Brèves


Grave problème de vocabulaire à la BBC : on ne sait pas comment qualifier les djihadistes auteurs du massacre de « Charlie ». Le massacre a bien été qualifié d'« attaque terroriste », mais ses auteurs ont été désignés comme les « gunmens » (tireurs) ou les « attackers », pas comme des « terroristes ». Le terme pourtant n'est pas inconnu de la BBC, puisqu'elle l'utilisait pour qualifier les membres de l'IRA ou les auteurs des attentats djihadistes commis à Londres. Mais pas pour qualifier ceux des attentats djihadistes commis à Paris. Le code rédactionnel de la BBC, nous rappelle « Le Monde », « exige une réflexion approfondie avant que le terme 'terroriste' soit prononcé ». Apparemment, le résultat de la réflexion approfondie en question, c'est que ceux qui commettent des attentats faisant des victimes anglaises sont des terroristes, alors que ceux qui comment des attentats dont les victimes ne sont pas anglaises, surtout si elles sont françaises, ne sont que des « tireurs », des « attaquants » ou des «militants». Personne n'a averti la BBC que la Guerre de Cent ans et les guerres napoléoniennes étaient terminées ?

Donc, on est en l'an grégorien 2015. Bonne année, 2015, pour les commémorations : 700ème anniversaire de l'escarmouche de Morgarten, quand les Waldstätten ont balancé des cailloux sur la tête des soldats des Habsbourg, après avoir pillé l'abbaye d'Einsideln. Bon, là, on s'en fout un peu. Deux siècles plus tard, Marignan. Là, ce sont les Français qui foutent la pâtée aux Suisses, dans le nord de l'Italie, et obtiennent l'exclusivité du service mercenaire desdits Suisses. Franchement, on voit pas très bien ce qu'il y a à célébrer. Un petit saut de trois siècles, et on a à la fois Waterloo, l'entrée de Genève dans la Confédération Suisse, la nouvelle constitution genevoise, totalement réactionnaire, et une constitution suisse pas franchement progressiste non plus. Bref, toujours rien à fêter. Et puis, un siècle plus tard, enfin un truc dont on peut légitimement se targuer un peu : la conférence socialiste internationale de Zimmerwald. La gauche socialiste européenne (ou ce qui en restait après un an de guerre et d'«unions sacrées») se réunit dans l'Oberland bernois avec le concours des socialistes suisses. Bon, ils étaient pas nombreux, et comme disait Trotsky, un demi-siècle après la fondation de l'Internationale tout l'internationalisme tenait dans une charrette de paysans bernois, mais bon, on fait avec ce qu'on a... Donc on laissera Morgarten, Marignan, Waterloo, l'entrée de Genève dans la Confe et les constitutions réactionnaires à qui en veut, et on se retrouvera à Zimmerwald. On vous tiendra au courant, promis...

Finalement, le Centre social protestant a accepté un don de 300'000 francs du tabagiste  « Japan Tobacco » (JTI), après que l’équivalent catho du CSP, Caritas, l'ait refusé en estimant que l'origine des fonds était contraire à ses valeurs puisque provenant d'une industrie «marchande de mort et de misère». Pour le CSP, ce fric est bienvenu parce qu'il permet d'aider précisément des gens menacés de tomber dans la misère, à financer des projets de réinsertion de chômeurs, un atelier de jour pour personnes en difficultés psychologiques. Et puis, le tabac est en vente quasi libre, les produits de JTI sont légaux, le profit est légitime (depuis Calvin), le don bienvenu puisque son usage (une aide sociale) est légitime et l'argent de JTI n'a pas d'odeur, même de fumée. Bon, sur ce, on va s'en fumer une. Mais on hésite entre une Calvin filtre et une Luther light.

Dans le canard patronal « Entreprise romande », la présidente de la Fédération du commerce genevois, Fabienne Gautier, se lamente sur les conséquences du décrochage du franc et de l'euro : « la fin du taux plancher encourage les achats transfrontaliers. Beaucoup de Suisses font déjà leurs courses en France, notamment dans le commerce alimentaire. Cela va s'accentuer. C'est dramatique ». ça fait pourtant des plombes que la même Fabienne Gautier nous explique que si « beaucoup de Suisses font leurs courses en France » c'est parce que les horaires d'ouverture des magasins genevois sont trop restrictifs, et qu'il faut donc les prolonger le soir, le dimanche et les jours feriés... Elle a donc fini par admettre que si on passe la frontière pour faire des achats, c'est pas à cause des horaires mais des prix ? Merci, la Banque Nationale, pour cette expérience in vivo...

Les patrons suisses sont les mieux payés d'Europe et presque les mieux payés au monde (seuls les patrons américains des plus grandes firmes sont mieux rémunérés). En 2013, les patrons suisses ont reçu en moyenne 5,8 millions d'euros (au cours de 2013, donc, pas au cours actuel...). Ceux du secteur pétrolier et gazier ont même reçu en moyenne 10,5 millions d'euros, et ceux de l'industrie pharmaceutique 8,6 millions. On est bien contents pour eux, ça fait même plaisir de pouvoir tomber malade en se disant que c'est pas perdu pour tout le monde.

Une copine du Conseil Municipal a été condamnée (elle a fait appel) à 120 heures de travail d'intérêt général se farcir 120 heures de plénières et de commissions au Conseil Municipal,  c'est pas d'intérêt général, peut-être ?) pour avoir traité sur Facebook de « connard » et d'« alcoolique » un patron de théâtre qui s'asseyait sur les lois sur le travail, et qui a considéré qu'être traité de « connard »  et d'« alcoolique » attentait à son honneur. Sans doute parce qu'il est pas alcoolique. 

La Fédération romande des socialistes chrétiens a tenu à Lausanne débat sur la laïcité. Excellent sujet, assez d'actualité, alors débattu entre socialistes, entre chrétiens pas socialistes et socialistes chrétiens, mais aussi avec le président, qu'on suppose chrétien, de la maurrassienne et donc très à droite, Ligue Vaudoise, Olivier Delacrétaz,  et le directeur, musulman et de gauche, de la « Fondation de l'entre connaissance », Hafid Ouardiri. Selon le compte rendu fait du débat par « Le Matin Dimanche », le président des socialistes lausannois Benoît Gaillard et le président de la Ligue Vaudoise seraient tombés d'accord pour considérer que c'était « désormais le citoyen chrétien et non plus le simple citoyen qui devait s'adresser au citoyen musulman ». Bon, ben déjà à ce stade, on n'est plus supposé avoir quoi que ce soit à dire à nos copains musulmans, puisqu'on est athées -et donc pas chrétiens- et qu'on prétend s'adresser en tant que simples citoyens à d'autres citoyens en se contrefoutant de leur étiquette religieuse. Mais apparemment, les participants au débat ne s'en sont pas tenus à cette « confessionnalisation » de la citoyenneté, ils sont aussi tous tombés d'accord (c'est toujours le quotidien  dominical romand qui résume, non sans préciser que athées et agnostiques était « totalement absents » dans le public, comme au sein des débattants)  pour «dénoncer la dictature de la laïcité à la française». La dictature, pas moins. Bon, ben y'a du boulot, là, surtout à gauche, pour remettre à l'heure quelques pendules arrêtées depuis longtemps. Parce que, si on se souvient bien, en fait de «dictature», c'est plutôt chez les régimes négateurs de la laïcité qu'il faut la chercher, non ? D'ici à ce qu'on nous explique qu'en fait les victimes de la tuerie de « Charlie Hebdo »  sont seules responsables de leur massacre et que c'est bien fait pour elles, y'a qu'un petit pas. Que d'ailleurs, certains ont déjà fait.  En priant pour notre âme.

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