Répartition des tâches entre Genève... et Genève : Musclor fait de la gonflette

Le gouvernement genevois est pressé : il a princièrement laissé un délai d'un mois aux 45 communes du canton, et à leur association pour « apporter leurs commentaires » sur un avant-projet de « loi-cadre fixant les principes de la répartition des charges entre communes et canton » ou « émettre d'autres propositions » que celles qu'il fait (http://ge.ch/communes-canton/consultation-communes). Le Conseil d'Etat veut déposer son projet de loi avant la fin de l'année, et les lois concernant les propositions spécifiques en 2015. Et il menace, si les communes ne lui répondent pas dans le délai qu'il a fixé, d'avancer sans elles. Il a pourtant jusqu'en 2018 pour le faire -mais non : il a le feu aux « doublons », et il veut brusquer les choses, au point de rendre publiques ses propositions alors qu'il avait convenu avec les communes de ne pas le faire avant qu'elles aient pu se prononcer. Que fait un gouvernement sans projet et sans imagination pour se donner l'apparence d'en avoir ? Il fait le chef, il donne des ordres et fixe des délais. Musclor montre ses muscles -mais on voit surtout la gonflette.


Proximité, subsidiarité, transparence et efficacité sont dans un bateau...


La constitution genevoise aime les mots creux. Ils ont l'avantage de pouvoir être remplis de ce qu'on veut bien y mettre. Ainsi des mots « proximité, subsidiarité, transparence et efficacité » (merci tout de même de ne pas nous avoir gratifiés de l'« efficience »...), qui sont supposés devenir les principes de la répartition des tâches entre communes et canton, répartition qu'une loi doit définir avant le 1er juin 2018 et dont un avant-projet du Conseil d'Etat illustre la conception qu'en a le bailli cantonal. Ces mots creux sont l’œuvre d'une Constituante qui a renoncé à définir elle-même cette répartition des tâches, tant elle était divisée sur le sujet. Et d'un gouvernement qui ne conçoit guère de « répartition des tâches » que ce qu'en résumerait le précepte : « je commande, tu paies ».
Dans son programme de législature 2014-1018, programme d'ailleurs désavoué par une majorité du parlement, le Conseil d'Etat a fait de la réforme de la répartition des tâches entre le canton et les communes l'une de ses priorités. Sans rien dire de ses souhaits et de ses intentions, sinon, après avoir repris le mantra constitutionnel (« proximité, subsidiarité, transparence et efficacité ») préciser que cette réforme ne devra rien coûter ni au canton, ni aux communes.
Mission impossible, mais discours convenu -on voyait mal en effet le gouvernement cantonal annoncer aux communes qu'on allait siphonner leurs finances, ou à un Grand Conseil aux deux tiers de droite qu'on allait faire exploser le budget. Et pour obscurcir encore ses intentions, le Conseil d'Etat a assuré que la réforme de la répartition des compétences n'était pas liée à celles de la fiscalité communale et de la péréquation financière, comme si elles n'allaient pas déterminer les moyens dont disposent les communes pour assurer leurs tâches...

C'est quoi, au juste, la « proximité, la subsidiarité, la transparence et l'efficacité » proclamées par la Constitution (en même temps que l'autonomie communale...) ? Selon l'Association des communes genevoises et le canton, la proximité « suppose d'être au contact des réalités locales ». Belle découverte. Quant à la subsidiarité, elle « évoque une compétence qui a vocation à venir en second lieu ». En somme, la subsidiarité, c'est être subsidiaire. La « transparence » ? cela « caractérise une administration qui ne dissimule pas ses activités, ses charges, ses recettes ». Admettons qu'on n'est pas en Corée du Nord. Enfin, l'efficacité, c'est « la capacité à atteindre les objectifs d'impact socio-économique d'un programme et énonce le bénéfice attendu de l'action des collectivités publiques pour le citoyen en terme de modification de la réalité économique, sociale, environnementale, culturelle, sanitaire, etc. dans laquelle il vit ». Ouf.

En balançant publiquement son avant-projet, en ne laissant aux communes qu'un mois pour en débattre, le commenter et faire des propositions, le Conseil d'Etat tente de les mettre devant le fait accompli d'une réforme sans projet politique autre que le renforcement de la tutelle cantonale sur des communes qui sont déjà de toutes les communes de Suisse les plus dépourvues de compétences. On reviendra ici sur les propositions du Conseil d'Etat. On se contentera pour l'instant de rappeler, comme l'a fait le Maire de Genève, qu'il a fallu plus de dix ans à Zurich pour opérer le « désenchevêtrement des tâches entre le canton et les communes » -non parce que les Zurichois sont plus lents que les Genevois, mais, simplement, parce qu'ils ont voulu faire leur boulot intelligemment. Eux. Le gouvernement genevois, lui, veut passer en force en moins de deux ans, moins pour «désenchevêtrer» les tâches que pour réduire plus encore les communes en général, les villes en particulier, et tout spécialement celle de Genève, à la seule fonction qu'il est prêt à leur concéder : celle de suppléer à ses propres carences.

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