Etre pauvre en Suisse : La galère à 986 francs par mois


Etre pauvre en Suisse : La galère à 986 francs par mois

Le nombre de « bénéficiaires » de l'aide sociale est en augmentation en Suisse -et les jeunes de moins de 25 ans en forment le plus grand groupe d'âge. La droite de la droite (l'UDC, donc) a trouvé le coupable de cette augmentation : la Conférence suisse des institutions d'aide sociale (CSIAS). Le « forfait de base » d'aide sociale, fixé par la CSIAS, est actuellement de 986 francs pour une personne seule, et c'est trop pour l'UDC, Qui trouve aussi que la CSIAS a trop de poids, puisque c'est elle qui détermine (jusqu'à fin 2015, après ce sera de la compétence de la Conférence des directeurs cantonaux des aides sociales) ce forfait. L'UDC voudrait donc en revenir à un système où chaque commune déterminerait elle-même, au plus bas niveau possible, ce niveau de l'aide sociale, devenue une aumône. But de l'exercice : réduire ces aides de 40 %. Or elles sont déjà insuffisantes à assurer une existence digne, alors que les coûts de l'aide sociale ne représentaient en Suisse, en 2012 qu'un cinquantième des dépenses totales du système de « sécurité sociale ». Cela aussi, c'est encore trop. D'ailleurs, toute dépense sociale n'est-elle pas trop pour l'UDC ?

Depuis quand les « principes de droit » s'appliquent-ils aux pauvres ?

La Suisse compte plus de millionnaires que de bénéficiaires de l'aide sociale -dont le nombre, pourtant, est en augmentation : un habitant de la Suisse sur treize était touché par la pauvreté en 2012 : cela fait 600'000 pauvres (7,2 % de la population), dont environ un quart exercent cependant une activité rémunérée. Ces 600'000 personnes ont un revenu disponible inférieur au seuil de pauvreté, fixé à 2200 francs par mois pour une personne seule, 4050 francs par mois pour un couple avec deux enfants. En sus de ces 600'000 pauvres, au moins 400'000 personnes seraient à risque de le devenir. Ces chiffres sont stables d'un année sur l'autre, mais le taux de pauvreté serait, selon l'Office fédéral de la statistique, en recul sur cinq ans (2007-2012), en passant de 9,3 % à 7,2 %., alors que le risque de pauvreté augmente : il touchait 1,2 million de personnes, soit 15,5 % de la population en 2012, contre 14,3 % en 2011. En 2012, le taux de pauvreté des femmes (8,6 %) était supérieur à celui des hommes (6,8 %), celui des familles monoparentales était de plus du double (16,5 %) de la moyenne. 3,5 % des personnes « actives » sont des « travailleurs pauvres », dont le revenu du travail ne suffit pas à assurer la subsistance, situation plus fréquente chez les « indépendants » (7,8 % de pauvres) que chez les salariés (2,9 %).

On fait quoi, en Suisse, aujourd'hui, avec 986 francs par mois pour une personne seule, 1509 francs pour un ménage de deux personnes, 2110 francs par mois pour une famille de quatre personnes ? C'est le forfait de base d'assistance sociale que la Conférence suisse des institutions d'aide sociale (CSIAS) a fixé, et dont elle estime qu'il suffit pour l'entretien des personnes qui reçoivent ce pactole que l'UDC veut encore réduire. L'« entretien » ? la nourriture, la vêture, les transports, les télécommunications et la formation. Les soins de base sont couverts par l'assurance de base dont les primes, comme le loyer (s'il n'est pas trop élevé) s'ajoutent au forfait de base. 986 francs par mois, cela suffit-il pour avoir « la possibilité de participer à la vie sociale et professionnelle », comme définit la fonction de cette aide la co-présidente de la CSIAS, Thérèse Froesch ? Evidemment non -une étude récente, commanditée par la CSIAS elle-même, conclut que les forfaits d'aide sociale sont de 100 francs trop bas. Mais pour l'UDC, le niveau actuel est déjà trop élevé -alors, le hausser encore, il n'en est pas question, il faut le baisser de presque 400 francs. Parce que 600 balles par mois, ça suffit à une personne seule, en Suisse, selon l'UDC. Cela suffit pour vivre ? mais qui vous parle de vivre ? Cela suffit pour survivre. Subsister. Loin des regards, et sans récrimination. Subsister, et rien de plus : il ne faudrait pas que « plus que survivre » devienne un objectif de politique sociale. Comme chacun sait, « plus que survivre », c'est l'ambition ultime des pauvres. Pas seulement des assistés, mais aussi des « travailleurs pauvres». Et cette ambition ultime, même pas vivre mais seulement « plus que survivre », doit rester une ambition ultime. Surtout pas un droit, mais quelque chose comme un horizon, qu'on n'atteint jamais, qu'on croit voir et qui s'éloigne au fur et à mesure qu'on croit s'en approcher.

« Ce n'est pas un principe de charité qui guide l'octroi de l'aide sociale, mais un principe de droit garanti par la Constitution suisse », écrivent une vingtaine d'organisations d'entraide et de syndicats, dont les centres sociaux protestants, Caritas, l'Oeuvre suisse d'entraide ouvrière, Pro Infirmis, le SSP, l'Union Syndicale Suisse, Travail Suisse... Un « principe de droit », et alors? Depuis quand les « principes de droit » s'appliquent-ils aux pauvres ? D'ailleurs, les pauvres ne sont-ils pas, par définition, responsables de leur pauvreté et profiteurs de la richesse des autres ?
Salauds de pauvres...

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