Premier (et seul) tour de l'élection du procureur Général de Genève : Qui perd, gagne !

Bon, évidemment, le colonel procureur restera Procureur Général, mais au risque de lasser, on le répète : avant même que soit jouée son élection, nous avions déjà remporté trois victoires, la première en imposant cette élection contre la tentation de la cooptation clanique, la seconde en imposant un débat politique sur la justice et la prison contre le « silence dans les rangs », la troisième en imposant l'évidence des qualités du candidat que nous soutenions. Ces victoires, nous les avons remportées sur tous ceux et toutes celles qui ne voulaient ni d'une élection du Procureur Général (parce que la démocratie doit s'arrêter aux portes du Palais de Justice), ni d'un débat politique sur la justice et la prison (parce que la justice et la prison sont, l'une au-dessus et l'autre au-dessous de tout débat), ni d'un candidat de gauche au poste de Procureur Général (parce que le candidat sortant, de droite, convenait à la corporation judiciaire de gauche). Pierre Bayenet n'a pas été élu ? La démocratie, grâce à lui, l'a été.

La « Gauche socialiste », dites-vous ? Mais ce devrait être un pléonasme...

Près de 85'000 citoyennes et citoyens ont participé à l'élection du Procureur Général de Genève -cette élection dont la corpo judiciaire, de droite et de gauche, ne voulait pas. Plus de 28'000 d'entre eux (comme dirait Sieyès, « nous sommes le Tiers »...) ont soutenu le candidat de la gauche à cette élection -ce candidat dont une partie de la gauche ne voulait pas, quand elle ne refusait pas carrément toute candidature de gauche. Pendant deux mois, cette candidature, ce candidat, les forces politiques et sociales (notamment syndicales) qui le soutenaient ont imposé un débat sur la justice et la police -ce débat dont le procureur sortant et ces soutiens ne voulaient pas, mais auquel ils ont finalement été contraints de participer, et auquel ont également pu participer des secteurs de la société, et des personnalités, y compris des parlementaires de droite, qui eussent été inaudibles si cette élection et ce débat n'avaient pas eu lieu.

L'appel à l'« apolitisme » du choix du Procureur Général de notre vieille république aura ainsi été recouvert par le débat, éminemment, explicitement, légitimement politique mené pendant toute la campagne de Pierre Bayenet. Il était d'ailleurs fort paradoxal, cet appel à l'apolitisme venant d'où il venait, et au profit de qui il était lancé : Ancien député, ancien président du parti libéral, ancien candidat à la candidature au Conseil d'Etat, le candidat sortant avait beau se la jouer « apolitique », il était à peu près aussi crédible dans ce rôle que le signataire de ces lignes dans celui du commentateur impartial. Quant aux juges et procureurs de gauche qui reprenaient cet appel, il ne fut certainement pas inutile de leur rappeler que, même négociées comme on se partage des bénéfices entre actionnaires, les places de juges et de procureurs sont bel et bien négociées entre partis politiques...

Il y a, pour un parti politique, pire qu'une défaite électorale : être absent. Le candidat de gauche a fait, hier, sans le soutien du PS et des Verts, un résultat au niveau de celui de l'ensemble des partis de gauche lors des dernières élections cantonales -autrement dit : la très grande majorité des électrices et électeurs socialistes et verts ont soutenu Pierre Bayenet -mais il fallut pour cela que des militantes et des militants des deux partis défaillants fassent, à la place de leur organisation, le travail qu'on est en droit d'attendre, voire d'exiger, de partis de gauche. Et dans le même temps où il faut savoir gré à « Ensemble à Gauche » d'avoir provoqué cette élection en présentant son candidat, il faut espérer que la leçon aura porté sur le Parti socialiste, le parti des Verts et leurs directions respectives : aucun appareil politique n'est indispensable, aucun parti politique n'est légitime s'il refuse de jouer son rôle.
Enfin, et surtout, on dira merci aux milliers d'électrices et d'électeurs, qui ont apporté leur soutien à Pierre Bayenet. Merci, aussi, à celles et ceux qui ont décidé de présenter sa candidature, et de déposer des listes pour le soutenir. Et plus encore, merci à Pierre Bayenet lui-même, pour son engagement, sa ténacité, sa pugnacité dans les débats et la constance avec laquelle il a défendu des positions et des propositions qui étaient aussi les nôtres, et une conception de l'action judiciaire, de ses priorités et de ses méthodes, qui est, fondamentalement, une conception commune à toutes les forces de gauche -même si une partie d'entre elles se sont  révélées trop timorées pour se donner les moyens de les défendre.  Raison pour laquelle nous avions, avec la Jeunesse Socialiste, et non la mort mais la vie dans l'âme, déposé pour Pierre Bayenet une liste intitulée « Gauche Socialiste ».
Gauche socialiste ? mais ce devrait être un pléonasme...

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