Les Genevois refusent de payer pour des parkings en France : Pingrerie et déni de réalité...


   

Le 9 février dernier, Genève votait pour la libre circulation, contre le contingentement des immigrants. Et trois mois après, Genève votait contre une modeste participation à l'installation, côté français de la frontière, de parkings-relais destinés à soulager la voirie genevoise du trafic automobile frontalier. Incohérent, le vote du 18 mai ? Evidemment. Stupide ? Aussi. Mais surtout, inquiétant. Non par ses conséquences concrètes, mais par ce qu'il signifie de déni de réalité : Non, Genève n'est pas à l'extrémité occidentale de la Suisse, mais en son centre. Et Genève n'a de frontières avec la France. Et Genève n'est pas un canton urbain, mais un canton rural de montagne. Et les emplois existants et créés à Genève peuvent tous être occupés par une population active résidente qui trouve dans le canton tous les logements nécessaires.

« Il y a eu une région avant les votations, il y en aura une après » : un souk ou un forum ?

A 51,1 %, et avec une participation qui exclut que l'abstention soit responsable de ce résultat, les électrices et électeurs genevois ont suivi la droite de la droite (le MCG et l'UDC) contre une petite participation de 3 millions de francs à  la construction de cinq parkings-relais en « France voisine ». Il est vrai que, tous mobilisés sur d'autres enjeux évidemment plus importants (les Gripen, le salaire minimum), nous avons, comme la droite démocratioque et le Conseil d'Etat,  largement délaissé la campagne sur ces parkings-relais, et que dès lors, n'importe qui a pu dire n'importe quoi sans être contredit, tel le luminescent président du MCG, Roger Golay nous assènant qu'« actuellement, l'argent ne circule qu'à sens unique de Genève vers les zones frontalières ». Et le demi-milliard  et quelques dizaines de millions d'impôts payés par les frontaliers et restant, après rétrocession, dans les caisses publiques genevoises, alors ? Il vient d'où et il va où ?

On comprend bien le mot d'ordre du MCG : ce parti vit des emmerdements subis par la population et n'a donc aucun intérêt à ce qu'ils s'amenuisent. Mais le vote de ces quartiers et de ces villages subissant les nuisances d'un trafic frontalier que le projet qu'ils ont refusé pouvait contribuer à réduire, il rime à quoi ? Pur masochisme, pure bêtise, pure pingrerie ? Ou plutôt, défaut de légitimité du discours sur le « Grand Genève » tenu par tout ce que la région compte d'autorités politiques et d'associations économiques, mais ne reposant sur aucune structure démocratique commune à la région que l'on prétend construire ?  Cette région est à la fois une donnée des faits, une réalité à laquelle il n'est plus possible de se soustraire, et un projet à la fois opaque et rhétorique -un projet « fumeux, conduit par des institutions peu lisibles, en tout cas pas démocratiques, et qui n'est porté par personne », résume Guy-Olivier Segond. Et en effet, ce qui manque au projet de la Grande Genève n'est ni d'être nécessaire, ni d'être évident, la réalité se chargeant de ces deux critères. Il lui manque seulement d'être légitime. Et en démocratie (puisque Genève, la Suisse, la France sont des démocraties), la légitimité ne se décrète pas d'en haut, elle s'octroie d'en bas : tant que les habitants de cette région, les citoyennes et les citoyens des deux côtés de la frontière, les collectivités locales françaises et genevoises (et vaudoises) ne se seront pas emparés de ce projet, il restera politiquement lettre morte. Sans pour autant que cela empêche « l'économie » de la réaliser, à son seul profit, en ne tenant compte que de ses seuls intérêts et de ses seules règles.

Le choix n'est donc pas entre la région ou non, entre la Grande Genève transfrontalière ou la Petite Genève cantonale, il est entre une région laissée à la détermination par le marché (y compris celui du travail) et une région construite par des choix politiques et des méthodes démocratiques. Un choix entre le souk et le forum.

« Il y a eu une région avant les votations, il y en aura une après », a commenté le président du Conseil d'Etat genevois. Constat d'évidence : en effet, Genève n'a pas changé ni de situation géographique, ni de réalité sociale, démographique, culturelle, économique le 18 mai, Le 17 mai, Genève était une quasi-enclave suisse en France, le 19 mai elle l'était toujours. Le 17 mai, aucun service public genevois ne pouvait fonctionner sans les travailleuses et travailleurs frontaliers, le 19 mai toujours aucun service public genevois ne pouvait fonctionner sans elles et eux. Le 17 mai, des dizaines de milliers d'anciens résidents genevois habitaient sur France, ils ne sont pas revenus à Genève deux jours plus tard. Et le 17 mai, des milliers de résidents genevois sont allés faire des achats en France, ils ne sont pas allés reporter le lundi leurs achats au service client des supermarchés français le lundi.
Mais le bulletin de vote de combien d'entre eux s'est retrouvé dans les urnes le dimanche avec un déni de leur propre réalité ?




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