1er tour des élections départementales françaises : coups de mou


Molle victoire et moindre défaite

Une droite démocratique (centre compris) autour de 37,5 % des suffrages (dont un peu moins de 30 % pour l'UMP de Sarkozy), une gauche (au sens large) autour de 36 % (dont un peu plus de 20 % pour le PS), une extrême-droite  autour de 24,5 % : tel est (selon des résultats pas encore définitifs) le rapport des forces électorales en France au soir du premier tour des Départementales. La droite démocratique devance la gauche, mais n'est majoritaire que si on lui adjoint l'extrême-droite, le Front National n'atteint pas son objectif de sortir en tête (alors que c'est lui qui présentait le plus de candidats dans le plus grand nombre de  cantons) et le PS fait un moins mauvais (mais mauvais tout de même) résultat qu'annoncé : « les candidats de la majorité ont réalisé des scores honorables », a estimé Manuel Valls -étranges définitions des mots « majorité » et « honorable », s'agissant d'une «majorité» qui ne rassemble plus qu'un tiers des suffrages, et d'un parti au pouvoir qui n'en rassemble plus qu'un cinquième. En face, même résultat mitigé : la victoire de la droite est molle comme est molle la défaite d'une gauche minoritaire mais où le PS ne subit pas la « déroute » annoncée.

« Je ne prétends pas régler et enchaîner l'avenir »  (Jean Jaurès)

Les élections départementales françaises ont suscité bien plus d'intérêt chez les « observateurs » et les « commentateurs » de la vie politique que chez les électeurs. La transformatuion de ces élections en un test politique national n'a amené aux urnes qu'une moitié des citoyennes et les citoyens et si le PS ne subit pas la défaite écrasante qui lui était prédite, il n'en est pas moins distancé par l'UMP et par le Front National. L'abstention majoritaire relativise certes la victoire du vainqueur, d'autant qu'il ne s'agissait que du premier tour d'une élection à deux tours, mais pas la défaite du vaincu (toute la gauche...), incapable de mobiliser son propre électorat... La gauche a en outre payé le lourd prix de ses divisions : la droite démocratique était rassemblée derrière l'UMP, la gauche était éclatée entre ses trois composantes, le PS, les Verts et le Front de Gauche, le PS partant généralement seul au combat.

« Diaboliser » le Front National, c'est-à-dire le présenter tel qu'il est et qu'il ne veut pas qu'on le présente, un parti d'extrême-droite au fonctionnement opaque et aux méthodes mafieuses, n'a plus guère qu'un effet incertain et le Premier ministre Valls aura pu s'en rendre compte dans sa tournée électorale de sonneur de tocsin antifasciste : le vote pour ce parti d'extrême-droite s'est banalisé, comme un vote de rejet de l'ensemble des autres forces politiques, qu'elles soient ou aient gouvernementales ou oppositionnelles.. Que le FN ait pu se présenter comme une « alternative », que sa présidente puisse proclamer qu'il est devenu « le centre de gravité de la vie politique » française, signe le double échec de la droite démocratique et de la gauche réformiste, l'une et l'autre désormais minoritaires dans l'électorat parce qu'à ce point obsédées par le pouvoir, ses ors et son exercice qu'elles en ont oublié les réalités sociales et laissé au seul FN (la gauche de la gauche et les Verts ne jouant plus que les utilités) le monopole d'un projet de transformation sociale radicale. Radicalement réactionnaire, radicalement illusoire, radicalement discriminatoire, mais radicalement efficace : le Front National présentait hier des candidat-e-s dans 93 % des cantons, le PS et l'UMP dans 78 et 77 %...
Qu'arrivé à nouveau au pouvoir, le PS se soit donné pour tâche de faire le travail que la droite n'arrivait pas, n'osait pas ou n'a pas besoin de faire puisque la gauche « modérée » le fait à sa place (l'adaptation à la mondialisation libérale, lla détermination de la politique économique par les marchés financiers) a parfait le dispositif de la défaite politique de toute la gauche, les partenaires-concurrents-adversaires de gauche des socialistes se révélant incapables de leur opposer une alternative.  Ainsi se retrouve-t-on non plus avec un clivage gauche-droite clair, fondé sur des projets antagoniques, mais avec un clivage entre des forces politiques représentatives des gagnants ou des « non-perdants » de l'évolution sociale et une force politique qui s'appuie sur les perdants -non, certes, pour les défendre mais pour les utiliser, ce qui ne change rien au constat qu'aujourd'hui, la «France d'en bas» ne vote pas majoritairement à gauche ou à feue l'« extrême-gauche », mais à l'extrême-droite, ou s'abstient.

Manuel Valls s'est félicité que le score du Front national soit moindre qu'attendu et que le FN ne soit pas le premier parti de France. Le premier ministre se contente de peu : un parti d'extrême-droite à 25 % des suffrages en France, en 2015, il n'y a pas de quoi pavoiser....
Comment chantait-il sa France, déjà, Ferrat ? Ah oui : « celle qui chante en moi, la belle, la rebelle, elle tient l'avenir serrée dans ses mains fines...»...

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