A propos d'une étude de faisabilité d'un péage urbain à Genève : Manif contre un fantôme d'octroi





Petite manif aux Bergues, l'autre jour contre un projet socialiste d'étudier (seulement d'étudier) la faisabilité et les modalités d'instaurer à Genève un péage urbain. Une manif contre un fantôme de barrière d'octroi. Mais de qui était-ce la manif ? Du TCS ? du MCG ? Non d'« Ensemble à Gauche » (de la route). Avec, en prime, la rupture hebdomadaire de collégialité de Rémy Pagani avec le reste du Conseil administratif (mais de préférence avec ses collègues de gauche). A force, ce ne sont plus ses ruptures de collégialité qui font le buzz, c'est quand il défend les positions de la Municipalité. Alors bien sûr, on sait bien qu'il doit ramer pour se faire réélire malgré les choix stratégiques erratiques de la coalition qui le présente, mais on se dit tout de même, parfois, fugacement, qu'on a bien du mérite à vouloir être unitaires à la place des autres. C'est même plus du mérite, c'est carrément un apostolat.

Un nouveau slogan de gauche (de gauche) : « Ta bagnole, ma bataille » ...

Les socialistes ont proposé au Grand Conseil l'étude de la faisabilité et des modalités d'un péage urbain, pour soulager le centre ville de la circulation automobile qui le submerge. Cette étude, à laquelle le Conseil administratif de la Ville, Pagani excepté, ne voit aucune raison de s'opposer, les socialistes la demandent comme celle de l'un des éléments possible d'une autre politique des transports, passant, aussi, par le développement des transports publics, la facilitation de leur usage et de leur circulation, la création de zones piétonnes, le développement des pistes cyclables... bref, les éléments constitutifs d'une «mobilité douce» en zone urbaine, partout où elle est non seulement possible mais plus urgente qu'ailleurs.

           
Le péage urbain n'est ainsi (pour peu que l'on consente à l'étudier) que l'un des éléments possibles d'un dispositif pour une autre politique des transports, visant à libérer la ville et ses habitantes et tants de l'emprise bagnolesque. La direction générale des transports (car il y en a une à Genève, même si on peine à comprendre dans quelle direction elle se transporte) propose 32 mesures pour « désengorger » le trafic. Cela va de l'amélioration de la vitesse commerciale des bus aux traversées piétonnes en passant par l'« optimisation des feux de carrefour », des accès facilités pour les deux roues et le renforcements de la sécurité sur les «pénétrantes» routières. Un sondage réalisé par le département de Lulu avait quelques mois auparavant mis en évidence le soutien de la majorité de celles et ceux (des milliers...) qui y avaient répondu aux mesures de modération de la circulation et de libération de l'espace urbain de l'emprise de la bagnole (il est vrai cependant que le même sondage avait aussi exprimé une opposition majoritaire au principe du péage). On se réjouit déjà d'entendre Barthassat expliquer face au lobby bagnolard comment il compte s'y prendre pour réaliser les mesures proposées par la Direction des transports et par le sondage sans restreindre, matériellement, le « libre choix du mode de transport », cette foutaise décorativement collée dans la constitution et qu« Ensemble à gauche » traduit aujourd'hui par « les pauvres qui ont une bagnole ont aussi le droit de circuler en bagnole en ville ». Comme si un péage ne pouvait pas s'appliquer seulement aux grosses cylindrées ou aux 4x4, véhicules dont on devrait s'accorder à constater qu'ils sont rarement ceux des plus démunis. Comme si, surtout, ce n'était pas la population la moins aisée qui souffrait le plus de l''encombrement de l'espace public par l'automobile, même quand elle n'est pas utilisée, et de la dégradation de l'environnement que son usage provoque, Cependant que la population la plus aisée peut s'en extraire.

Toute mesure pouvant contribuer à réduire l'emprise de la bagnole sur la ville est une mesure de justice sociale, et si l'instauration d'un péage peut y contribuer, il n'y pas d'autre raison de refuser l'étude de cette instauration que l'incapacité d'admettre que le temps du règne de la bagnole est passé, que, sauf les exceptions déjà évoquées, elle n'a plus rien à y faire, que plus elle est grosse, moins elle a à y faire, et que seule une poussée d'électoralisme peut sans doute expliquer le ralliement de la « gauche de la gauche » à ce qui pourrait déjà être le slogan commun du TCS, de l'ACS, de Feu Vert et du MCG : « Ta bagnole, ma bataille ! »...
Certes, pour paraphraser Churchill (sauf erreur) disant que la première victime d'une guerre est la vérité, on dira que la première victime d'une campagne électorale est toujours l'intelligence politique, mais comme on entre dans la période de Pâques, on ne désespère pas de la résurrection de cette intelligence, de son ascension et de sa redescente en langues de feu. Après les élections.
Patience est mère de vertus politiques.

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