Le PLR genevois veut bloquer les effectifs de la fonction publique : Et les radelibes pompaient, pompaient...

Le PLR genevois propose un blocage de l'engagement de nouveau personnel dans la fonction publique tant que la dette sera supérieure au revenu annuel du canton, soit une huitaine de milliards de francs. En une législature (2009-2013) le nombre de postes de travail au sein de l'administration centrale, de la justice et des services publics en gestion directe, comme l'école et la prison (mais sans les entreprises publiques autonomes -et sans les communes) a augmenté de 8,43 %, soit de 1200 équivalents plein-temps. Pour les radelibes, c'est trop -mais ils n'ont pas osé proposer carrément de supprimer des postes. Sans doute parce que les 1200 postes créés entre 2009 et 2013 l'ont beaucoup été dans des services (la justice, la police, la prison) dépendant d'un département présidés par une conseillère d'Etat puis un Conseiller d'Etat... du PLR lui-même...

Le secteur public genevois est ce les citoyennes et les citoyens ont voulu qu'il soit...

On ne glosera pas ici sur le principe même du «frein à l'endettement» que le PLR genevois veut renforcer -on se contentera de rappeler que l'emprunt est un moyen de financer des investissements, que le coût du report de ces investissements est, quand on s'y livre, supérieur à leur coût initial, et qu'à ne pas assurer, par exemple, l'entretien des bâtiments publics ou la construction de nouveaux lieux publics, on finit par devoir assumer des coûts directs, indirects et sociaux bien plus élevés que ceux qu'on a renoncé à couvrir par l'emprunt. Mais la question posée par la proposition du PLR n'est pas là : elle est dans la taille, le rôle et la légitimité de la fonction publique.

Avec 15'000 postes de travail dans la fonction publique cantonale Genève se classe certes, derrière Bâle-Ville, à la deuxième place des cantons suisses dans un classement en fonction du nombre d'employés de l'administration publique par habitant, mais comme Bâle-Ville, Genève est particulièrement marquée par la disproportion des fonctions publiques cantonale et municipales : dans aucun autre canton (sauf Bâle-Ville, et peut-être Fribourg) le rapport entre les deux est aussi déséquilibré -au profit de la fonction publique cantonale- qu'à Genève, l'explication tenant dans la très inégale répartition des compétences qui y règne entre le canton et les communes, et dans une sorte de principe de subsidiarité inversé : les communes n'ont de compétences que celles que le canton leur laisse, et il ne leur en laisse pas beaucoup, surtout pas à la Ville de Genève. En outre, la situation et la démographie genevoise expliquent largement la taille de sa fonction publique dans la population active : le canton est frontalier, excentré, urbain, universitaire, aéroportuaire, tertiarisé et à forte immigration... et Genève n'est pas de ces cantons qui peuvent se permettre d'avoir des secteurs publics réduits parce qu'ils profitent des secteurs publics de leurs voisins (comme le font les cantons voisins de Zurich, par exemple).
Enfin et surtout, la taille de l'Etat cantonal genevois est fixée par le peuple genevois : Genève a une fonction publique développée parce que son secteur public est plus développé qu'ailleurs, et elle a un secteur public plus développé qu'ailleurs parce que ses habitantes et ses habitants en ont décidé ainsi. Le personnel de la fonction publique n'a pas été engagé par pulsion, et n'est pas occupé à des tâches que nul ne lui aurait confié : le secteur public genevois est ce qu'il est parce que les citoyennes et les citoyens l'ont voulu, en confiant plus de tâches qu'ailleurs aux collectivités publiques -soit en décidant eux-mêmes de les leur confier, soit en ne s'opposant pas à ce que ces tâches leur soient confiées par le parlement, y compris d'ailleurs par la droite -en particulier dans le domaine sécuritaire.

La gauche s'opposera à la proposition du PLR. Elle s'y opposera pour, entre autres, les raisons qui viennent d'être évoquées, mais aussi par réflexe politique identitaire. Nous sommes « le camp du service public ». Mais encore ? L'idéologie (le terme n'est pas en soi péjoratif, l'idéologie n'étant que l'organisation d'idées en un corpus à peu près cohérent, et l'expression d'un refus de l'idéologie étant elle-même profondément idéologique) du service public, à laquelle la gauche adhère, quoi qu'il en soit de la sincérité de cette adhésion, apparaît désormais moins comme celle d'un service au public que comme celle du service de l'Etat « en soi » -moins une alternative à la conception bourgeoise de l'Etat que la perfection de son mensonge : On se retrouve dans une contradiction insoluble autrement que par la disparition de l'un de ses deux termes, entre une société fondamentalement inégalitaire et des services publics qui ne peuvent être service au public que s'ils sont égalitaires, gratuits et fondés sur des règles contraires à celles de la société qui les produit, en use et les organise et qu'ils organisent en retour.

Commentaires

Articles les plus consultés