Printemps étouffés


Pourquoi le soulèvement des peuples d'Afrique du nord n'a-t-il réellement pu aboutir à un véritable changement de régime qu'en Tunisie, et pas en Egypte, ni en Algérie, ni même en Libye ou il n'a abouti qu'à remplacer une démence par une autre ? Peut-être parce qu'il fut porté en Tunisie par un mouvement syndical émancipé de la tutelle du parti-Etat. Mais en Algérie et en Egypte, les mouvements sociaux, étouffés ou réprimés, n'ont pas disparu, ni la volonté des travailleurs de construire un syndicalisme d'opposition, indépendant de l'Etat et, en Algérie, d'un ex-syndicat unique voué à la fonction de « courroie de transmission » du régime et de ses clans. Pour aider les mouvements syndicaux autonomes égyptiens et algériens à s'organiser, se coordonner et se renforcer, le SOLIFONDS (Fonds de solidarité pour les luttes de libération sociale dans le tiers monde) a lancé un appel au soutien : répondez-y...

"Un combat de longue haleine"

Algérie : réelection d'Abdelaziz Bouteflika, malade et hors d'âge, à la présidence; Egypte : élection à la présidence du général al-Sissi, récupérateur d'une révolution récupérée avant lui par les Frères Musulmans. L'Egypte, la Tunisie, la Libye, ont connu des soulèvements populaires qui ont abouti dans les trois cas au renversement des régimes en place et à l'exil, l'emprisonnement ou l'assassinat de leurs chefs, mais ce « printemps arabe » semble n'avoir pas touché l'Algérie (ni d'ailleurs le Maroc), dont le pouvoir, maniant la carotte et le bâton, a réussi à contenir la colère populaire dans des limites supportables pour lui. Du moins jusqu'à présent. Car les mouvements de protestation, les grèves et les débrayages, les manifestations, sont quotidiennes, dans un pays qui a traversé une « sale guerre » dont le bilan est effrayant : entre 100'000 et 200'000 morts et disparus dans les années '90, entre « terrorisme » et «contre-terrorisme», groupes armés islamistes, forces de sécurité, services spéciaux  et groupes armés « éradicateurs » para-étatiques.

En Egypte, où le respect des droits syndicaux et de la liberté de créer des syndicats indépendants étaient deux exigences du soulèvement de 2011 qui aboutit à la chute de Hosni Moubarak et de son clan (mais pas du pouvoir réel), les mouvements sociaux sont en butte à la répression depuis la confiscation de la révolution par les Frères Musulmans, et cette répression s'est encore accentuée depuis le coup d'Etat de l'armée contre la confrérie islamiste. Le centre syndical CTUWS ne baisse pas les bras pour autant : il mène campagne pour renforcer la présence des femmes dans le mouvement syndical, a appuyé la création de la première organisation syndicale féminine, et projette trois nouvelles campagnes, pour aider les syndicats autonomes d'entreprise, titulariser les intérimaires des entreprises d'Etat et coordonner les forces démocratiques.
En Algérie, où un million de jeunes sont sans emploi et où les prix atteignent des niveaux insupportables à la majorité de la population, les espaces politiques sont verrouillés, les élections trafiquées et les droits syndicaux bafoués. « Le régime doit accepter un changement pacifique et démocratique », proclame le président de la Confédération Syndicale Autonome CGATA (Confédération générale autonome des travailleurs algériens), qui regroupe treize syndicats autonomes, essentiellement dans le secteur public). Le régime « doit accepter...» mais le régime n'accepte pas, lors même que le pays est une véritable cocotte-minute : « une explosion sociale peut survenir à tout moment », prévient Rachid Malaoui. Or le pouvoir refuse toute reconnaissance aux syndicats autonomes, n'a engagé aucun dialogue avec eux (la loi l'y oblige pourtant) et méprise souverainement les conventions de l'Organisation Internationale du Travail que l'Algérie a signées. Les militants des syndicats autonomes sont poursuivis en justice et licenciés, et le syndicat officiel, l'UGTA, créée systématiquement des syndicats portant le même nom que les syndicats autonomes dès que ceux-ci deviennent trop actifs. Les syndicats autonomes doivent dès lors se battre avec des moyens extrêmement réduits, provenant de cotisations souvent impossibles à encaisser, et dans des conditions de précarité matérielle qui les empêchent de se doter de l'infrastructure nécessaire.

En Egypte comme en Algérie, le mouvement syndical autonome, indépendant des régimes en place, acteur du changement social, a besoin d'un soutien pour résister à la répression et se doter des moyens nécessaires à l'organisation des travailleuses et des travailleurs : le SOLIFONDS contribue à ce soutien, en comptant sur le vôtre :
SOLIFONDS,  www.solifonds.ch,  CP 80-7761-7

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