La Suisse et l'Union Européenne après un « oui » à l'initiative UDC le 9 février : L'Alleingang ou l'adhésion ?

Une assemblée des délégués du PS a décidé de poser des conditions « non négociable»  au soutien du parti à l'extension de la « libre-circulation » à la Croatie. Le PS prend donc, consciemment, le risque de remettre en cause la voie bilatérale, sans pour autant réaffirmer son soutien à la seule alternative concevable à cette voie : l'adhésion pure et simple à l'Union Européenne. Une adhésion dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle est peu soutenue dans l'opinion publique, même en Romandie, où elle rencontrait encore il y a quelques années l'assentiment, prudent, d'une majorité des personnes interrogées pour des sondages, et où, aujourd'hui, une majorité se dessine pour exprimer un refus de l'adhésion - y compris à gauche. Mais un joli paradoxe pointe son nez : l'adoption de l'initiative udéciste et europhobe contre la « libre circulation », en remettant en cause les accord bilatéraux, remettrait l'adhésion dans l'agenda politique comme unique alternative à l'Alleingang...

Quand l'UDC joue avec le feu, les pyromanes europhiles se marrent...

Il fut un temps, que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, où l'europhilie était du dernier cri politique. Ce temps est révolu : déjà pendant la campagne électorale des Fédérales de 2011, on n'avait parlé de l'Europe en général, et de l'Union en européenne en particulier, que pour les vomir -sans pour autant que la « question européenne » ait, malgré tous les efforts de l'UDC, pris une place importante dans la campagne. Le PS était le dernier parti à se prononcer encore favorablement à  une adhésion de la Suisse à  l'Union Européenne, mais sans en faire un thème essentiel, et moins encore une priorité, et ses candidates et candidats en 2011 avaient soigneusement évité le sujet. L'opinion publique, il est vrai, est devenue largement, et pour le moins, eurosceptique -voire europhobique. Non seulement les partis de droite «pro-européens » dans le passé ont retourné leur doudoune, mais ils ont été suivis dans cet exercice par les Verts. Et voilà que le PS lui même met de l'euroscepticisme, pour le moins, dans un vin déjà clairet...
Au sein du PS, les « pro-européens » n'ont pourtant pas disparu : Micheline Calmy-Rey s'affirme toujours telle, et  Cedric Wermuth et Eric Nussbaumer ont défendu l'idée d'une réactivation du débat sur l'adhésion, comme alternative à une voie bilatérale dont tout le monde, ou à peu près, sait qu'elle est, à terme, sans issue, mais à laquelle tout le monde, ou presque (le « presque », c'est l'UDC,  dont l'initiative « contre l'immigration de masse » est en fait une initiative contre la « libre circulation »,  élément clef des « bilatérales »), s'accroche alors que c'est bien pour échapper, non pas tant à  l'adhésion elle-même qu'à la nécessité de se prononcer clairement sur elle, que la Suisse avait choisi cette voie qui implique un nombre considérables d'accords liés entre eux,  longs à  élaborer et à  négocier, produisant massivementt de la paperasse et des réunions multiples, qui se retrouvent obsolètes dès leur signature et régulièrement menacés par des initiatives populaires impossibles à conjuguer aux «  bilatérales ». Mais aller plus loin, se poser la question de l'adhésion, envisager de prendre part aux décisions qu'on est déjà contraints à appliquer sans avoir pu participer à  leur élaboration, cette voie-là est obstruée par l'europhobie majoritaire de l'opinion publique -une europhobie  largement alimentée par l'Union Européenne elle-même, et les choix politiques et économiques qu'elle fait, et que la gauche européenne est impuissante à combattre -d'où la position d'un Carlo Sommaruga : « le social doit avoir la priorité sur l'institutionnel. Les sociodémocrates européens ont échoué à créer l'Europe sociale », et l'Europe telle qu'elle est, avec les rapports de force politiques qu'elle connaît, ne permet même plus de garantir les avantages des mesures d'accompagnement à la « libre circulation ».

Que le PSS, comme d'ailleurs le Conseil fédéral, se pose des questions sur les relations de notre beau pays avec  l'Union Européenne, c'est bien.  Reste à  savoir si ce sont les bonnes questions et si ceux qui les posent sont capables de leur donner une bonne réponse. Comment reprendre le droit européen au fur et à  mesure de son élaboration et de son évolution, tout en continuant de faire croire à la souveraineté de la Suisse alors que sa situation la contraint à respecter des décisions européennes sur lesquelles elle n'a aucune prise  puisqu'elle n'est pas membre de l'UE ? Comment défendre les droits démocratiques dans notre pays, et donc ne pas accepter la reprise « automatique » de la législation européenne par le droit suisse, sans référendum possible ? Dimanche, on saura si les Suisses ont ou non accepté de « casser les bilatérales »; comme ce régime a été concçu comme une alternative à la fois à un Alleingang étouffant et à une adhésion passée de mode, sa fin ne laisserait de perspective qu'une «  voie solitaire » sans issue ou une adhésion sans soutien populaire...
Quand l'UDC joue avec le feu, les pyromanes europhiles se marrent... Les « bilatérales » avaient éloigné, et presque effacé, l'hypothèse de l'adhésion mais l'adoption de l'initiative udéciste la rapprocherait jusqu'à la remettre dans l'agenda dont l'europhobie régnante l'avait extirpée.

L'UDC roulant pour l'adhésion à l'Union  Européenne : Amusant, non ?

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