Fonds de tiroir

D'après le rapport 2014 sur l'éducation en Suisse, le niveau de formation augmente dans le pays : plus de 92 % des jeunes de 25 ans ont suivi avec succès une école professionnelle, un collège (lycée, gymnase) ou une école de culture générale. L'objectif de la Confédération est d'atteindre 95 %, ce qui est déjà le cas pour les personnes nées en Suisse et âgées de 26 à 35 ans. Environ 20 % des jeunes (en moyenne suisse) obtiennent une maturité fédérale, 10 % un master universitaire. Bon, donc en principe tout le monde dans ce pays, ou presque, sait lire et comprendre ce qu'il lit. Mais alors, comment ça se fait que 50,3 % des votantes et tants ont accepté une initiative aussi imbécile que celle de l'UDC contre l'« immigration de masse », hein, comment ça se fait ?

Les milieux patronaux et l'UBS ne sont pas contents de la formation professionnelle et des universités suisses : ils ont présenté deux études sensées prouver que ces formations n'armeraient pas assez les diplômés pour leur entrée dans la vie active, et seraient trop décalées des besoins en main d'oeuvre. Bref, les diplômés ne sont pas conformes à ce qu'en attendent le patronat et les banques. C'est quoi, au juste, le problème ? que les diplômés pensent par eux-mêmes et puissent, éventuellement, de temps en temps, penser autrement que leur patron ?

C'est le nouveau jeu de l'extrême-droite française (enfin, nouveau... disons que sa résurgence est nouvelle, parce que l'exercice est finalement assez ancien...) : s'attaquer aux bibliothèques pour en purger les ouvrages considérés comme indésirables. Même en fonction de critères qui relèvent du fantasme. Parce que la nouveauté, là, elle tient aussi à la désignation des ouvrages supposés « inspirés de l'idéologie du genre », c'est-à-dire ne respectant pas la différenciation sociale, et donc arbitraire, du féminin et du masculin. Comme la chasse aux livres « genristes » cible surtout les livres pour enfants (qu'il s'agit de protéger de l'influence néfaste des pourrisseurs), on résumera ça ainsi : « Papa fume et maman coud », c'est bien; « papa coud et maman fume », c'est mal. Un livre qui ferait passer le message qu'une fille a aussi le droit de jouer à des jeux de garçons (surtout si le livre en question a pour titre « Mlle Zazie a-t-elle un zizi ? »...), ou qui mettrait en scène une famille dont le couple parental est homosexuel («Jean a deux mamans»), c'est kafr. Donc à purger. L'exercice est allé si loin que la ministre de la culture, Aurélie Filipetti, a du se fendre d'un communiqué dénonçant le harcèlement dont ont été victimes plusieurs dizains de bibliothèques à Nantes, Tours (Jean Royer n'est pas mort ?), Rennes, Troyes, Strasbourg, Lyon, Clermont-Ferrand, Saint-Etienne, Toulon et on en passe... des « groupuscules fédérés par internet par des mouvements extrémistes » se rendent dans les bibliothèques, font pression sur le personnel, exigent le retrait des livres qui leur déplaisent, « avec des méthodes dignes desdescentes anti-IVG dans les hôpitaux », selon l'association des bibliothécaires de France. Et plusieurs bibliothèques se sont pliées au diktat de l'extrême-droite. Bon, à part ça, question : au-delà de l'étymologie (ouais, bon, d'accord, c'est facile, mais on aime bien « le blason » de Brassens...), est-ce que la connerie a un genre, et si oui, lequel ?

La Faculté de droit de l'Université de Genève a publié en novembre dernier une brochure bilingue français-roumain, rédigée par des étudiants et destinée aux Rroms en situation précaire (ils seraient 200 à 300 à Genève) et répondant simplement à des questions simples, sur les prestations publiques auxquelles ils ont droit, sur leurs rapports avec la police, sur la possibilité de jouer de la musique sur la voie publique etc... Tirée à 1500 exemplaires, la brochure n'a pas plu à l'UDC (qui interpelle à ce sujet le Conseil d'Etat). Sans blague ? Dire aux Rroms qu'ils ont des droits (et que la police n'a pas tous les droits), c'est irresponsable, c'est inciter les Rroms à venir en Suisse. Et les Rroms, on n'en veut pas en Suisse. D'ailleurs, les étrangers en général, on n'en veut plus. Alors quand en plus ils sont Rroms... Plutôt qu'expliquer aux Rroms quels sont leurs droits, faudrait éditer une brochure pour leur expliquer comment ils peuvent... pardon : comment ils doivent quitter Genève et la Suisse.
« L'UDC n'a-t-elle rien d'autre à faire ? » qu'agiter le Landernau pour une brochure tirée à 1500 exemplaires et ne contenant rien d'autre qu'un résumé des lois et règlements existants ?, se demande l'association Mesemrom... Ben non, apparemment, l'UDC n'a rien d'autre à faire...

Le pouvoir judiciaire genevois passe, ces jours, une annonce d'offre d'emploi pour le poste de «Directeur/trice des ressources humaines». Avec comme qualités exigées celles (entre autres) d'être «organisé-e, pragmatique et orienté-e résultats ». C'est-à-dire précisément les qualités que, dans nos partis de gauche, les magistrats opposés au soutien à la candidature de Pierre Bayenet comme Procureur Général, attribuent à Olivier Jornot, et dont ils font l'argument (ou le prétexte) de leur appel à ne pas soutenir Bayenet. Bon, ben alors, si on faisait de Jornot le Directeur des ressources humaines du pouvoir judiciaire, puisqu'il en a les qualités ? C'est-y  pas une bonne idée, ça ?

Le groupe Facebook recensant les logements inoccupés à Genève, qui avait remis à la mi-janvier au Conseiller d'Etat Antonio Hodgers une première liste de 114 logements laissés vides sans explication crédible,  a trouvé à Plan-les-Ouates un immeuble entier, de 40 studios, laissé inoccupé par son propriétaire, la caisse de pension de la Migros (MPK), qui dit vouloir le rénover mais n'a jamais commencé les travaux depuis en avoir obtenu autorisation en septembre 2012. Selon l'un des administrateurs de la page Facebook, dans l'écrasante majorité des cas, ce sont des fonds de pension, des assurances et des banques qui retiennent des logements sans les louer, en pleine crise du logement. On n'en finit pas de chanter les louanges du système financier et du Deuxième Pilier...  On ajoutera que les socialistes préparent un projet de loi prévoyant que pour chaque surface commerciale construite une surface équivalente soit affectée (ou construite) en logement. Les surfaces commerciales inoccupées atteignaient presque 200'000 m2 (20 hectares...) fin décembre 2012 et actuellement, seules les surfaces de logements transformées en surfaces commerciales doivent être compensées... On n'en finit pas non plus de chanter les louanges de la tertiarisation de l'économie

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