Dernières nouvelles du front français


Dernières nouvelles du front français : Passer en force ou en intelligence ?

Pour sauver la « loi Macron », du nom du frétillant ministre social-libéral chargé par François Hollande et Manuel Valls de déréglementer l'économie française, et pour mettre au pas les « frondeurs » socialistes (qui, eux, se désignent comme des «résistants»), le gouvernement français a usé de l'arme parlementaire lourde : l'article 49.3 de la Constitution, qui permet de faire adopter un texte sans débat ni vote parlementaire, en engageant la responsabilité du gouvernement devant l'Assemblée nationale, méthode vilipendée par le PS... quand il est dans l'opposition.  Ce 19 février, le 49.3 a donc pour la première fois été utilisé afin de faire taire l'opposition interne à la majorité.  La droite à qui au fond la « Loi Macron » convient, y a mécaniquement répliqué par une motion de censure qui n'a obtenu que les voix de l'UMP, du « centre », des deux députés du Front National et de la majorité des élus du « Front de Gauche », les « frondeurs » du PS  ayant pour ce moment (« merci pour ce moment » leur a sans doute dit Hollande...) posé leurs frondes. Manuel Valls a donc réussi à passer en force, mais son gouvernement est plus affaibli et la gauche plus divisée après le vote de la loi qu'avant, la politique requerrant en effet d'autres talents que ceux d'un sergent-major. Pas que de la force : un peu d'intelligence, aussi. L'épreuve de la première a été faite, on attend le test de la seconde.


Du « front Républicain » contre et des connivences de la droite avec l'extrême-droite

Le 8 février, lors d'une élection législative partielle dans le Doubs qui avait pris l'importance d'un test national, le candidat du PS a battu la candidate du Front National de quelques centaines de voix. Le candidat de l'UMP avait été éliminé au premier tour, et la direction de son parti ayant prêché (dans le désert) le vote blanc ou l'abstention, une grande partie de ses suffrages se sont donc reportés sur la frontiste. Toute la gauche, les Verts et quelques ténors de l'UMP, comme Alain Juppé, avaient appelé à voter contre le Front National et donc pour le PS, pendant que d'autres UMP appelaient à voter contre le PS et donc pour le Front National, et d'autres encore, comme Sarkozy, n'appelaient à rien qui soit clairement identifiable. Du coup, le PS parle d'« éclaircie » mais pas d'« embellie » face à la progression d'un « bloc réactionnaire » incarné désormais par le Front National et la part la plus droitière de l'UMP. Pertinente analyse, mais encore faudra-t-il en tirer quelques conclusions politiques un peu plus risquées que le seul appel à un « Front républicain » qui ne convainc plus guère, outre quelques personnalités de droite, que la gauche elle-même (et encore) : six sympathisants de droite souhaitent une alliance entre l'UMP et le FN... Un « Front Républicain » ne se justifie donc pas comme simple coalition de forces contradictoires s'additionnant pour en combattre une autre (le FN, en l'occurrence) : il implique (comme, soit dit incidemment, à Vernier) un accord politique sur quelques grands objectifs, au-delà de l'attachement aux «fondamentaux» de la démocratie  et à l'antiracisme.

L'extrême-droite progresse là où elle réussit, comme en France, à s'approprier un discours de gauche contre le «réalisme» de la gauche gouvernementale, à le superposer à son vieux fonds xénophobe et raciste, de sorte que l'ennemi ne soit plus le capitaliste exploiteur mais l'immigrant exploité, qu'une lutte des « identités » prenne la place de la lutte des classes remplacée par une défiance de classe. Ce « piratage » de thèmes de gauche est d'une remarquable efficacité : le projet économique du Front National de Le Pen père était ultralibéral, celui de Le Pen fille est ultra-protectionniste, comme si on était passé de Reagan à Chavez sans quitter l'extrême-droite. Quand le Front National d'aujourd'hui récupère l'idée (de gauche) de nation, c'est pour en revêtir celles (de droite) d'ethnie, de race ou de tribu, et s'il y a dix ans, trois Français sur quatre considéraient le Front National comme un « danger pour la démocratie », ils ne sont bientôt plus qu'un sur deux de cet avis aujourd'hui. «  Dieu merci, la FN n'a pas d'allié potentiel », se rassure l'écrivain Jérôme Leroy... S'il faut compter sur Dieu, on est mal partis pour contenir le FN : une partie du succès électoral du parti de la famille Le Pen tient certes au fait qu'il se présente «seul contre tous», mais si la « digue » entre la droite républicaine et l'extrême-droite a tenu jusqu'à présent, à quelques exceptions près, rien ne dit qu'elle tiendra encore longtemps -c'est bien en s'alliant avec les nazis qu'une partie de la droite conservatrice allemande les a amenés au pouvoir, face à des forces de gauche consacrant plus d'efforts à se combattre entre elles qu'à s'unir pour combattre leur ennemi commun.

Une précision encore : il est évident qu'on n'a parlé ici que de la France et de la gauche française. Et pas de Genève et de la gauche genevoise. Promis, juré, dugong qui s'en dédit.

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