Traversées routières de la rade et du lac, coûteux gadgets vintage

On a beau avoir un faible pour le calendrier républicain, il nous faut admettre l'évidence que le grégorien s'est imposé. Et que nous sommes donc au XXIe siècle. Alors, quand est soumis au vote du bon peuple un projet de traversée de la rade, mais aussi une initiative de traversée du lac, répondant l'un et l'autre aux besoins du siècle passé en paralysans un peu plus la circulation dans la ville du siècle présent, on se dit que leurs auteurs devraient éviter de faire de l'obsolescence une vertu politique. Si elles devaient être acceptées par le peuple (mais on est prêt à parier, et à y contribuer, que même en ce cas elles ne seront jamais réalisées), les traversées routières de la rade et du lac auront au moins un siècle de retard sur la réalité d'une agglomération qui entourera complètement le Léman et nécessitera bien plus que le coûteux gadget vintage d'une traversée de la rade ou du lac de Genève.

Creuser un tunnel sous la rade, ou la tombe de la liberté réelle de se déplacer...

L'UDC, qui (comme le MCG)  ne voulait pas que Genève paie quelques millions pour des parkings sur territoire français, veut que Genève paie au moins un milliard pour une autoroute sous-lacustre qui amènera au centre-ville une circulation supplémentaire, nécessitant des parkings supplémentaires (par exemple à Rive...) et bouffera une partie du parc Mon Repos (qu'une majorité des votant-e-s en Ville ont clairement affirmé vouloir protéger, comme les autres parcs riverains du lac). La traversée de la rade modèle UDC augmentera de 20 % le trafic sur le quai Gustave-Ador, de 30 % sur la rampe de Cologny, de 40 % sur la rue de Lausanne, de 50 % sur l'avenue de France, saturant les carrefours et même le tunnel qu'elle projette, augmentant les bouchons au centre-ville et la pollution dans toute la cuvette genevoise -sans parler de celle de la nappe phréatique... Enfin, et surtout -ne serait-ce pas son but, finalement ?- elle opérera un « transfert modal » (d'un mode de transport vers un autre) à l'inverse de celui vers lequel il faut tendre, et vers lequel tendent déjà les Genevois, en particulier les habitants de la Ville : elle incitera des usagers des transports publics à prendre, ou reprendre, leur bagnole pour se déplacer à l'intérieur de la zone urbaine et reportera une partie des usagers de l'autoroute de contournement vers le centre, en l'encombrant un peu plus. Cet exercice absurde a un coût : au moins un milliard. Le canton n'en a pas les moyens, la Ville n'a pas à le payer, la Confédération ne versera pas un sou et les hypothétiques oartenaires privés comprendront rapidement, au moment de décider de leur participation au projet, que sa rentabilité, pour eux, est parfaitement illusoire. Quant à rémunérer leur participation par un loyer payé par l'Etat, elle coûterait trop à celui-ci pour représenter une quelconque économie par rapport à la prise en charge totale (et parfaitement illusoire elle aussi) du projet par des fonds publics...

On propose aux Genevois de 2014 un projet qui ne pourra pas être réalisé avant 2030, et qui correspond aux besoins qui étaient ceux de la Genève de 1950, d'où ce projet nous tombe, après quelques errances : Une véritable machine à remonter le temps, hors de proportion, hors de prix, hors d'utilité, mais enterrant pour des décennies toute possibilité d'améliorer réellement la mobilité à Genève.
C'est ainsi qu'en croyant creuser un tunnel sous la rade, on creuse la tombe de la liberté réelle de se déplacer -bien plus essentielle que le fumeux principe constitutionnel du «  libre choix du mode de transport », libre choix que le TCS, l'UDC et le MCG  réduisent évidemment (on ne se refait pas) à celui, prioritairement, du transport automobile... tel qu'on le priorisait quand nos grands-parents ou leurs parents frétillaient devant la DS19 au stade Citroën du Salon de l'Auto, dans le vieux Palais des Expositions.

Si on s'était mis en tête dans les années cinquante du siècle passé de rétablir des lignes de diligences entre Genève et Lyon, on en aurait doucement ricané. Nous-même avions certes, fugacement, caressé l'idée de rétablir des transports hippomobiles à Genève -mais on ne se doutait pas que nous avions fait émules, disciples et épigones au TCS, à l'UDC et au MCG.

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