Syriza au pouvoir le 25 janvier ? Mauvaise Grèce


Toute la gauche de la gauche en Europe (y compris les gauches des partis socialistes et sociaux-démocrates) a les yeux rivés sur la Grèce : le soleil de la renaissance politique d'un mouvement de masse porteur d'un projet de rupture avec le capitalisme va-t-il se lever sur l'Olympe ? L'émergence de Syriza en Grèce ou de Podemos en Espagne présage-t-elle de lendemains qui chantent l'« Internationale » en culbutant d'un même coup de pied au cul l'Union Européenne, la zone euro et le FMI ? Hellas, trois fois Hellas : D'une part, Syriza ne peut guère arriver au pouvoir que dans le cadre d'une coalition; d'autre part, elle ne propose plus ni que la Grèce sorte de l'Union Européenne, ni qu'elle sorte de la zone Euro. Enfin, le programme de Syriza est un vrai programme... social-démocrate de gauche...  Un succès de la « gauche de la gauche » grecque ne sera donc pas le séisme politique que feignent de conjurer les hiérarques européens et les gouvernants actuels de la Grèce.  Pour autant, il témoignera de l'essentiel : d'un refus de la résignation, et de la possibilité de dire ce refus autrement qu'en basculant à l'extrême-droite...

Eh oui, « le 25 janvier, ce sont les Grecs qui votent, pas les Allemands »...


Ont-ils vraiment peur ou jouent-ils à faire peur  ? Les caciques de l'Union Européenne et du FMI, en tout cas, font mine de craindre l'arrivée au pouvoir de la « gauche de la gauche » grecque, Syriza, alors même qu'il est fort peu vraisemblable qu'elle obtienne à elle seule la majorité parlementaire absolue nécessaire à une politique de rupture, et qu'il n'est même pas évident qu'elle soit, au-delà des discours de campagne, porteuse d'une telle politique. Le Premier ministre (de droite) Antonis Samaras estime que les élections de janvier seront les « plus décisives depuis des décennies », sans doute depuis la chute du régime des colonels, en 1967, et décisives, elles le seront certainement. Mais porteuses des dangers brandis par la droite grecque et toute la nomenklatura européenne, certainement pas, même si Syriza gagne les élections. La Chancelière allemande laisse entendre que la Grèce pourrait sortir de la zone euro si Syriza arrivait au pouvoir ? son vice-chancelier dément le lendemain même, François Hollande croit de son devoir de préciser que « les Grecs sont libres de décider souverainement de leur gouvernement», et ceux-là même qui hurlent à la mort à la seule évocation d'une victoire de Syriza se préparent déjà à gérer cette victoire et à négocier avec le vainqueur. Parce qu'ils n'auront pas le choix : Alexis Tsipras leur a rappelé  que « le 25 janvier, ce sont les Grecs qui votent, pas les Allemands»...

Selon un sondage publié deux jours après l'annonce de la tenue d'élections anticipées en Grèce, Syriza obtiendrait 28,3% des suffrages contre 25 % pour la « Nouvelle Démocratie » (la droite), et les derniers sondages laissent espérer à Syriza 30 % des suffrages. C'est largement suffisant pour gagner les élections, mais pas pour espérer pouvoir gouverner seuls (même compte tenu du caractère... byzantin du système électoral grec, qui accorde 50 sièges de bonus au parti qui arrive en tête des élections, n'y arrive-t-il que d'une seule voix...). Syriza ne pourra donc vraisemblablement arriver au pouvoir que dans le cadre d'une coalition avec des forces moins à gauche qu'elle.
Au fond, Syriza, comme Podemos en Espagne, le Front de Gauche en France (et « Ensemble à Gauche » à Genève...) ne portent, et n'incarnent, qu'un projet social-démocrate de gauche, au vrai et plein sens du terme -un projet fondé sur l'Etat social, l'Etat de droit, l'Etat acteur économique majeur -bref, sur l'Etat comme instrument de changement social et garant des droits fondamentaux. Et la place que peuvent ou espérer prendre ces forces politiques n'est jamais que celle que leur laissent les défaillances des social-démocraties historiques, oublieuses de leur propre projets et converties soit à un « social-libéralisme » honorant les dieux du Marché, soit à un « réalisme » sans autre projet que celui de rester au pouvoir, d'y accéder ou d'y revenir...

Une victoire de Syriza, même relative (en arrivant devant la  droite, et évidemment de ce qui restera du Pasok que l'ancien Premier ministre Papandréou vient encore d'amputer en créant son propre parti) nous importe parce qu'elle contribuerait puissamment à renforcer toutes les gauches, en Europe (et pas seulement dans l'Union Européenne...). Syriza n'est pas la force révolutionnaire en quoi quelques uns nous veulent la peindre -elle n'en est pas moins une force de changement politique, de changement du rapport des forces, et de « changement de l'ambiance» politique sur ce continent. Une bonne claque aux mauvaises odeurs, en somme.
Cette victoire dirait au moins, et cela, déjà, est considérable, que la rétraction de la gauche dans un « pragmatisme » sans programme et de son électorat dans une passivité résignée ne relèvent pas de la fatalité, mais de l'abandon.

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