« Ecopop » : Brouillard vert sur la xénophobie ordinaire, ou l'écologie à la mode bunker


      Ecolo fondamentaliste encarté au PDC, Philippe Roch ne voit pas ce que l'initiative « Ecopop » qu'il soutient peut bien avoir de xénophobe. L'a-t-il lue avant de la soutenir au seul motif qu'elle « lance le débat sur la démographie » ? L'initiative ne s'en prend pas à la consommation individuelle des ressources (et des espaces) par la population résidente, ni au gaspillage de ces ressources et de ces espaces par les Suisses eux-mêmes -elle s'en prend à l'immigration; elle ne s'en prend pas au vieillissement de la population résidente (un vieillissement lui-même fauteur d'immigration) mais à la natalité dans les pays bénéficiaire de l'aide suisse au développement... Elle ne « lance pas le débat » sur la démographie, elle le rabaisse au niveau d'un seul et unique prédicat : la dégradation de l'environnement, le bétonnage, le gaspillage, « c'est la faute des autres ». La faute des immigrants, la faute des pauvres du Sud. Et on serait bien chez nous, entre nous seuls, sans ces importuns... Bref, de l'écologie à la mode bunker : « propriété privée, défense d'entrer, chien méchant »...
   

L'égoïsme forcené de ceux qui, ayant tout refusent d'en partager quoi que ce soit avec d'autres

Avec Ecopop, on a affaire à une « écologie » profondément réactionnaire, avec tout ce que cela suppose d'illusion sur le « bon vieux temps », de fantasme sur la possibilité d'y revenir et d'aveuglement sur ce qu'il signifiait pour l'écrasante majorité de la population. On a affaire à une « écologie » profondément anti-humaniste, se résumant en une phrase : « l'espèce humaine est de trop sur terre », et une conviction : cette espèce ne fait plus partie de la nature. Mais si cette phrase s'autodétruit sitôt proférée par des humains qui, s'ils se sentaient réellement de trop en tireraient la conséquence suicidaire qui s'impose, la conviction d'une séparation de l'humain et du naturel, reste. Une conviction absurde, puisque non seulement l'humain est naturel par définition (celle d'une espèce animale, même quand elle se croit supérieure à toutes les autres), mais qu'en outre le « naturel » est désormais totalement humanisé comme une « sauvagerie autorisée » : il ne reste sur cette planète plus aucun espace qui ne soit laissé à lui même autrement que par une décision et une surveillance humaines. Enfin, c'est à une conviction dangereuse qu'on a affaire, dangereuse à force d'ethnocentrisme puisqu'elle conduit à un projet de monopolisation de l'espace de vie des humains par ceux d'entre eux qui, les plus riches, les plus gaspilleurs,  les plus pollueurs -mais les moins nombreux, et les plus vieux- disposent déjà du pouvoir économique, culturel, social... et politique. Au fond, Ecopop n'est que l'expression de cet égoïsme forcené de ceux qui, ayant tout, et bien plus que nécessaire et même qu'utile, refusent d'en perdre quoi que ce soit en le partageant avec d'autres.

L'écologie telle que la concevons est inséparable d'un projet social fondé sur le dépassement de quelques «lois naturelles», à commencer par celle de l'élimination des « faibles » que révéraient le malthusianisme et le darwinisme social.  Dans notre propre camp, celui de la gauche, avec les partis politiques, les associations d'aide aux immigrants et l'Oeuvre Suisse d'Entraide Ouvrière, ce sont tous les syndicats qui s'engagent dans un comité « Suisse solidaire », contre Ecopop. Tous les syndicats, parce que tous le savent : si la limitation brutale de l'immigration légale que l'initiative propose devait être acceptée par le peuple et les cantons (l'hypothèse n'est pas si absurde qu'elle devrait, de récentes expériences doivent tout de même être méditées), comme le besoin  de main d'oeuvre ne diminuera pas et que le « marché du travail » intérieur ne suffira toujours pas à le combler, les employeurs contourneront la limitation de l'immigration en recourant massivement à des statuts précaires, voire à l'emploi de clandestins, et à l'emploi frontalier, avec pour conséquence une augmentation du trafic motorisé, de ses nuisances et de son impact sur l'environnement qu'Ecopop prétend vouloir protéger.

Les organisations de protection de l'environnement, les partis, organisations et courants politiques qui se battent pour un changement radical des politiques de transport, d'aménagement et de l'énergie, ne s'y sont pas trompés : tous combattent une initiative aux présupposés consternants qui réussit ce tour de force affligeant de faire de l'écologie le cache-sexe de la xénophobie.

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