature de gauche, celle de Pierre Bayenet, contre la candidature de droite, celle d'Olivier Jornot, au poste de Procureur Général (l'un des plus importants de la République...) : encore une élection au suffrage universel avec une belle confrontation (pas seulement de personnes : aussi, et surtout, de projets et de priorités politiques) gauche-droite, sans listes communes de la gauche, pour des raisons qui ne sont que des prétextes et fleurent bon la réduction du débat politique (sur la justice, les prisons, les mesures de contraintes, la répression de le mendicité etc...) à la gestion des intérêts corporatistes.

Ajoutez à cela des hésitations socialistes à s'opposer clairement à la traversée routière du lac et de la rade, des amnésies roses-vertes sur les conditions de la vente des actions de la Ville dans le téléréseau municipal (Naxoo) et quelques réjouissances annexes (autour notamment, de la représentation de la gauche dans le Conseil de la Banque Cantonale), et vous aurez l'esquisse du paysage de la gauche genevoise en ce début d'année grégorienne 2014.

Alors peut-être bien, comme le soupire "Le Courrier", que Pierre Bayenet « ne part pas gagnant » contre Olivier Jornot dans l'élection du Procureur Général, mais on s'en fout. D'autant que le plus sûr moyen de ne pas partir gagnant reste de ne pas partir du tout. D'ailleurs, quel-le candidat-e de gauche pourrait prétendre « partir gagnant» dans dans quelque élection que ce soit, dans le rapport de force politique genevois actuel ? André Chavanne ? Jean- Jacques Rousseau ? Michel Servet ? Et quelle candidature de gauche au parquet général aurait aujourd'hui, à Genève l'heur de convenir aux socialistes et aux verts sans émaner d'eux ? Celle de Christiane Taubira ?
Bon, maintenant, nous ce qu'on en dit, c'est juste histoire de marquer le coup, parce qu'ici, on est de toute façon  prêt à être unitaire pour deux, trois, quatre ou plus si mésentente. Et même à être unitaire tout seul.
Parce qu'il faut bien qu'on vous l'avoue :  ce qu'il y a de plus chiant dans l'unité, ce sont les autres.

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