Prolongation des horaires d'ouverture des magasins : nouvelle offensive patronale


Quand le fédéralisme gêne le patronat...

Le syndicat Unia a distribué dans les Rues Basses de Genève de petites boîtes de chocolat avec ce slogan : « N’attendons pas le Père Noël pour améliorer nos conditions de travail! », histoire de rappeler, en période d'achats de fin d'années et d'ouvertures nocturnes des magasins, que des gens y travaillent, et que s'il est légitime que les consommateurs puissent connaître les conditions de production et de distribution des produits qu'ils achètent, il l'est tout autant de leur faire connaître les conditions de travail de celles (surtout) et de ceux qui les leur vendent, au moment où une nouvelle offensive du patronat, relayée par la droite parlementaire, se traduit par une proposition d'allongement dans toute la Suisse d'extension des heures d'ouverture des magasins, en cassant les limitations imposées dans certains cantons et généralement ratifiées par le peuple : sur 15 référendums cantonaux lancés contre de telles prolongations, le patronat en a perdus 13... Mais le Directeur de la Chambre de commerce et d'industrie de Genève, prenant acte de ce que les Genevois ont refusé en 2010, de prolonger les heures d'ouverture des magasins, ajoute que si un tel projet « revient par le biais de Berne, cela nous convient ». Un vrai fédéraliste, quoi...


La « demande du consommateur » ? Mais quelle demande, de quel consommateur ?

C'est reparti pour un tour : la consultation sur un projet de loi présenté par le Conseil fédéral après l'adoption d'une motion du PDC tessinois Lombardi, en faveur d'une uniformisation partielle des heures d'ouverture autorisées des magasins, a pris fin et se traduit par un projet proposant des heures d'ouvertures autorisées dans toute la Suisse de 6 à 20 heures du lundi au vendredi, de 6 à 19 heures le samedi. Au niveau cantonal genevois, le PLR a déposé un projet de loi au Grand Conseil afin de permettre la révision des conditions légales de l’ouverture des commerces le 31 décembre sans avoir à les négocier avec les syndicats. La présidente de la Fédération du commerce genevois, Fabienne Gautier présente le projet de loi fédérale comme  « une adaptation sociale (à la demande) du consommateur ». Quelle demande, de quel consommateur ? Dans une ville comme Genève, il est désormais possible de faire ses achats quotidiens 24 heures sur 24 grâce à la prolifération des « dépanneurs » -et pour les achats non quotidiens, la question des horaires d'ouverture ne se pose plus, chacun ayant au moins dans la semaine une plage horaire disponible correspondant aux horaires actuels d'ouverture. D'ailleurs, lorsque le citoyen-consommateur est consulté sur l'extension des heures d'ouverture des magasins, il n'en exprime pas la demande, puisqu'il la refuse généralement...
L'argument de la motion PDC à l'origine du projet de loi était simple -simpliste même : il faut ouvrir plus longtemps les magasins en Suisse pour éviter que les clients aillent faire leurs achats à l'étranger, « tourisme consumériste » qui serait accentué par la force du franc comparé à l'euro. Or d'une part, les heures d'ouverture des magasins n'ont aucune d'influence sur le prix des marchandises vendues en Suisse comparé à leur prix hors des frontières alors que c'est cette différence de prix qui est la principale motivation du tourisme d'achat (pour 80 % des personnes qui, habitant à Genève, font leurs courses en France alors que seuls 20 % invoquent les horaires comme motivation);  d'autre part la tentation d'aller faire ses achats à l'étranger ne concerne guère que les zones frontalières; enfin un allongement des heures d'ouverture des commerces ne profitera -et encore- qu'aux grandes surfaces et aux chaînes (la Migros et la Coop en tête), les petits commerçants locaux verront, eux, leur chiffre d'affaire siphonnés par des grandes surfaces qui n'ont certainement pas besoin de cela pour « tourner », et par des centres commerciaux imposant aux petits commerces qui s'y logent de rester ouverts, à perte financière dès 19 heures, pendant toute la durée de l'ouverture du centre....
Les syndicats se préparent donc à résister à la nouvelle offensive patronale, relayée cette fois par la Berne fédérale, en faveur d'un élargissement, inutile et nuisible, des horaires d'ouverture des magasins. A Genève, réagissant à l'alerte lancée par les syndicats devant les magasins, cette semaine, la présidente de la Fédération du commerce genevois a cru bon de rappeler Unia au respect de la « paix du travail » telle que le patronat la conçoit : « tant que la Convention collective du travail est en vigueur, aucune action publique n’est tolérée ». Or ce que la « Paix du Travail » exclut tant que la Convention est en vigueur, ce sont les « mesures collectives de lutte », pas l'information du public sur les conditions de travail du personnel. Ces conditions de travail sont-elles si condamnables qu'il faille laisser la clientèle les ignorer ? Il faut croire que oui. Et on ne peut certainement pas s'attendre à ce qu'elles s'améliorent avec une extension des heures d'ouverture des magasins. Au contraire.
Tout cela sent le référendum...

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