ça recommence ? Non, ça continue. Même réponse, donc : Jeg er Dansk !

Mêmes genre de cibles, mêmes méthodes, sans doute même identité du djihadisme moderne (car il l'est, moderne, cet archaïsme) et du vieil antisémitisme : dans l'attaque par un homme isolé, à Copenhague, d'un centre culturel danois où se tenait un débat sur la liberté d'expression, avec notamment le dessinateur suédois Lars Vilks, l'ambassadeur de France, une représentante des Femen, puis d'une synagogue, le réalisateur danois Finn Nørgaard a été tué dans l'attaque du centre culturel, et un garde de la synagogue dans l'attaque de celle-ci, puis l'auteur des deux attaques a été abattu devant son domicile par la police. Netanyahou en a évidemment profité pour reprendre son refrain appelant les juifs d'Europe à "rejoindre" Israël, comme on les appelait naguère à rejoindre le ghetto, pour leur sécurité : « Nous disons aux juifs, à nos frères et à nos sœurs : Israël est votre maison ».  Il avait déjà lancé cet appel après les attentats de Paris au début de janvier contre la rédaction de Charlie Hebdo et une supérette casher. Le rabbin Jair Melchior, plus haute autorité de la communauté juive danoise, a répondu comme il convenait à Netanyahou : « Si notre façon d'affronter la terreur est de nous enfuir quelque part, alors nous devrions tous partir sur une île déserte », a-t-il noté. Et cette réponse ne vaut pas que pour les juifs (danois ou non), elle vaut pour tous ceux que la connerie intégriste cible...

Rendez vous cet après-midi à 15 heures 30 devant le Consulat du Danemark à Carouge
et ce soir à 19:00 à Uni Mail,  hommage sera rendu aux victimes de la tuerie de Copenhague.

« Que répondre à un homme qui vous dit qu'il aime mieux obéir à Dieu qu'aux hommes, et qui en conséquence est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant ? »  (Voltaire)

Comme l'histoire qu'elle fait, l'actualité bégaie, et l'attaque à Copenhague d'un débat sur la liberté d'expression, puis d'une synagogue, renvoie évidemment à celle, il y a un mois, de "Charlie Hebdo" et de la supérette casher. Et suscite, logiquement les mêmes réactions, qu'il s'agisse de la tentative assez crapuleuse de Netanyahou de récupérer l'événement danois, ou, espérons-le, de la mobilisation autour de la liberté d'expression, avec comme slogan "Jeg er Dansk", comme nous fûmes "Charlie".

La liberté d'expression était le thème du débat attaqué à Copenhague. Et c'est bien elle, toujours, qui est en cause. Alors on reprend le fil de nos réactions d'il y a un mois, pour redire ce que l'on disait alors et qu'il ne faut cesser de le dire : cette liberté est si fondamentale qu'elle est à défendre contre tous les "sauf", tous les "mais", tous les "quoique" dont on fait si souvent suivre sa proclamation pour la réduire -pour réduire la liberté d'expression à la possibilité d'exprimer ce qui ne gênera ni ne choquera personne. C'est un tribunal turc, celui de Diyarbakir, qui a le mieux résumé cette restriction d'une liberté à un octroi, en justifiant ainsi le 14 janvier dernier le blocage des pages internet reproduisant des caricatures du Prophète "le liberté d'expression n'autorise personne à dire tout ce qu'il veut". Or c'est précisément cette "autorisation" (qu'on n'a pas à demander) de dire ce qu'on veut (ou de l'écrire, le dessiner, le filmer, le peindre, le miner...) qui constitue cette liberté.

"Il est possible de rire de tout, mais pas n'importe quand, ni n'importe comment, ni avec n'importe qui", professe, en reprenant un vieux truisme mal repiqué de Pierre Desproge (qui n'y est pour rien) le "médiateur" de la "Tribune de Genève", Daniel Cornu. Mais qui décide de quand, de comment, de avec qui je puis rire ? Moi seul. Du truisme récupéré de Desproge (qui n'y est toujours pour rien), on n'a donc à garder que la première proposition : "il est possible de rire de tout". Point barre. Et je décide souverainement, ensuite du reste. De rire de la shoah avec des juifs, mais pas avec Dieudonné. De rire du djihad avec "Charlie Hebdo" mais pas avec "Minute". De rire des handicapés avec un copain paraplégique mais pas avec un gros con bodybuildé. De rire d'une grosse blague macho avec une copine féministe, mais pas avec Zemmour. C'est celui qui rit et personne d'autres, qui choisit ce dont il rit.

"Chaque liberté s'arrête là où commence une autre, en l’occurrence la liberté de religion", professe le représentant à Genève de l'Organisation de la coopération islamique, l'ancien ministre algérien Slimane Chikh. Certes, mais on est là dans le truisme : d'une part la liberté de religion implique la liberté d’irréligion, et d'autre part, et surtout, on ne voit pas en quoi l'expression de l’irréligion, fût-elle "blasphématoire", entrave la liberté de religion de qui que ce soit... représenter le Prophète, ou Jésus, ou Moïse, ou Bouddha, comme le fait "Charlie Hebdo" n'empêche en rien les fidèles du Prophète de le sacraliser, les brebis de Jésus de le diviniser, les héritiers de Moïse de le vénérer et ceux de Bouddha de l'honorer -pas plus, à l'inverse, que ces sacralisations, divinisations, vénérations et honneurs ne nous empêchent d'en ricaner : on n'entrave ainsi aucune liberté de croire en prenant celle de ne pas croire...


Cela étant, gardons-nous tout de même de réduire l'enjeu de la liberté d'expression à celui d'un combat contre l'aliénation religieuse : c'est aussi un combat contre l'aliénation marchande, et contre les récupérations politiques. La liberté d'expression est menacée par l'intolérance religieuse ? Certes, mais elle l'est aussi par les rpéressions politiques, et comme la liberté de la presse, par le "marché", par le processus de concentration dans les media, y compris dans ceux qui, pour vendre, se font les relais des délires djihadistes tout en faisant leur couverture sous le titre "Nous sommes Charlie"ou en faisant le logo d'émissions reprenant les clips djihadistes... Sans parler de ceux qui, pour se vendre eux-mêmes aux media, se mêlent de faire concurrence aux djihadistes sur le marché du crétinisme politique : les djihadistes tuent des hommes et des femmes au nom d'une "idée" réduite à la psalmodie de quelques versets d'un livre proclamé saint, du coup Marine Le Pen (et Charles Poncet -voui, l'avocat de Kadhafi...) veulent tuer les djihadistes (qui arrivent pourtant très bien à se tuer eux-mêmes) et réclament le rétablissement de la peine de mort.
De cette concurrence dans la connerie aussi on peut s'autoriser à rire.

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