2015, année politique... Des urnes et des burnes


2015 sera donc, nous annonce-t-on, une année « très politique » en nos contrées (et ailleurs). Forcément, on est d'accord, en mauvais lecteurs d'Aristote : politiques les années humaines le sont toutes, par nature humaine... Année politique, donc, et année d'élections, par conséquent. Mais seulement par conséquent : il n'y a pas que les élections, dans la vie politique. Alors, bien sûr que 2015 sera une année électorale, municipale et fédérale. Bien sûr qu'il va s'agir à Genève de maintenir et de renforcer les majorités de gauche en Ville et dans les villes, et en Suisse d'affaiblir la majorité de droite qui sévit au parlement et au gouvernement fédéraux. Mais les élections ne sont qu'une traduction -celle d'un rapport de forces sociales, qui, s'il aboutit dans les urnes, ne s'y construit pas. Parce qu'il se construit ailleurs, avant et autour. Et après. Au risque assumé (dans la honte) d'un machisme très ordinaire, on dira qu'avant et après les urnes, il y a les burnes. Celles qui sont supposées, métaphoriquement bien sûr, permettre d'accepter, voire de rechercher, le conflit, créateur de politique et dissolvant des connivences.

« Les politiciens n'ont fait que gérer le monde; ce qui importe, c'est de le transformer »

Tout commencera cette année à Genève, dans la rue et dans les services publics, par le réveil d'un mouvement de la fonction publique qui s'était réduit au noyau militant du Cartel Intersyndical, et que la droite genevoise, mille grâces lui en soient rendues, a tout de même réussi à ressusciter à force d'autisme vindicatif et d'obsessions bornées. Un rapport de force va se construire contre l'Etat-patron en faisant grève et en battant le pavé : ainsi retrouve-t-on les marques d'un mouvement social, qui précède la négociation, voire y force, au lieu que de tirer amèrement les conséquences de son absence.
Puis, au printemps dans les urnes, il s'agira de maintenir, et si possible de renforcer, des majorités parlementaires et exécutives dans les villes (à commencer par celle de Genève), autant comme moyen d'y mener des politiques de gauche que comme contre-poids, voire comme obstacle, aux politiques menées par une droite hégémonique au plan cantonal : qu'elle soit devenue hégémonique en grande partie par la faute de la gauche n'est qu'une raison supplémentaire d'éviter, tant que faire se peut, de reproduire à un an et demi d'intervalle les mêmes conneries tactiques et stratégiques -à force de la répéter, peut-être finira-ce par entrer dans les oreilles des sourds à qui nous ne serinons depuis des mois...
Et six mois après nos Municipales tomberont les Fédérales. Les quatre partis gouvernementaux ont choisi leurs slogans de campagne pour les élections de cet automne. Pour l'UDC, ça sera « Rester libre ». Admettons que la liberté soit le coeur du message de l'UDC quand elle se traduit par la fermeture des frontières, des camps de rétention et du « marché du travail » aux immigrants en général et aux réfugiés en particulier... Au PS, on reprend le slogan d'il y a quatre ans : « Pour tous, sans privilèges ». ça fait un peu « syndicaliste », « marxisant » et « lutte des classes » (vade retro...), estiment les trois « spécialistes » commis par Le Matin Dimanche à l'analyse des slogans  -bref, ça fait vieux parti de gauche -Au moins ça nous distingue de Hollande, Macron et Valls... Le PLR a quant à lui choisi « Liberté, cohésion et innovation ». On voit mal un parti qui se donnerait pour slogan «  oppression, incohérence et passéisme ». Enfin, le PDC se coule pour survivre dans le cocon familial protecteur: « Fais-le pour ta famille. Ta voix compte ! ». ça vous a un petit air désuet qui peut charmer à la sortie de la messe, mais qui va encore à la messe ?

En parlant d'élections, on parle de ces moments où se mesurent les rapports de force qui se seront créés avant elles, et la capacité de celles et ceux qui veulent « changer les choses» de se faire entendre. On écrira plus tard des élections grecques, dont toute la « gauche de la gauche » européenne attend sans doute beaucoup plus qu'elles ne pourront tenir, mais qui n'en seront pas moins le moment de réveil d'une gauche combative, toute social-démocrate qu'elle soit en réalité, mais qu'elle n'admet cependant pas être, tant la social-démocratie s'est déconsidérée en se reniant. Paraphrasons Marx : « Les politiciens n'ont fait que gérer le monde ; ce qui importe, c'est de le transformer ». Comment faire ? En faisant sortir la politique des parlements, en en dépossédant les gouvernements. En cessant d'avoir peur du conflit. En (re)prenant conscience que si, politiquement, on ne fait rien qui vaille tout seul, on ne fait pas grand chose non plus si on perd son temps à attendre pour le faire que les autres soient aussi prêts à le faire. En répondant à l'invitation du Grand Jacques d'« être vieux sans être adultes ». En rajeunissant quelques vieilleries qui ne demandent qu'à reprendre du service d'espérance et de résistance à la résignation.
Et en se souvenant, avant tout, que le premier mot qui fait de nous des humains est un mot tout simple : « non ! »

Commentaires

Articles les plus consultés