Paraît que François Hollande n'aime pas les pauvres. Et quelque chose nous dit que c'est réciproque. Mais qui donc aime les pauvres ?


    

«  En réalité, le président n'aime pas les pauvres », confie, réglant ses comptes telle la Pompadour à l'arrivée de la du Barry, une ex de François Hollande, Président élu en proclamant qu'il allait prendre aux riches pour donner aux pauvres. Et qui n'en a rien fait.  Mais qui aime les pauvres ? Quelques chrétiens du genre franciscain, les anars, bien sûr, mais sinon ? Même les pauvres n'aiment pas les pauvres. Les riches, eux, s'aiment. Et la droite aime les riches. Et la gauche aime la classe moyenne. Parce qu'elle en est. Ou veut en être -sans d'ailleurs être foutue de la définir, ce que personne n'arrive à faire sauf par défaut : la classe moyenne, c'est l'ensemble des gens qui ne sont ni pauvres ni riches. Et qui ont peur de devenir pauvres. Et qui rêvent de devenir riches. Mais ce n'est pas d'« aimer les pauvres » dont il s'agit -c'est  seulement de ne pas les mépriser. Ni les utiliser.

En attendant ce jour « où le droit du plus faible aura remplacé sur le trône le droit du plus fort » (Blanqui)

Entre 2012 et 2013, le nombre de personnes ayant recours à l'aide sociale a augmenté de 2,5 % en Suisse, et pour beaucoup d'entre elles cette aide n'est pas un « coup de pouce » transitoire, mais une garantie de minimum vital à long terme : entre 2006 et 2013, la durée moyenne pendant laquelle cette aide a été versée, et donc où toutes les conditions de précarité matérielle imposées pour qu'elle le soit ont été remplies, et vérifiées (avec suspicion), est passée de 32 à 38 mois. Or il n’y a pas de fatalité de la pauvreté, s’il y a un choix possible de la marginalité. La pauvreté est le produit d’une organisation sociale et d’un mode de développement donnés, imposant des normes de comportement et des critères d’intégration auxquels toutes et tous ne peuvent satisfaire, et qui laissent de plus en plus de monde « sur le carreau ».
Des milliers de personnes doivent à Genève avoir recours à l’assistance publique pour couvrir leurs besoins essentiels. Beaucoup de gens qui auraient besoin d’une aide sociale n’y ont pas droit ; d’autres, qui y auraient droit, ne le savent pas, ou ne l’obtiennent pas. De plus en plus nombreuses sont les personnes qui, ne correspondant pas aux normes traditionnelles  de l’insertion et de l’activité sociale (le salariat, la famille, la propriété) sont privées d’accès aux droits théoriquement garantis à toutes et tous. La normalité sociale dont nous héritons et avons si grand-peine à nous défaire est celle d’un individu adulte échangeant son temps contre un salaire lui permettant de continuer à vendre son temps. Ce qui déroge à cette norme devient par définition « anormal»: « anormale » donc, la pauvreté et « anormaux » les pauvres. Mais normaux, les bas salaires des « travailleuses et travailleurs pauvres » contraint-e-s de demander une aide sociale, alors qu’ils et elles ont un emploi, parfois à plein temps ?

Les pauvres n’ont pas être rendu-e-s coupables de leur pauvreté, et la pauvreté n’est pas plus un vice qu’une fatalité. Dès lors, la collectivité n’a pas à exiger de celles et ceux qui en sont victimes qu’ils en fassent amende honorable, fût-ce en échange d’un revenu minimum. L’exercice concret des droits fondamentaux est lui-même un droit fondamental, et ne doit être ni monnayé, ni même contractualisé. Il n’y a pas de « contre-prestation » exigible à l’exercice d’un droit fondamental, puisqu’un tel droit n’est pas octroyé mais inné : « les hommes naissent libres et égaux en droit et le demeurent tout au long de leur vie» : toute personne a des droits, et le droit d’avoir ses droits. Toute personne doit donc avoir les moyens de ces droits, la tâche de la collectivité étant d’assurer ces moyens à celles et ceux qui en sont privés, pour quelque raison que ce soit. Or les populations les plus précarisées ne sont pas du tout intéressantes politiquement : elles ne votent pas (même quand elles ont le droit de vote), ne sont pas organisées, n'ont derrière elle aucune organisation forte pour les défendre. Il n'y a pas de syndicat des sdf, pas de wwf des mendiants, pas d'Asloca des femmes battues. Elles et ils ne peuvent compter, pour accéder au minimum du minimum des droits sociaux, que sur l'action des collectivités publiques. Ou qu'en leur nom, d'autre qu'eux combattent pour eux en attendant ce jour qu'espérait Blanqui,  « où le droit du plus faible aura remplacé sur le trône le droit du plus fort ».

« Je n'aime pas même les pauvres gens, le peuple, ceux en somme pour qui je vais combattre » fait dire Malraux à Garine, le révolutionnaire professionnel des Conquérants -mais Garine, au moins, va combattre pour ceux qu'il dit ne pas aimer, mais qu'il préfère aux « autres » (aux riches, ou à ces improbables «  classes moyennes ») : « Je les préfère, mais uniquement parce qu'ils sont les vaincus. Oui, ils ont, dans l'ensemble, plus de coeur, plus d'humanité que les autres : vertus de vaincus ».
Il paraît que François Hollande n'aime pas les pauvres ? ça doit être réciproque : quand ils votent, c'est pour le Front National.
Vice de vaincus ou vengeance de trahis ?

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