Ecopop : une initiative sans unité de la matière ? La xénophobie comme cohérence

L'initiative « Ecopop », version verdâtre et malthusienne des initiatives xénophobes qui scandent depuis quarante ans la vie politique suisse (mais le comité d'initiative n'en proclame pas moins qu'«Ecopop» est « non partisane » -ce « ni gauche, ni droite», on connaît, on pratique déjà avec le MCG...) risque-t-elle d'être invalidée pour défaut d'« unité de la matière » ? de mauvais coucheurs, dont le chef du groupe PDC au Conseil des Etats, Urs Schwaller, estiment que ses deux propositions principales, le plafonnement de la population résidente par un coup d'arrêt à l'immigration, et l'obligation de consacrer 10 % du budget de la coopération internationale au soutien à des mesures de planning familial, n'ont rien à voir l'une avec l'autre. Il y a pourtant dans « Ecopop » unité d'une matière : la xénophobie. C'est son liant, et sa seule cohérence.

Un malthusianisme qui s'en prend aux immigrants pauvres plutôt qu'aux pauvres indigènes...

« Ecopop » exige que « la part de l'accroissement de la population résidant de manière permanente en Suisse qui est attribuable au solde migratoire ne peut excéder 0,2 % par an sur une moyenne de trois ans » (l'immigration illégale n'étant pas concernée, elle pourra augmenter au gré de la réduction de l'immigration légale...). Xénophobe, l'initiative l'est aussi pleinement que celle de l'UDC sur l'« immigration de masse» : le seul levier sur lequel « Ecopop » entend peser pour réduire la population suisse (ou la plafonner), c'est précisément celui de l'immigration. Mais sur cette xénophobie est passée un lourd badigeon verdâtre : il s'agirait de protéger le cadre de vie, de mener une politique démographique « écologique ». Comme si l'autorisation légale de résider en Suisse était une sorte de filtre contre la charge polluante que représente tout individu vivant et que l'écosystème genevois était préservé de l'écosystème annemassien, par une frontière dont la nature se contrefout plus encore que nous -et ce n'est pas peu dire.
Limiter l'immigration annuelle à 0,2 % de l'accroissement de la population résidente ne changera rien à notre emprise sur l'environnement, ni à notre environnement. Quant au soutien à la limitation des naissances dans le sud, il ne changera rien non plus à la pression de la population mondiale sur l'environnement : d'abord parce que cette pression  des populations du sud est incomparablement plus faible que celle des populations du nord (un enfant né en Suisse polluera bien plus qu'un enfant né en Afrique).  Ensuite parce que lles taux de natalité ne diminuent réellement, dans la globalité et la durée, que par l'amélioration des conditions de vie et du niveau culturel et de formation des populations. Autrement dit, l'aide au développement, sans condition de type «planning familial », est en soi un facteur de réduction des taux de natalité, dans la mesure où elle l'est d'amélioration des conditions de vie et de l'instruction. Les pauvres font toujours plus d'enfants que les riches, les universitaires toujours moins que les analphalbètes...

Mais si Ecopop frappe à côté de la cible démographique, elle frappe en plein dans la cible politique et ses propositions sont populaires parce qu'elles sont simples : si l'environnement se dégrade, qu'il y a crise du logement et crise des transports, c'est à cause de la « surpopulation ». Et s'il y a «surpopulation» c'est à cause de l'immigration. C'est facile à expliquer, facile à voter, complètement idiot, mais confortable : cela fait croire qu'on peut résoudre, ici, chez nous, des problèmes environnementaux sans rien changer à nos propres comportements. Qu'on va pouvoir continuer à surconsommer compulsivement. A avoir une bagnole par tête d'habitant en droit d'en conduire, plus une télé, un ordinateur, un téléphone portable par tête d'habitant nourrissons et grabataires compris.

« Ecopop » est ainsi à la fois malthusienne et xénophobe, et c'est additionner beaucoup d'erreurs, à commencer par celles à chaque fois démenties par les faits, du malthusianisme lui-même. En 1798, Malthus prédisait une famine généralisée, puisque la population augmentait plus vite que la production de nourriture -il avait tout simplement oublié de tenir compte des progrès de l'agriculture et de l'élevage. En 1968, Paul Ehrlich annonçait l'apocalypse pour 2000, à moins de pratiquer des stérilisations forcées. En 1974, c'est Garrett Hardin qui préconise la suppression de l'aide alimentaire aux pays pauvres, et en 1980, la deep ecology appellait à laisser la famine en Ethiopie suivre son cours « pour laisser la nature trouver son propre équilibre ». Par la mort en masse des Ethiopiens. Malthus s'en prenait aux peuvres indigènes, Ecopop aux immigrants pauvres. Et comme on ne peut pas ouvertement proposer le soutien à la propagation d'épidémies mortelles dans le tiers-monde, à des massacres de population civile façon syrienne ou modèle centrafricain, on fait avec ce que le politiquement correct tolère : on distribue des préservatifs à la périphérie. C'est une demie-mesure, mais l'important, c'est bien de réduire la population des autres.

Parce qu'il faut bien l'admettre : le monde, il est plein d'étrangers même pas suisses.

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