La gentille gauche face à l'extrême-droite méchante...


Bureau des pleurs ou riposte politique ?

La gauche gentille (qu'on nous pardonne ce pléonasme) se plaint : le MCG pourrit l'ambiance dans les parlements, et c'est pas juste, on y était si bien avant qu'il y entre. Dans « Gauche Hebdo » du 31 mai les présidentes des Verts, Lisa Mazzone, et du Parti socialiste, Carole-Anne Kast, invitent la gauche à « s'unir pour dénoncer les agissements du MCG qui menace la démocratie » -curieusement, les caissettes sur lesquelles les affichettes du journal résumaient l'appel des présidentes verte et socialiste par « le MCG est un parti dangereux pour la démocratie » ont été systématiquement vandalisées (« par des inconnus », ajoute l'hebdo -des inconnus sans doute « ni de gauche ni de droite »...). S'unir pour dénoncer les agissements du MCG, soit. ça ne mange pas de pain. Mais après la dénonciation, on fait quoi ? On la fait aboutir à quoi, la dénonciation ? A un bureau des pleurs démocratiques, ou à une capacité de riposter comme ils le méritent aux « agissements » qu'on dénonce ?

Quand nous nous enfermons nous-mêmes dans le respect des règles qui nous désarment...

Les séances de plusieurs parlements municipaux et du parlement cantonal genevois sont le théâtre d'affrontements verbaux récurrents. Au Conseil municipal d'Onex, raconte la Tribune de Genève du 15 mai, le débat, mi-mai, s'est transformé « en pugilat en bonne et due forme où le verbe dépasse largement le politiquement correct et où les insinuations douteuses n'ont plus rien à voir avec l'intérêt public » -et à Onex comme à Vernier ou à Ville, ce sont (presque) toujours des mêmes bancs que sourdent, s'exhalent et s'expriment initialement injures et provocations plus ou moins nauséabondes : des bancs du MCG. Il nous arrive certes, parfois, d'y répondre sur le même ton, mais tout se passe comme si la gauche se trouvait désarmée, tétanisée, devant les brâmes de l'extrême-droite. Le plus souvent, elle se contente de les dénoncer et de s'en plaindre. Et d'exiger des excuses. Qui finissent par tomber de quelque générateur automatique de contritions calibrées où l'on s'excuse soi-même. Or ce dont la gauche devrait se plaindre surtout, c'est de ne pas savoir comment répondre à ces agressions. De ne pas savoir, de ne plus savoir ou de ne plus vouloir ?

Dans l'entretien accordé, avec sa collègue présidente des Verts, Lisa Mazzone, à Gauche Hebdo, la présidente du PS genevois, Carole-Anne Kast, décrit assez bien ce que fait le MCG, comment il fonctionne et à quels fins : n'ayant pas de programme, « il utilise les institutions, non pour développer ses idées, mais pour attaquer celles des autres, bloquer des processus, se faire de la pub, de l'auto-promo et de temps en temps accorder des avantages à ses membres ». Contrairement à la droite « bourgeoise », qui, si elle « défend des privilégiés », respecte au moins « certains principes, ne triche pas avec les règles du système » -ce qui est d'ailleurs la moindre des choses puisque le « système » est le sien... Une fois ce constat fait, quelles conclusions en tire-t-on quant à notre propre situation dans le champ politique (et on ne parle pas là seulement du PS) ?

Les partis d'extrême-droite gagnent parce qu'ils se présentent aux victimes du « système » comme des partis « anti-système », lors même qu'ils ne rêvent que d'être eux-mêmes au centre du « système ». Mais les partis « anti-système », il fut un temps où c'étaient les nôtres... un temps où nous ne nous accrochions pas ou « système » pour y défendre nos places contre ceux qui veulent les prendre (pour n'en rien faire d'autre que ce qu'ils contestent)... un temps où le qualificatif de « socialiste » signifiait une volonté de changer radicalement le jeu social et politique, ses règles et ses fins...
Nous nous enfermons nous-mêmes dans un respect des règles qui nous désarment. Mais d'où nous tombent-elles, ces règles ? Sont-elles les nôtres ? Et qui gagne à ce que nous les respections comme des fétichistes leurs fétiches, sinon nos adversaires ? Eux s'en émancipent de ces règles, pourquoi pas nous ? Parce que nous, nous les avons intériorisées. Au point d'ailleurs de ne pas hésiter longtemps à passer quelques petites alliances crapoteuses ou nouer quelques bonnes connivences de buvette avec ceux dont nous déclarons par ailleurs qu'ils sont «un danger pour la démocratie ».

Certes, des partis comme le MCG, le Front National en France, Jobbik en Hongrie ou « Aube Dorée » en Grèce, n'entrent pas dans les parlements en forçant leurs portes : ils y entrent parce qu'ils s'y font élire. Cela en fait-il pour autant des « partis comme les autres », avec lesquels il conviendrait de travailler comme avec les partis de la droite démocratique ? Et nos partis, à nous, d'ailleurs, ne paient-ils pas le prix politique fort d'être devenus des « partis comme les autres » alors que ce qui les justifiait, et qui toujours peut les justifier, les légitimer, est précisément leur différence (s'il en reste une qui soit notable) d'avec « les autres », leurs règles et leurs institutions ?

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