Y'a bon immigrants européens, y'a pas bon immigrants africains : quand le Nomes s'emmêle dans les contingents


Une proposition de plus pour réparer les dégâts du 9 février 2014 vient de tomber. On avait déjà l'initiative populaire Rasa, qui veut biffer l'article constitutionnel accepté avec l'initiative de l'UDC contre l'« immigration de masse », une initiative parlementaire PDC/PBD qui veut ancrer les «bilatérales» dans la constitution, plus les probables référendums, de droite ou de gauche suivant le cas, contre la loi d'application de l'article constitutionnel, plus un éventuel référendum contre l'extension de la « libre » circulation à la Croatie, on a maintenant la proposition du « Nouveau Mouvement européen suisse », le Nomes, qui veut amender l'article constitutionnel udéciste en y ajoutant la réserve des relations entre la Suisse et l'Union Européenne, de manière à soustraire (comme c'est déjà le cas) les ressortissants des 28 Etats membres de l'Union au contingentement de l'immigration. Commentaire de l'udéciste genevois Nidegger : «c'est plus crétin que tout ce qui s'est dit jusqu'à maintenant». Et pour une fois, on est d'accord avec lui. Non seulement c'est crétin, mais en plus et pour le même prix, celui d'une « insulte à l'intelligence », c'est hypocrite et ethnocentriste : en résumé : Y'a bon immigrants européens, y'a pas bon immigrants africains.

« On voulait des bras et ce sont des hommes qui sont venus »

Donc, le « Nouveau Mouvement Européen », le Nomes, n'est pas opposé au contingentement de l'immigration s'il ne s'applique qu'aux métèques exotiques, il n'y est opposé que s'il s'applique aussi aux Européens. Ce n'est pas que le Nomes soit xénophobe, c'est juste qu'il est euromaniaque : une politique d'immigration discriminatoire ne le gène pas si, comme c'est le cas actuellement, ses victimes ne sont pas européennes.

« Il n'est pas possible à l'heure actuelle de stopper brusquement l'arrivée d'étrangers », reconnaît le Conseiller fédéral Didier Burkhalter. Et pourquoi est-ce impossible ? Pour des raisons humanitaires ? Par respect du principe de «libre circulation » ? Non : parce que « l'économie en a besoin » -d'ailleurs, même l'initiative xénophobe « contre l'immigration de masse »  approuvée le 9 février ne fixe pas de limite quantifiée à l'immigration, et ne prévoit de contingents que déterminés en fonction des « besoins de l'économie »... qui en a de gros : « si le boom économique continue (...) l'immigration va continuer d'augmenter », prévient Burkhalter... Reste à savoir s'il ce « booom économique » va continuer, malgré la surappréciation du franc par rapport à presque toutes les monnaies des pays où la Suisse exporte sa production. Toujours est-il que le Conseil fédéral a décidé, juste avant le vote sur l'initiative « Ecopop », de contingenter à la baisse le nombre de salariés étrangers hors Union Européenne, ressortissants d'Etats auxquels ne s'applique pas la « libre circulation ». Objectif (illusoire) de ces restrictions : « inciter les entreprises suisses à mieux mettre à profit le potentiel offert par la main-d'oeuvre indigène » (ou plutôt résidente, indigène ou immigrée). Parce que ce potentiel, les entreprises suisses l'ignoraient ? Burkhalter constate en tout cas que « tous les secteurs (de l'économie) veulent bien baisser les contingents, mais jamais dans leur branche ». Et de toute façon, entre 2011 et 2014, les contingent fixés par le Conseil fédéral pour les « pays tiers » n'ont jamais été épuisés...
Le Conseil fédéral a décelé quatre catégories de main d'oeuvre potentielle sous employées : les étrangers résidents, les femmes, les jeunes, les handicapés et les «seniors» (la population active ou potentiellement active la plus âgée -en gros, les quinquas et les sexas), Et la Conférence tripartite sur les agglomérations (CTA), qui réunit Confédération, cantons et communes, a décidé de renforcer, en collaboration avec le patronat, les actions de formation de cette main d'oeuvre sous-utilisée Elle propose même de faciliter l'embauche de réfugiés (permis B) et d'immigrants admis à titre provisoire (permis F), deux catégories au sein desquelles les personnes exerçant une activité lucrative sont très minoritaires (elles ne sont que 20% des permis B et 39 % des permis F). En revanche, constate la Tribune de Genève, pas un mot du patronat « sur l'élimination de la discrimination à l'embauche dont les étrangers peuvent faire l'objet ». Comme d'ailleurs en font l'objet les personnes relevant des quatre autres catégories de main d'oeuvre potentielle.

Finalement, tout cela est logique : si le critère n'est que le besoin de main d'oeuvre et l'objectif que de le combler en recrutant au sein de la population déjà résidente, on va pas s'emmerder avec des histoires d'égalité de traitement et d'égalité des droits. Comment disait-il, Max Frisch, déjà ? « On voulait des bras et ce sont des hommes qui sont venus », quelque chose comme ça, non ?

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