Quand Blocher blochérise sur les Welches : La nation ou la tribu ?
Vertueuse indignation et concours de jérémiades patriotiques dans
toute la presse romande après les déclarations de Christoph
Blocher dans son quotidien bâlois : « les Romands ont toujours eu
une conscience nationale plus faible ».Une conscience nationale de
quoi ? de la Suisse ? Mais la Suisse n'est pas une nation... Plus
faible que qui ? que les Alémaniques ? Mais toutes les plus
grandes villes alémaniques ont voté avec les Romands contre son
initiative à la con... Plus faible que celle de Blocher lui-même ?
Mais la sienne n'est pas une conscience « nationale », c'est une
conscience tribale. « De quel droit osez-vous mettre en doute le
patriotisme des Romands », s'étrangle le rédac'chef de la «
Tribune »... avant d'adresser cette quenelle à Blocher : « vous
n'avez pas le monopole identitaire ». Parce qu'il nous faudrait
revendiquer notre part de ce tropisme ?
La Suisse de Blocher ? on s'en fout, et on ne lui demande qu'une chose : que cela soit réciproque...
Au fond, il a presque raison, le pithécanthrope, quand il accuse les Romands d'avoir une faible «conscience nationale». « Presque », à deux mots près : « Nation » et « Romands ». « Nation » parce qu'il l'utilise à la place de « tribu » . Et « Romands » parce qu'il oublie que toutes les plus grandes villes alémaniques ont voté avec les Romands contre son initiative... Mais il est vrai que nous n'avons pas la même «conscience nationale» que lui et les siens. Précisément parce que nous avons une conscience « nationale » quand lui n'a qu'une conscience tribale, et que notre conscience politique nous vient de quelque chose qui s'appelle la République -au sens étymologique comme au sens historique, deux sens qui s'opposent au tribalisme comme la société s'oppose à la communauté, la cité à la gens, le droit du sol au droit du sang. « Vous n'avez pas le monopole identitaire » clame l'édito de la Tribune de Genève à l'adresse de Blocher... Ce monopole, que le journal d'extrême-droite français Minute, qui orne sa « une» d'un drapeau suisse, voudrait bien partager, on le lui laisse sans regrets, à Blocher. En gardant pour nous une « conscience nationale » qui sait qu'il n'y a pas de nation en soi, qu'il n'y a que des nations pour soi, et que cela est incompatible avec ce que Blocher et les siens cultivent : le Vaterland tribal.
« De la part de quelqu'un (Blocher, donc) qui a vendu Alusuisse aux Canadiens et qui vendrait bien Swisscom ou La Poste aux Allemands, je ne reçois pas de leçon de patriotisme », a rétorqué Pierre-Yves Maillard à Blocher. A quoi on ajoutera que les efforts déployés par l'UDC en Suisse alémanique pour remplacer l'enseignement du français par celui de l'anglais passeront difficilement pour une manifestation de haute « conscience nationale ».... Le « patriotisme » de Blocher est un patriotisme heimatstyle, quelque chose qui ressemble à la maison de pain d'épice de Hansel & Gretel, une construction mythologique et consolante -à laquelle d'ailleurs les udécistes romands adhèrent même quand leur gourou vient de les traiter de demi-suisses puisqu'ils sont romands... Blocher avait d'ailleurs déjà traité les Romands de « Grecs de la Suisse » -ce qui,. dans son esprit, devait être une condamnation, mais que avons pris pour un compliment nous attribuant à nous et pas à lui et aux siens une part de l'héritage politique hellène, et lui laissant la part qu'il veut du tribalisme germanique.
La Suisse n'existe que dans la seule mesure où tous les Suisses en veulent de semblable manière -or tel n'est plus le cas. Son existence même dépend de sa pluralité, et du respect par sa majorité culturelle ou de ses majorités politiques d'occasion, constituées d'une addition de minorités, des choix de la minorité ou des minorités. Ce n'est que par la Romandie et le Tessin (malgré le Tessin lui-même, d'ailleurs) que la Suisse est autre chose qu'une Allemagne du sud ou une Autriche de l'ouest. Qu'une majorité alémanique (et, ahimé !, tessinoise...) ne le comprenne pas, que Blocher n'y veuille entraver que dalle, que l'une et l'autre se persuadent qu'il suffit de dire «non» à l'Europe pour exister, n'y change rien : la Suisse n'est pas, n'a jamais été, et ne sera sans doute jamais, un Etat-nation. Elle est un contrat. Elle n'est fondée ni sur une communauté de culture et de langue, ni sur l'adhésion contrainte ou spontanée à une idéologie (quoique l'idéologie ne soit évidemment pas absente du discours que l'on tient dans ce pays sur ce pays), mais sur un calcul rationnel : celui des avantages et des désavantages d'en être ou non. Même pas un mariage : un concubinage de raison. Un contrat, disons-nous -or un contrat peut se rompre ou se renégocier. Celui-là devra être renégocié ou être rompu, dès lors que ceux qui le passent ne vivent plus dans le même monde, ni dans le même temps.
On ne se joindra donc pas au choeur de pleureuses ayant salué en Romandie la « sortie » de Blocher. Rien ne nous semble plus urgent aujourd'hui, en Romandie et dans les villes, de nous insoumettre à la Suisse dont cette fatwa témoigne.
La Suisse de Blocher ? Au fond, il a raison : on s'en fout, et on ne lui demande qu'une chose : que cela soit réciproque.
La Suisse de Blocher ? on s'en fout, et on ne lui demande qu'une chose : que cela soit réciproque...
Au fond, il a presque raison, le pithécanthrope, quand il accuse les Romands d'avoir une faible «conscience nationale». « Presque », à deux mots près : « Nation » et « Romands ». « Nation » parce qu'il l'utilise à la place de « tribu » . Et « Romands » parce qu'il oublie que toutes les plus grandes villes alémaniques ont voté avec les Romands contre son initiative... Mais il est vrai que nous n'avons pas la même «conscience nationale» que lui et les siens. Précisément parce que nous avons une conscience « nationale » quand lui n'a qu'une conscience tribale, et que notre conscience politique nous vient de quelque chose qui s'appelle la République -au sens étymologique comme au sens historique, deux sens qui s'opposent au tribalisme comme la société s'oppose à la communauté, la cité à la gens, le droit du sol au droit du sang. « Vous n'avez pas le monopole identitaire » clame l'édito de la Tribune de Genève à l'adresse de Blocher... Ce monopole, que le journal d'extrême-droite français Minute, qui orne sa « une» d'un drapeau suisse, voudrait bien partager, on le lui laisse sans regrets, à Blocher. En gardant pour nous une « conscience nationale » qui sait qu'il n'y a pas de nation en soi, qu'il n'y a que des nations pour soi, et que cela est incompatible avec ce que Blocher et les siens cultivent : le Vaterland tribal.
« De la part de quelqu'un (Blocher, donc) qui a vendu Alusuisse aux Canadiens et qui vendrait bien Swisscom ou La Poste aux Allemands, je ne reçois pas de leçon de patriotisme », a rétorqué Pierre-Yves Maillard à Blocher. A quoi on ajoutera que les efforts déployés par l'UDC en Suisse alémanique pour remplacer l'enseignement du français par celui de l'anglais passeront difficilement pour une manifestation de haute « conscience nationale ».... Le « patriotisme » de Blocher est un patriotisme heimatstyle, quelque chose qui ressemble à la maison de pain d'épice de Hansel & Gretel, une construction mythologique et consolante -à laquelle d'ailleurs les udécistes romands adhèrent même quand leur gourou vient de les traiter de demi-suisses puisqu'ils sont romands... Blocher avait d'ailleurs déjà traité les Romands de « Grecs de la Suisse » -ce qui,. dans son esprit, devait être une condamnation, mais que avons pris pour un compliment nous attribuant à nous et pas à lui et aux siens une part de l'héritage politique hellène, et lui laissant la part qu'il veut du tribalisme germanique.
La Suisse n'existe que dans la seule mesure où tous les Suisses en veulent de semblable manière -or tel n'est plus le cas. Son existence même dépend de sa pluralité, et du respect par sa majorité culturelle ou de ses majorités politiques d'occasion, constituées d'une addition de minorités, des choix de la minorité ou des minorités. Ce n'est que par la Romandie et le Tessin (malgré le Tessin lui-même, d'ailleurs) que la Suisse est autre chose qu'une Allemagne du sud ou une Autriche de l'ouest. Qu'une majorité alémanique (et, ahimé !, tessinoise...) ne le comprenne pas, que Blocher n'y veuille entraver que dalle, que l'une et l'autre se persuadent qu'il suffit de dire «non» à l'Europe pour exister, n'y change rien : la Suisse n'est pas, n'a jamais été, et ne sera sans doute jamais, un Etat-nation. Elle est un contrat. Elle n'est fondée ni sur une communauté de culture et de langue, ni sur l'adhésion contrainte ou spontanée à une idéologie (quoique l'idéologie ne soit évidemment pas absente du discours que l'on tient dans ce pays sur ce pays), mais sur un calcul rationnel : celui des avantages et des désavantages d'en être ou non. Même pas un mariage : un concubinage de raison. Un contrat, disons-nous -or un contrat peut se rompre ou se renégocier. Celui-là devra être renégocié ou être rompu, dès lors que ceux qui le passent ne vivent plus dans le même monde, ni dans le même temps.
On ne se joindra donc pas au choeur de pleureuses ayant salué en Romandie la « sortie » de Blocher. Rien ne nous semble plus urgent aujourd'hui, en Romandie et dans les villes, de nous insoumettre à la Suisse dont cette fatwa témoigne.
La Suisse de Blocher ? Au fond, il a raison : on s'en fout, et on ne lui demande qu'une chose : que cela soit réciproque.
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