Elections municipales genevoises : cette fois, c'est vraiment parti (de gauche). Pour de bon.


   
Comme on vous a déjà annoncé au moins trois fois que les élections municipales genevoises, c'était parti, vous ne nous tiendrez pas rigueur de vous l'annoncer une quatrième fois. Parce que cette fois, c'est la bonne : c'est vraiment parti. Pour tout le monde : pour la gauche, pour la droite, pour chaque parti, pour chaque candidat-e. Les listes sont bouclées, rebouclées, vérifiées, enregistrées, les affiches commencent à apparaître, les appels au vote à se succéder... Reste à convaincre notre Souverain, le peuple, ce bon roi fainéant, de faire l'effort de voter. Parce que si accessoires, si périphériques, si subsidiaires qu'elles paraissent (à tort), les élections municipales ne sont pas insignifiantes -surtout en ce moment, où les grandes communes urbaines, à commencer (mais sans s'en contenter) par la Ville de Genève, sont le seul contrepoids institutionnel à un canton politiquement dominé par la droite (et son extrême), dans un rapport de force qui n'a jamais été au parlement cantonal aussi défavorable à la gauche qu'il l'est aujourd'hui. Il y a certes bien d'autres raisons de ne pas se désintéresser des élections municipales, et on se fera un plaisir de vous les donner, mais celle-là, celle du contrepoids, celle du rapport de force, celle de la résistance, nous paraît, hic et nunc, la plus déterminante. Pour de bon.


Non progredi est regredi

Démantèlement social, cadeaux fiscaux, "économies" à tort et à travers, menaces sur le droit à l'éducation, bricolages institutionnels, encouragement à la spéculation immobilière : la politique menée par la droite cantonale, ultra-majoritaire au parlement et au gouvernement, ne répond à aucun des besoins, à aucune des urgence, à aucun des enjeux auxquels il faut répondre à Genève -et le pire est à venir : des "réformes" fiscales pointent, qui, si on les combat pas victorieusement, vont assécher toutes les caisses publiques, de celle de la Confédération à celles des cantons et des communes. Et cette politique de la droite cantonale est fidèlement, et même caricaturalement, relayée par les droites communales, partout où elles le peuvent. Or elles ne le peuvent pas (mais rêvent de le pouvoir) dans les plus grandes villes du canton, dont la Ville de Genève, parce qu'elles n'y disposent pas de la majorité dont dispose la droite cantonale au Grand Conseil et au Conseil d'Etat.


Le premier enjeu des élections municipales est donc de constituer, et de renforcer, ce contre-poids solide, efficace, imaginatif, à la domination écrasante de la droite au parlement et au gouvernement cantonal. Ce qui suppose la conquête là où on n'en dispose pas, et le maintien et le renforcement là où on en dispose, de majorités de gauche dans les conseils et les exécutifs municipaux. Or, d'une part de telles majorités ne peuvent se constituer en l'absence de l'une ou l'autre des trois composantes actuelles de la gauche genevoise (y compris de sa composante composite), et d'autre part elles ne peuvent se constituer qu'autour du PS - c'est une des raisons d'ailleurs pour lesquelles on y traîne nos savates depuis plus de 30 ans : par lassitude de l'impuissance politique, de la fragmentation, du sectarisme, de l'obsession de se "distinguer du PS" (et plus tard des Verts), de ce qui est ou se dit être à la gauche de la "vieille maison" social-démocrate -en laquelle on n'a pourtant même pas besoin d'être social-démocrate pour prendre ses aises, tel un dugong en son lagon.

La gauche est, toutes composantes additonnées, majoritaire dans les exécutifs municipaux de toutes les principales villes genevoises, à commencer par celle de Genève. Mais majoritaire dans les exécutifs, elle y est presque toujours minoritaire dans les délibératifs, les Conseils municipaux. En Ville, il s'en faut de deux sièges : la droite n'y est pas majoritaire pour autant, puisque des élu-e-s indépendant-e-s complètent le tableau, mais cette absence de majorité de gauche empêche la gauche de faire passer des projets auxquels elle tient, ou la contraint à ne les faire passer qu'en comptant sur les absences (physiques ou intellectuelles) d'élu-e-s de droite, ou en les ayant rabotés, rognés, édulcorés afin de les faire soutenir par les "indépendant-e-s", voire quelque groupe de droite, ou encore en misant sur les incohérences et les retournements de vestes du MCG. Inconfortable situation, de laquelle il n'est possible de sortir qu'en retrouvant une majorité de gauche au Conseil Municipal (et en maintenant celle dont nous disposons déjà au Conseil administratif, sans se résigner à la réduire d'un siège  -celui, le sien, sur lequel la "gauche de la gauche" semble avoir fait une croix ).
Il n'y a en effet de majorité possible au Conseil Municipal que celle de l'Alternative : Pour une "Entente" réduite au PLRet au PDC, la majorité des sièges est hors d'atteinte. Elle l'est même si on devait additionner l'UDC à l'Entente, d'autant qu'à Genève, l'UDC ne prend ses suffrages qu'au reste de la droite, et que si elle devait progresser, ce serait au détriment du PLR ou du MCG. Quant à l'hypothèse d'une majorité UDC-MCG, elle relève du fantasme d'opiomane -comme n'importe quelle hypothèse d'une majorité stable fondée sur une alliance avec le MCG, dont le groupe a passé toute la législature à faire le contraire de ce qu'il proclamait, à retourner sa veste d'un vote à l'autre, à soutenir des projets qu'il combattait et combattre des projets qu'il faisait mine de soutenir, sans jamais que l'on puisse mesurer précisément la part respective de l'incompétence et de la démagogie dans cette attitude.

La seule majorité possible au Conseil Municipal de Genève est donc de gauche -ce qui ne signifie pas que cette majorité possible doive être monolithique : il suffit pour qu'elle soit solide que ses composantes s'entendent sur l'essentiel, quitte à s'ébrouer séparément sur l'accessoire, que chacune de ses composantes sache discerner ses alliés de ses adversaires. Que la "gauche de la gauche" ait une besoin oedipien de se distinguer du PS est chose connue, éprouvée, assumée par lui (à défaut de l'être par elle) depuis des décennies -après tout, tant que le meurtre du père relève plutôt de la symbolique que du parricide réel, le père peut parfaitement s'en accommoder. Et ses rejetons aussi.

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