Assurance-maladie : les primes augmentent, l'Etat casque...


E da capo...

Alain Berset ne l'avait pas caché, trois jours avant la votation sur l'initiative pour une caisse publique d'assurance-maladie (alors que la majorité des votes avaient déjà été exprimés) : quel que soit le résultat de la votation, que le système change ou pas, que l'assurance de base soit publique ou reste privée, les primes continueront d'augmenter (on en est quasiment à Genève à des primes moyennes de 500 balles) avec des caisses dont les cotisations n'augmentent pas, des caisses où elles augmentent de plus de 10 %, plus de 200'000 combinaisons différentes d'assurance possibles, et un nombre croissant d'assurés qui ne peuvent payer leurs primes que grâce à des subsides de l'Etat -ou ne les paient pas et se retrouvent aux poursuites, l'Etat payant leurs primes à leur place en attendant qu'ils reviennent à meilleure situation financière -s'ils y reviennent. C'est tout le bonheur du système suisse d'assurance-maladie, ça, un vrai mouvement perpétuel : les coûts grimpent, les caisses encaissent, l'Etat décaisse, les assurés morflent... e da capo...

De « qui paie commande » à « qui est payé commande »

Les primes d'assurance-maladie vont donc continuer d'augmenter parce que l'offre de soins continuera de s'accroître (elle crée la demande, à la faveur notamment de l'augmentation du nombre de médecin), que la demande de soins aussi continuera de s'accroître, le vieillissement de la population aidant, et que les coûts de la santé continueront de grimper, les progrès technologiques n'y étant pas pour rien, ni l'importance croissante des soins ambulatoires -ces évidences nous en rappelant toutefois une autre : la qualité des soins dans ce pays n'est pas assurée par les caisses-maladie, mais par les prestataires de soins -les médecins, le personnel infirmier, les hôpitaux.
A en croire Alain Berset (et les caisses-maladie), la hausse des primes s'expliquerait essentiellement par la hausse des coûts. C'est pas la faute du système, c'est la faute à personne, on n'y peut rien, c'est comme ça... résultat : selon l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), qui n'est pas précisément un repaire de gauchistes assoiffés du sang des assureurs privés, la Suisse est le pays qui dépense le plus, par habitant, pour la santé, après les Etats-Unis et la Norvège.
L'initiative pour une caisse publique d'assurance-maladie a beau avoir été rejetée, le risque qu'elle puisse être acceptée avait été pris assez au sérieux pour permettre un remboursement (partiel) des primes perçues en trop, et un renforcement de la surveillance publique sur les caisses. Mais son rejet n'en a pas moins libéré de leurs craintes les caisses-maladie, qui, dix jours après le vote, et après avoir abondamment glosé sur le risque d'une « étatisation du système » dont elles profitent, réclament des sous.. à qui ? à l'Etat ! Actuellement, les cantons paient de 51 à 55 % des frais d'hospitalisation, et les caisses-maladie le reste, ainsi que les soins ambulatoires. Et c'est encore trop à leur goût : elles réclament donc une participation des cantons aux soins ambulatoires, en expliquant que leur importance croissante est un facteur d'augmentation des coûts de la santé. Or c'est précisément cette augmentation des coûts de la santé qui justifie l'augmentation des primes versées aux caisses. En d'autre terme, les assurés paient déjà par leurs primes ce que Santé-Suisse veut en outre faire payer par les cantons -sans pour autant accepter de leur donner plus de pouvoir de régulation du secteur des soins ambulatoires. Démarche intéressante: au bon vieux « qui paie commande », qui justifierait que l'Etat et les assurés commandent puisque ce sont eux qui paient (même pour les frais d'hospitalisation de base dans les cliniques privées...), les assureurs substituent un original « qui est payé commande ». «Qui est payé», c'est-à-dire eux-mêmes, qui sont payés par les assurés. Ou l'Etat. Et ils commandent à qui ? Aux assurés, précisément, puisque comme le note le sociologue René Knusel, « d'interlocutrices privilégiées, les caisses maladies sont devenues de grosses machines qui agissent en substitution de l'Etat ».
Vous la mesurez bien, maintenant, la crédibilité, la sincérité de la dénonciation par les caisses-maladies du « danger d'étatisation » du système d'assurance-maladie dont l'initiative pour une caisse publique était supposée être porteuse ?

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