Offensive djihadiste contre les Kurdes de Syrie (et d'Irak) : Daech, sous-traitant d'Ankara ?

1944 : dans Varsovie insurgée, la résistance polonaise lutte contre les nazis. Elle sera écrasée, et la ville ravagée, à portée de canons de l'Armée Rouge, qui en intervenant aurait pu repousser les Allemands et libérer la ville avant le massacre de la résistance par les troupes du IIIe Reich. Elle n'est pas intervenue. Elle a laissé faire le massacre. L'ordre lui était donné : laissons les Allemands nous débarrasser de la Résistance nationaliste polonaise. Une fois fait, et les Allemands partis, l'Armée Rouge entre dans la ville. Les nazis ont fait le boulot.
2014 : en Syrie, la résistance kurde lutte contre les djihadistes de l'«Etat islamique» (Daech). A Kobané, les combats font rage entre des milices kurdes sous-équipées et des djihadistes sur-équipés, que les « frappes » aériennes d'une coalition dominée par les USA n'empêchent pas de progresser. A portée de voix, l'armée turque stationne et laisse faire, pendant que la police turque réprime dans le sang la révolte des Kurdes de Turquie venus soutenir leurs frères de Syrie.  L'ordre a-t-il été donné à l'armée turque de laisser les djihadistes liquider les Kurdes ?


«  Irai-je jusqu’à dire que c’est de ta faute ? non. Mais tu y es pour beaucoup, mon frère »

la frontière syrienne avec la Turquie, les djihadistes de l'« Etat islamique » (Daech) sont entrés dans Kobané, vidée de ses habitants et où les forces kurdes résistent, rue par rue. Sur les réseaux sociaux circule une photo : un djihadiste plastronne en brandissant la tête d'une combattante kurde, décapitée. Il est content, le djihadiste : il a fait d'une saloperie deux clefs pour le paradis, la première pour avoir décapité une femme, la seconde pour avoir éliminé une Kurde.

Depuis des mois, en Syrie comme en Irak, les milices kurdes sont les seules forces qui résistent réellement, sur le terrain et pas dans les airs, à l'avancée des djihadistes. En Irak, ce sont les Kurdes qui ont permis à des centaines de milliers de yézidis et de chrétiens d'échapper au massacre. En Syrie, ce sont encore les Kurdes qui empêchent encore, mais pour combien de temps ? les djihadistes de contrôler toute la frontière avec la Turquie. Et en Turquie, ce sont toujours les Kurdes qui manifestent leur volonté de combattre les Fous de Dieu que l'armée turque regarde avancer, sans tirer un coup de feu, mais  abreuvée de déclarations viriles du président turc Erdogan, qui fait mine de vouloir engager la Turquie contre l'« Etat islamique » en Syrie, mais qui dans le même temps envoie la police et l'armée turques combattre non les djihadistes, mais les Kurdes turcs voulant rejoindre les Kurdes syriens qui, eux, combattent, mais avec des moyens dérisoires. Le Président turc propose de décréter une zone d'exclusion aérienne le long de la frontière syrienne  -mais les djihadistes n'ont pas d'aviation : celle que le gouvernement de Turquie veut exclure est celle du régimne syrien, dont il souhaite la chute. Il propose une zone de sécurité le long de la frontière syrienne -mais pas pour contenir les djihadistes : pour contenir les Kurdes, empêcher toute jonction entre les combattants kurdes de Syrie et leurs frères de Turquie.

Depuis trente ans, l'armée turque combat les peshmergas du PKK, le pouvoir d'Ankara ne va pas déployer des efforts démesurés pour aider les peshmergas du PYD, le parti kurde de Syrie. Et le "processus de paix" lancé il y a deux ans entre le PKK et le gouvernement turc ressemble furieusement, comme les déclarations et les propositions « antidjihadistes » d'Erdogan, à un écran de fumée pour masquer ce qui désormais s'apparente à une sous-traitance aux djihadistes du vieux rêve de liquider les Kurdes, des deux côtés de la frontière turco-syrienne. Et la fameuse et fumeuse « coalition » formée par les Etats-Unis et une demie-douzaine de monarchies et de régimes arabes plus ou moins maqués avec des islamistes armés, elle fait quoi ? Eh bien, elle bombarde. Elle « cible ». Elle détruit quelques blindés, quelques canons, quelques lance-missiles, quelques colonnes djihadistes. Mais du haut des airs. Au sol, ce sont les Kurdes qui combattent. Et qui meurent au combat.
Mais c'est pas grave : ce ne sont que des Kurdes.
Rien que des Kurdes.

«  Si nous sommes affamés, épuisés,
Si nous somme écorchés jusqu’au sang,
Pressés comme la grappe pour donner notre vin,
Irai-je jusqu’à dire que c’est de ta faute ? non
Mais tu y es pour beaucoup, mon frère »

(Nazim Hikmet)


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