Les Musées d'Art et d'Histoire de Genève « à l'horizon 2020 » : notre faim d'un projet culturel toujours pas rassasiée...


Nous avons reçu, il y a quelque temps des Musées d'art et d'histoire un texte, intitulé « Le MAH à l'horizon 2020 », donnant, du point de vue de la direction du MAH, des «éléments pour un  projet culturel», dans le cadre du traitement par la commission des Arts & de la Culture du Conseil Municipal d'une motion de l'Alternative demandant au Conseil administratif de présenter au Conseil Municipal, avant le vote du projet de crédit pour la restauration et d'extension du Musée d'Art et d'Histoire, un rapport spécifique sur les implications et les contenus de ce projet, la politique muséale du MAH, les collaborations entre le MAH et les autres musées genevois, ainsi que les autres institutions culturelles genevoises, y compris les établissements d'enseignement public et de recherche. Que dire des « éléments pour un projet culturel », tels qu'esquissés par les MAH ? Qu'on reste sur notre faim -il est vrai qu'elle confinait à la gloutonnerie, et que ce qu'on nous sert pour la calmer tient, pour l'instant, du carême. Alors on attend, pour savoir si le projet de rénovation et d'extension du MAH vaudra, culturellement, la peine qu'on le soutienne.

« Premier objet de la collection (du musée), le bâtiment est au service de son contenu »

Faire entrer un musée du XIXe siècle dans le XXIe siècle» est l'ambition affichée du projet de restauration et d'extension du Musée d'Art et d'Histoire. La formulation prudhommesque de cette ambition ne doit pas conduire à minimiser l'importance du contenu culturel d'un tel projet : c'est ce contenu,  et ce contenu d'abord, qui peut justifier l'engagement politique et  financier qu'il implique de la part de la Ville de Genève : on ne restaure, construit, étend ni un parking ni un supermarché, mais une institution culturelle. Les contributions au colloque public des « Etats généraux des musées genevois », en octobre 2013, le confirment : En toute logique s'agissant d'institutions culturelles centrales, les « enjeux pour les musées au XXIe siècle » sont d'abord des enjeux culturels.  Or dans le débat public qui s'est engagé autour du projet présenté par le Conseil Administratif et autour du contre-projet présenté par ses adversaires), ce contenu culturel a été jusqu'à présent le thème le moins présent. Comme si l'enjeu n'était que celui du contenant du musée, et que son contenu était finalement accessoire.

« Premier objet de la collection (du musée), le bâtiment est au service de son contenu », nous disent les MAH dans leurs Éléments pour un projet culturel. On ne peut qu’acquiescer à cette affirmation frappée au coin du bon sens -et qui renvoie au magasin des accessoires rhétoriques tous ce qui put se dire  sur la nécessité en soi d'un « geste architectural ». Dès lors, quel est ce contenu au service duquel doit se mettre le bâtiment ? Réponse des MAH : « Le musée se donne pour mission de transmettre des connaissances et des repères culturels indispensables à la compréhension de notre civilisation »... Là encore, on acquiesce, ne pas le faire revenant à nier la triple vocation d'un musée public, à plus forte raison d'un « musée universel » comme le MAH : la conservation, l'étude et la transmission. Il nous faut donc faire un pas de plus pour en arriver à l'expression d'un projet culturel spécifique à ce musée, puisque si tous les musées publics ont en commun la triple vocation scientifique, patrimoniale et pédagogique, chaque musée doit la traduire en un projet qui lui soit spécifique : si le Museum d'Histoire Naturelle et le Musée d'Art et d'Histoire sont tous deux des musées publics, ils ne le sont pas identiquement, mais spécifiquement. Les Elements pour un projet culturel du MAH le posent d'ailleurs clairement : « La pluralité de l'action culturelle du MAH se justifie par la variété des savoirs dont le musée est détenteur »...

Enfin, le musée n'est ni une île ni un astéroïde : il est inséré dans un tissu social et économique, soumis à des choix politiques, encadré par des dispositifs institutionnels. Ce que nous en attendons, c'est que la population qui se l'offre puisse se l'approprier, sans le réduire ni à ses envies à lui, ni à ses envies à elle. Les musées sont « des repères, des lieux citoyens, de débat, d'échange, des lieux ouverts qui éclairent les problématiques contemporaines à la lumière du patrimoine qu'ils conservent », écrit Sami Kanaan à propos du nouveau Musée d'Ethnographie. Cela vaut aussi pour le MAH -mais cela ne vaut-il pas pour tout lieu culturel ? Et la politique culturelle d'une municipalité de gauche, à l'égard des musées comme de toutes les autres institutions culturelles, et de tous les lieux non institutionnels de création et de représentation culturelles, peut-elle avoir un autre but que celui que lui assignait, il y a 80 ans, Paul Nizan : « Culture et savoir augmentent en tout homme le pouvoir de comprendre la réalité où il vit. (...) La conscience de cette réalité a une valeur explosive : elle ne peut qu'entraîner à la volonté de la transformer »

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