Initiatives contre le "voile islamique " : Du voile comme d'un écran de fumée


    

L'UDC valaisanne a lancé une initiative populaire visant à l'interdiction des couvre-chefs dans les écoles, mais ne se cache pas de viser le voile « islamique » sous toutes ses formes. On se doutait bien qu'elle ne visait pas les coiffes des bonnes soeurs ni le foulard des femmes d'Evolène, et l'argumentaire déployé pour expliciter leurs intentions le confirme : Jean-Luc Addor, co-président du comité d'initiative, explique  que « nous défendons les valeurs chrétiennes à l'école ». La laïcité vient donc de faire un grand pas en Valais -un pas de clerc : on fait mine de dénoncer le voile comme un « symbole de discrimination », mais cette parure égalitaire va à l'UDC comme un haut-de-forme à Guignol. Les discriminations, l'UDC n'a jamais craché dessus, elle s'en est même fait porteuse sur le terrain religieux en faisant interdire la construction de minarets mais d'aucun autre édifice religieux. En Valais comme ailleurs, le « voile islamique » (qui n'est d'ailleurs pas « islamique » mais, plus universellement, patriarcal) voile surtout des arrière-pensées politiques. Du voile comme un écran. De fumée.

« Légiférer sur des fantasmes n'est jamais une bonne chose »

Le Conseil des Etats a accordé la «garantie fédérale» à la disposition (introduite en votation populaire) de la constitution tessinoise interdisant la burqa. Cette garantie a été accordée parce que la disposition en question n'était contradictoire d'aucune disposition du droit supérieur, fédéral suisse ou international, dès lors que la Cour européenne des droits de l'homme a validé une loi française comparable, que le gouvernement français justifiait au nom de la défense du « vivre ensemble » selon des règles communes applicables à tous et non des règles communautaires spécifiques à certains. Le Conseil fédéral a cependant appelé les autorités tessinoises à ne prévoir que des sanctions modestes à l'encontre des contrevenantes à l''interdiction, et à prévoir suffisamment d'exceptions (à l'égard des touristes, entre autres) pour que le texte soit applicable. Le Conseil fédéral avait cependant estimé que, même formellement valide, l'interdiction de la burqa était une mesure disproportionnée eu égard à la rareté de son port en Suisse.
Quant à l'initiative populaire cantonale lancée par l'UDC valaisanne pour interdire les « couvre-chefs », mais en réalité pour interdire le « voile, islamique » (et peu importe qu'il ne soit « islamique » que comme la cravate est chrétienne...), elle s'inscrit dans la lignd'une tripotée de propositions comparables faites dans d'autres cantons, et pas seulement par l'UDC : le PDC aussi s'y est mis.  En mars 2014, le parlement argovien a refusé une motion PDC en ce sens.. A Saint-Gall, le port du voile par une fillette de 12 ans a occupé les tribunaux et a abouti au Tribunal fédéral, dont le jugement fera jurisprudence. A Fribourg, la révision de la loi scolaire comprend l'interdiction de la burqa et du niqab, mais pas du foulard. A Genève, un projet de loi UDC imposant aux élèves de se tenir tête nue à l'intérieur des établissements scolaires vient d'être repoussé par le Grand Conseil.  Et dans les écoles où les élèves peuvent le porter, le voile ou le foulard est voisin de toutes vêtures et accessoires possibles portant comme des étendards leurs marques ou n'importe quel autre message publicitaire.

Si le port du voile (intégral ou non) devait violer la liberté individuelle en étant imposé à qui n'en voudrait pas, son interdiction serait légitime, mais elle ne l'est pas en tant que signe religieux. Or c'est en tant que le signe religieux qu'il n'est pas, du moins pas spécifiquement à l'islam, qu'il est brandi par l'UDC. « Légiférer sur des fantasmes n'est jamais une bonne chose », a déclaré le président du groupe de travail genevois sur la laïcité, Jean-Noël Cuénod, à propos du port du voile intégral. Et instrumentaliser des questions fondamentales (les droits des femmes, par exemple) pour en faire des arguments de lutte, non contre la religion ou les religions, mais une religion en particulier (l'islam, en l'occurrence) pour en défendre une autre (le christianisme) non plus. « Nous n'allons pas attendre qu'il y ait des problèmes pour réagir », a expliqué l'udéciste valaisan Jean-Luc Addor (qui voyait déjà l'islamisation en marche dans l'ouverture d'un kébab à Vetroz, et se réjouissait d'une fusillade qui avait fait un mort dans une mosquée saint-galloise : « On en redemande ! »).  Il n'y a pas vraiment de problème de voile « islamique » en Suisse ? Alors créons le problème, pour pouvoir en vivre politiquement...

Imposer le port du voile à des femmes qui n'en voudraient pas et l'interdire à des femmes qui en voudraient procède du même mépris des droits individuels des femmes. Atatürk est certes plus progressiste et plus « moderne » qu'Ibn Seoud, mais pas beaucoup plus respectueux des droits fondamentaux : le despotisme éclairé reste un despotisme, et s'il est arrivé que l'on puisse en user pour se débarrasser d'un despotisme plus archaïque cela n'a jamais fait que repousser la nécessité du despotisme moderne comme il le fit du despotisme ancien...

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