Transports Publics Genevois : Une grève contre une prise d'otage
Aujourd'hui, à l'appel du syndicat SEV, les employés des TPG se mettent
en grève. Pas seulement pour défendre leurs conditions et leurs postes
de travail, les unes dégradées et les autres menacés : ils se mettent
aussi en grève pour défendre leur entreprise, leur service public (et le
service qu'il rend au public). Et même pour défendre le respect de la
volonté populaire, et s'opposer à son détournement. Par deux fois, les
Genevois-es ont ratifié dans les urnes l'initiative de l'AVIVO pour une
baisse des tarifs. Faute de pouvoir les faire revoter une troisième
fois, ou désespérant de les faire changer d'avis, les majorités du
gouvernement, du parlement et du Conseil d'administration des TPG ont
choisi de les punir en réduisant les prestations de la régie et en
supprimant des postes de travail. Pour la droite locale, la grève des
TPG est une « prise d'otage ». Et son refus, pour punir les Genevois
d'avoir « mal voté », d'accorder aux TPG les moyens d'assurer son
service public, c'est quoi, sinon précisément une double prise d'otage
des usagers et des salariés de l'entreprise ?
Tout à l'heure, à midi et demi au dépôt des TPG (Bachet de Pesay), se
tiendra à l'appel de toute la gauche un rassemblement de solidarité avec
les grévistes et de dénonciation des coupes dans les prestations et les
effectifs des transports publics.
C'est quand le bon moment de faire grève ? Quand c'est trop tard ?
L'adoption (par deux fois) de l'inititiative de l'AVIVO « stop aux
hausses des tarifs des TPG » risque (risque, seulement, parce qu'en
réalité on n'en sait rigoureusement rien puisqu'on ignore si la baisse
de leurs tarifs suscitera ou non un plus large usage des transports
publics) de réduire les recettes de l'entreprise d'une quinzaine de
millions de francs par an et le Conseiller d'Etat Barthassat dit ne pas
savoir « malheureusement » où trouver ces ressources. « Ne sait pas »
ou ne veut pas savoir ? Ces 14 à 15 millions ne représentent que deux
pour mille du budget cantonal...
Comment compenser cette perte hypothétique, si elle se concrétise ? Le
Conseil d'Etat, la direction de l'entreprise, les partis politiques,
tout le monde a sa petite idée, contradictoire de l'idée du voisin : la
direction des TPG demande à l'Etat (et aux communes ?) de compenser
intégralement la perte, et menace sinon de supprimer entre 110 et 120
postes de travail et/ou de réduire les prestations; le Conseil d'Etat,
qui a refusé une proposition intermédiaire des TPG, impliquant une
rallonge de de subvention de cinq millions pour éviter les
licenciements, envisage, avec l'appui de la majorité de la commission
des transports, de réduire la fréquence des services, voire de
supprimer des lignes. En face (parce qu'il s'agit bien d'un
face-à-face), les syndicats du personnel et la gauche demandent que la
subvention versée par le canton à l'entreprise soit suffisamment
augmentée pour compenser la perte de rentrées tarifaires, ce que la
droite et l'extrême-droite parlementaires refusent. Les syndicats, qui
exigent que le personnel ne fasse pas les frais de ce refus d'augmenter
la subvention, exigent également de la direction des TPG qu'elle refuse
de signer le nouveau contrat de prestation de l'entreprise s'il ne
contient pas l'engagement d'une compensation par l'Etat de la perte
financière. Ce que ni le gouvernement, ni sa majorité parlementaire,
n'envisagent.
Bref, on est dans une impasse glissante et mal éclairée, d'où la grève
d'aujourd'hui peut être considérée comme le moyen de sortir. A condition
qu'on accepte de la reconnaître comme un instrument légitime, au lieu
que de nous seriner le couplet larmoyant sur la « dérive vers un
syndicalisme à la française » (dans certains segments du monde politique
genevois, en effet, quand on a dit d'une action qu'elle se menait « à
la française », on croit en avoir dit tout le mal possible... mais en
l'ayant dit en français...) ou de nous annoncer, comme la Tribune de
Genève d'hier, le « chaos », rien que ça (et pourquoi pas l'Apocalypse,
pendant qu'on y est ?). « Ce n'est pas le bon moment de faire grève »
soupire le Conseiller d'Etat Barthassat. C'est quand, Lulu, le bon
moment ? Quand c'est trop tard ?
Salariés des TPG et usagers des transports publics sont dans le même
véhicule. Leur solidarité, leur compréhension réciproque, leur alliance
face à des « décideurs » incapables de décider d'autre chose que de les
prendre les uns et les autres en otages de leur propre incompétence,
sont nécessaires.
Si « la grève, c'est l'arme des travailleurs », la grève des travailleurs peut aussi être l'arme des usagers.
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