Elections israéliennes : Netanyahou va succéder à Netanyahou...



Pour gouverner un Etat ou un ghetto ?

Déjouant tous les pronostics, Benjamin Netanyahou a donc remporté le 17 mars les élections législatives israéliennes anticipées. « C'est la victoire de la peur », résume le quotidien « Haaretz ». En menant une campagne la plus à droite possible pour mobiliser la frange la plus nationaliste de l'électorat, les colons et les intégristes religieux, il a fait passer son parti, le Likoud, en tête avec 23 % des suffrages et 6 sièges de plus que la coalition de « centre gauche » (le Camp Sioniste, dont font partie les travaillistes, et qui n'obtient que 19 % des voix) qui espérait le déboulonner. Les 30 sièges (sur 120) obtenus par le Likoud offrent à son chef les meilleures possibilités de rester au pouvoir, à la tête de la coalition la plus expansionniste, la plus liée aux colonies, voire la plus raciste, qu'ait connu Israël depuis celle conduite par Menahem Begin. Une coalition dont le programme semble être de gouverner un Etat réduit à un ghetto juif de Palestine. Un ghetto que Netanyahou appelle, s'appuyant sur la (re)montée de l'antisémitisme et les attentats de Paris, les juifs de France (et d'ailleurs) à rejoindre. Pour leur sécurité, ou pour la sienne ?

Quand « la parole violente tend à devenir synonyme de patriotisme...»

Pour gagner les élections qu'il avait lui-même convoquées, Benjamin Netanyahou a dû tomber le masque, en finir avec toutes les ambiguïtés et aggraver encore l'isolement de l'Etat qu'il veut continuer à gouverner, et qu'il ne pourra gouverner qu'en s'appuyant sur l'extrême-droite, religieuse ou non, qui obtient quasiment autant de sièges (28) que le Likoud (30). En face, les 24 sièges de l'Union sioniste (travaillistes et centristes) et les 14 sièges de la liste arabe, hétéroclite (elle va des communistes aux islamistes) et divisée (entre partisans et adversaires d'une alliance avec l'Union sioniste) -entre ces deux blocs, un centre d'une dizaine de sièges. Un rapport de force qui confirme le basculement à droite de l'opinion publique israélienne, la gauche, stricto sensu (Travaillistes, Meretz, communistes) ne pesant plus qu'un tiers de l'électorat, dans un pays où elle était naguère dominante, et dans un Etat qu'elle a pour une grande part construit elle-même...

La victoire du Likoud va encore accentuer l'isolement international d'Israël, d'autant qu'elle a été acquise en jouant précisément de cet isolement, en agitant la menace iranienne, en récusant toute négociation sérieuse avec les Palestiniens et en dénonçant un vaste complot international tramé contre Netanyahou par à peu près tout le monde, y compris le président Obama. Et comme un gouvernement du Likoud seul est impossible, et qu'un gouvernement d'union nationale est récusé par les travaillistes, Netanyahou se retrouvera à la tête d'une coalition qui tiendra au bon vouloir de partis religieux toujours prêts à se vendre au prix que le Likoud et son chef accepteront de payer les acheter : des ministères gérant des fonds à attribuer à des institutions religieuses ou à utiliser pour installer ou étendre des colonies, etc...

L'écrivain Etgar Keret observe qu'en Israël « la parole violente tend à devenir synonyme de patriotisme et le langage empathique passe pour un acte de trahison »... Une semaine avant les élections, Netanyahou refusait encore les interviews, jugeant qu'il déchoirait à devoir défendre sa politique devant des journalistes qui ne lui sont pas favorables. Les sondages l'alarmant, il a radicalement changé d'attitude, et s'est répandu dans tous les media, en privilégieant ceux dont le public est acquis à la droite mais pas forcément au Likoud. But (atteint) de l'exercice : ratisser un maximum de voix ultra-orthodoxes, colonialistes, voire racistes, pour les amener à son parti (et à lui-même) en se présentant comme le seul rempart face à une gauche prête à « diviser Jerusalem, expulser les colons et négocier avec le Hamas », et face à un complot international ourdi par les Etats-Unis et l'Europe pour le faire tomber, lui, le rempart... Annonçant que « des Arabes de Cisjordanie et de Jordanie arrivaient par cars entiers pour voter en Israël », il laissait ses partisans balancer des dizaines de milliers de SMS anonymes affirmant que Tzipi Livni, codirigeante de l'« Union Sioniste » avait «un amant arabe », et des messages téléphoniques enregistrés prédisant que l'Union Sioniste allait laisser l'Iran détenir la bombe atomique et «nommer un arabe au gouvernement». Plus c'est gros, et plus c'est répété, plus et mieux ça fonctionne : la recette n'est pas de « Bibi » mais de Goebbels ? Comparaison n'est certes pas raison, mais après tout, il suffisait de changer la cible, de remplacer «juifs» par « arabes »... et, une fois les élections gagnées, de s'excuser d'avoir « offensé certains citoyens israéliens et des membres de la communauté arabe », sur le ton d'un Poggia « regrettant » les affiches ordurières de son parti...
Faux derches de toutes les campagnes, unissez-vous...


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