Ecoles genevoises : Et si on essayait de ne pas se tromper d'adversaire ?


Candolle, quel dol ?

Le Département de l'Instruction publique genevois a annoncé plusieurs mesures pour «désengorger» l'école post-obligatoire, et d'entre ces mesures, deux soulèvent une virulents opposition, dans la rue, sur les réseaux sociaux et dans les établissements concernés : l'affectation des bâtiments de l'actuel Collège de Candolle à une Ecole de Culture Générale, et de l'actuel Cycle d'Orientation de la Seymaz à un collège. Et puis, surtout, on a quelque peine à expliquer l'oubli général en lequel les opposants aux décisions du DIP tiennent les véritables raisons de la « crise des locaux scolaires » à Genève. Parce qu'enfin, qui vote (ou plutôt ne vote pas) les crédits nécessaires à la constructions de nouveaux bâtiments scolaires, ou même à l'entretien des bâtiments existants ? Anne Emery Torracinta toute seule ? son département ? Non : le Grand Conseil. C'est-à-dire sa majorité politique. Et si on s'en prenait plutôt à cette majorité, de ses décisions, plutôt qu'à celle qui doit « faire avec» (ce qui « ne » pose de problème politique fondamental « que » celui, récurrent, paralysant et inassumé, de la participation minoritaire de socialistes à des gouvernements de droite...) ?


"Mais quoi ? Je suyoie l'escolle, comme fait le mauvais enfant. En escripvant  ceste parole, a peu que le cuer me fent" (François Villon)


Précaution initiale : Là, maintenant, ce qu'on va vous dire (vous écrire), c'est précisément ce qu'il conviendrait de ne pas dire (ni écrire) si on  voulait se faire bien voir de nos copains de gauche, à trois semaines des élections : on l'avoue, on n'est pas en colère contre les décisions du Département genevois de l'Instruction publique de transformer un collège en école de culture générale et un cycle d'orientation en collège, et de supprimer douze postes de directeurs du primaire (à quand la manif des directeurs devant le DIP, d'ailleurs ?). Et pour aggraver (s'il était possible) notre cas déjà pendable, on ajoutera qu'il nous a fallu nous secouer rudement les puces pour que nous cessions de nous désintéresser du drame qui se joue autour de l'école genevoise en ce moment. On bat notre coulpe, on se vêt d'une robe de bure, on se couvre la tête de cendres, on se flagelle, on demande pardon, on plaide l'âge comme circonstance atténuante -et on poursuit, par cette question : qu'y a-t-il de scandaleux à transformer un collège en Ecole de culture générale et un  Cycle d'orientation en collège ? On voit bien ce que cela peut avoir de désagréable, d'inconfortable, de perturbant, pour les élèves et les enseignants, mais de scandaleux, d'inacceptable ?

On comprend bien le mécontentement des élèves, des enseignants, du personnel administratif, l'opposition des syndicats (ils sont là pour ça, et ils ne feraient pas leur travail s'ils ne relayaient pas l'opposition de leurs membres), mais où diable vont se nicher (sinon, évidemment dans les détails, et la méthode) les racines d'une colère sous laquelle, parfois, pointe quelque chose qui ressemble à de la condescendance à l'égard de ceux que l'on va installer dans les augustes locaux d'un collège: des élèves et des enseignants de l'Ecole de Culture Générale... Les réactions auraient-elle été les mêmes si c'était l'Université qui devait s'installer à Candolle ? un lourd doute nous étreint...

Que le bâtiment actuel du collège de Candolle se situe là où se situait il y a plus d'un demi-millénaire celui (disparu depuis) du premier collège public de Genève est certes émouvant, mais en faire un argument ne suggère seulement que pour certains de ceux qui rappellent ce passé glorieux ce serait déchoir de (re)faire de ce bâtiment une Ecole de culture générale, alors que, passé récent pour passé lointain, c'était à peu près ce qu'il était avant de devenir, en 1971 le collège de Candolle : le Col'Mod', le Collège Moderne, l'ancêtre (réservé aux garçons) de l'Ecole de culture générale... Mais à quelle sacralité scolaire attente-t-on en faisant du Collège de Candolle une Ecole de culture générale Ella Maillart, quand ce collège était précisément, il y a deux générations, ce qui ressemblait le plus à une Ecole de culture générale ?

Alors voilà, finalement on en est assez content, de notre message de vieux con, tout l'avantage d'un vieux con étant de pouvoir se permettre de dire ce qu'il a envie de dire en se contrefoutant des conséquences : on n'a plus rien ni à prouver, ni à démentir, ni à gagner, ni à perdre. Juste quelque chose à garder : la liberté, précisément, de dire, du fond de la classe, près du radiateur, ce qu'on a envie de dire... surtout s'agissant de l'école, dont nous pourrions du parcours que nous y fîmes dire ce que François Villon disait du sien : « Mais quoi ? Je suyoie l'escolle, comme fait le mauvais enfant. En escripvant  ceste parole, a peu que le cuer me fent »...

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