Grève (ou pas) des Transports Publics Genevois : Efficace, en plus d'être légitime...


Un accord* a été trouvé entre les syndicats des TPG et les employés de la régie d'une part, le Conseil d'administration et la direction d'autre part : La grève annoncée des Transports Publics Genevois pour aujourd'hui n'aura pas lieu -les employés en ont décidé cette nuit). La grève de la semaine dernière et la menace de grève de cette semaine ont été couronnées de succès, après des négociations provoquées par la grève elle-même -et c'est sans doute ce que ceux qui depuis dix jours accablent les syndicats et les employés des TPG d'injures et de menaces vont le moins bien digérer : la grève, en plus d'être légitime, c'est efficace. Quand c'est bien organisé, et que ça intervient à temps, c'est-à-dire avant que les décisions combattues soient prises, pas après, quand c'est trop tard, comme à la Boillat ou à Merck Serono... La grève des TPG était préventive ? oui. Et elle a prévenu. Et même si rien n'est encore joué (la question, éminemment politique, des moyens à allouer aux TPG pour compenser la baisse des tarifs décidés par le peuple, moyens que les majorités parlementaires et gouvernementales refusent de leur allouer), la grève et la menace de grève sont porteuses d'enseignements -à commencer par celui-ci : un rapport de force, ça se construit avant la confrontation, pas après, quand on a déjà perdu et qu'on ne peut plus négocier que le prix de la défaite et le nombre des victimes. 

* L’accord prévoit l’absence de licenciement pour la période 2015-2018, le maintien des mécanismes salariaux statutaires, le maintien des effectifs pour 2015 sur la base de l’effectif en vigueur au 31 décembre 2014. Pour les autres années du contrat de prestations, l’évolution des effectifs sera discutée chaque année. L’entreprise et les syndicats s’engagent à analyser l’offre, les temps de parcours et les horaires de conduite avec pour objectif une adaptation dès avril 2015. L’entreprise s’engage aussi à intervenir auprès de la caisse de pension pour que les retraités bénéficient pour les deux prochaines années de 700 fr. en guise de remerciement pour les services accomplis. Pour 2017, l’entreprise s’engage à mettre en place un fonds de solidarité.
De leur côté, les syndicats s’engagent à négocier un service minimum dès janvier 2015.


"La grève, c'est l'arme des travailleurs". Et larmes de leurs adversaires.

Les délires rhétoriques et les moulinets politiques qui ont accompagné la grève des TPG, la semaine dernière et préparé à celle, qui n'aura pas lieui, d'aujourd'hui, ont mis en lumière le rapport... disons "ambigu" (pour ne pas écrire "hypocrite") entretenu dans ce pays, depuis bientôt 80 ans, avec le droit de grève. Une grève "préventive" est illégale et ses auteurs (qui ? les syndicats, les salariés ?) doivent être sanctionnés, affirment les Guinchard et Schaller de service ? Eh bien non : une grève préventive n'est pas illégale, et le statut du personnel des TPG (puisque c'est lui qui est en cause) le protège de toute mesure punitive d'une grève qui déplairaît à qui que ce soit.

Lors de la grève de fin novembre, le Conseil d'Etat (ou le Conseiller d'Etat Barthassat tout seul ?) avait menacé de faire appel à la police. Puis des cadres des TPG (désavoués par la direction) ont promis une prime de 250 francs à tout employé qui accepterait de contribuer à briser la grève suivante. La Fédération des commerçants réclame des dommages-intérêts aux TPG, la direction des TPG saisit la Chambre des relations collectives de travail pour une "conciliation" sur la question du "service minimum" (qui n'était pas l'un des enjeux du conflit), histoire de rendre la grève "illégale" pendant  le temps de la "conciliation"... Thème général et refrain obsédant : cette grève n'est pas "suisse", c'est une "grève à la française", on n'a rien contre le droit de grève, mais pas ici, pas comme ça, pas maintenant, pas aux TPG. Manière de dire : le droit de grève doit rester un droit théorique, sans exercice. Oui, les travailleurs ont le droit de faire grève et les syndicats d'organiser des grèves, mais ailleurs, plus tard. A Ouagadougou, pas à Genève. Aux calendes grecques, pas pendant les "nocturnes" genevoises.

"La grève, c'est l'arme des travailleurs". Et leur lame. Et leur alarme. Et les larmes de leurs adversaires. Et depuis longtemps -depuis qu'il existe des organisations de travailleurs. La grève n'est pas un moyen de lutte étranger à la Suisse, et moins encore à Genève. Depuis plus d'un siècle, en Suisse, il ne s'est pas passé une année sans grève. Dans le secteur privé et dans le secteur public. Grèves préventives et grèves réactives. Grèves "sauvages" et grèves organisées par les syndicats. Grèves "professionnelles" et grèves politiques. Et même une Grève Générale, très politique, dont le cahier de revendication, à quelques points près, a été concrétisé dans les décennies qui suivent, du scrutin proportionnel aux droits politiques des femmes en passant par l'AVS. Et la "Paix du Travail", qui n'engage que ses signataires, c'est-à-dire les organisations syndicales et patronales mais pas les travailleurs eux-mêmes, n'y a rien changé : elle ne révoque pas le droit de grève, elle l'encadre.

Y avait-il une autre solution que la grève pour faire entendre au Conseil d'Etat genevois la voix, non seulement des employés des TPG, mais aussi celle des partisans d'un développement des transports publics à Genève, et de l'octroi aux TPG, par la collectivité publique, des moyens financiers et humains nécessaires à l'accomplissement de leur tâche ? Les derniers développements du conflit (la négociation, arrachée précisément par la grève) confirment que non, il n'y avait pas d'autre moyen. Et que celui-là a été efficace, en plus d'être légitime. La grève des TPG était préventive ? oui. Et elle a prévenu. Et même si rien n'est encore joué (la question reste posée, éminemment politique, des moyens à allouer aux TPG pour compenser la baisse des tarifs décidés par le peuple, moyens que les majorités parlementaires et gouvernementales refusent de leur allouer), la grève est porteuse d'enseignements -à commencer par celui-ci : un rapport de force, ça se construit avant la confrontation, pas après, quand on a déjà perdu et qu'on ne peut plus négocier que le prix de la défaite et le nombre des victimes.
Dans un bref communiqué sur la grève (ou non) d'aujourd'hui, le Conseil d'Etat explique qu'il renonce à commenter la situation avant de connaître le fruit «des négociations qui se tiennent en cette fin d'après-midi» de mercredi. Il fait bien.


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