Financement public des partis politiques : Les transparents et les opaques


    

La semaine dernière, le Conseil Municipal de la Ville de Genève était saisi de deux propositions traduisant le bon vieux clivage gauche-droite. Il s'agissait du financement des partis politiques. Enjeu : doit-on se contenter de rendre publique la liste des donateurs privés aux partis politiques, sans préciser le montant de leurs dons, ou fait-on un pas supplémentaire vers la transparence, en publiant aussi le montant de leurs dons ? Il faut croire que l’opacité sur les sommes arrange certains partis  : une faible majorité du Conseil a soutenu (mais le vote final n'a pas encore eu lieu) la proposition minimaliste, celle de la droite, qui se contente d'exiger des partis politiques de la Ville de Genève qu'ils respectent la loi genevoise pour pouvoir être subventionnés par la Ville de Genève... Il n’est pas sans signification que ce soit la droite qui tienne à  l’opacité sur les montants des donations aux partis, que ce soit le MCG qui ait fait adopter cette position, et que ce soit la gauche qui propose un peu plus de transparence dans le financement public des partis politiques.

Quand la Fête de la Vertu n'est pas celle de la transparence

Deux propositions furent donc opposées, au Conseil Municipal de Genève, à propos de la publicité du financement privé des partis politiques, et des conditions que les partis politiques devraient respecter pour recevoir une subvention municipale, sur les fonds publics. Les deux propositions, celle de la droite et celle de la gauche, contiennent une exigence commune, relevant d'ailleurs de l'évidence : la subvention de la Ville ne doit être versées aux partis du Connseil Municipal (ou plutôt aux groupes, mais la droite municipale confond les deux termes alors même que des groupes peuvent rassembler des représentants de plusieurs partis) que si la loi cantonale sur l'exercice des droits politiques, qui pose le principe de la publicité des dons aux partis, a été respectée. Le moins, on en conviendra, que l'on puisse exiger.
Il se trouve que la Ville de Genève est actuellement, une sorte de « zone franche politique » où des groupements (partis ou groupes parlementaires) ne respectant pas la loi cantonale peuvent être subventionnés par la commune au même titre, et au même niveau financier, que ceux qui la respectent... situation absurde où la loi exige des partis et groupes politiques genevois qu’ils rendent leurs comptes et publient les dons qu'ils reçoivent, et stipule que s’ils ne le font pas ils ne reçoivent pas de subvention cantonale… tout en continuant  à recevoir une subvention municipale. La droite veut donc bien consentir à ce que le respect de la loi soit une condition du subventionnement des partis politiques, sur des fonds publics, mais s'en tient là. La gauche, elle,  demande au surplus  la publication des montants des donations aux partis, aux listes, aux groupes politiques.

A la droite qui, sans y croire elle-même, reproche  à une telle disposition d’équivaloir à une intrusion dans la sphère privée des donateurs, on rappellera qu’il s’agit de publicité du financement d’activités politiques, non de consommation ou d’épargne privée, et que la publicité de ce financement est d’intérêt public  : il n’est pas indifférent, pas équivalent, pas sans impact sur la démocratie et l'égalité des moyens dont disposent les acteurs du débat démocratique, qu’un parti ou un groupe soit financé par de petites cotisations ou de grosses donations, par Monsieur et Madame Gnânu ou par un oligarque expatrié ou un patron de multinationale, par les jetons de présence de ses élus ou ceux des membres de conseils d'administration.
L’enjeu, ici, c’est le financement des partis et des groupes politiques –et l’origine de ce financement. Parce que son opacité est à la fois perverse, en ce qu'elle nourrit toutes les suspicions (dont quelques unes parfaitement fondées), et fauteuse d'une inégalité inacceptable dans l'accès au débat public -on est en train de le vérifier dans la campagne sur la caisse publique d'assurance-maladie.
Sur ces enjeux, au Conseil Municipal de Genève, le débat a commencé (il n'est pas clos, le vote final n'est pas encore acquis, ni dans un sens ni dans l'autre) hier. Et le jour où ce débat a commencé était,  dans notre bon vieux calendrier républicain, celui de la première fête révolutionnaire (les «sans-culottides») qui closent l'année avant le premier jour de la nouvelle année : le jour de la vertu. Disons, par euphémisme, que la vertu de la transparence du financement des partis politiques n'est pas celle que la droite genevoise cultive le plus.
Et disons, toujours par euphémisme,  qu'on ne met pas trop longtemps à se demander pourquoi.
Ni qui y gagne.

Commentaires

Articles les plus consultés