Fonds de tiroir


En février dernier, le Tribunal fédéral a validé la décision de la Chambre administrative cantonale genevoise d'accorder 40 minutes de pause compensatoire rémunérée aux employés de Manor qui travaillent sans voir la lumière du jour. Manor accordera donc une pause de 20 minutes par demie-journée. On se félicite évidemment de cette décision d'accorder aux taupes laborieuses le droit de voir le soleil de temps en temps, mais on s'étonne donc qu'elle ait dû être confirmée par le Tribunal fédéral, et surtout que ce soit l'Etat et l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail qui y ait recouru, comme s'ils n'avaient pas de combat plus urgents à mener pour le respect du droit du travail que celui qui consiste à contester l'une des rares décisions de justice prise ces derniers temps pour améliorer les conditions de travail de celles et ceux qui en ont besoin. L'OCIRT est pourtant supposé défendre la santé des travailleurs, pas le porte-monnaie des emnployeurs, non ? Les syndicats, qui avaient fait, eux, leur boulot, vont maintenant tenter d'étendre ce droit à une pause compensatoire à l'ensemble du personnel des magasins genevois, et en particulier à ceux de la Coop et de la Migros. En espérant que ce droit à voir la lumière du jour ne sera pas une nouvelle fois contesté par l'Etat et l'Office du Travail d'une République dont on rappellera utilement que la devise est « Post Tenebras Lux »...

On pensait, prétentieusement, que les conseils municipaux genevois tenaient la « pole position »  des parlements comme lieux de tourisme politique et d'errances d'un parti à un autre -ben on se trompait : le parlement italien a des leçons à nous donner : depuis les élections de février 2013 un-e parlementaire sur cinq (193 sur 945) a quitté la formation politique sur la liste de laquelle il ou elle a été élu-e, pour en rejoindre une autre, ou plusieurs autres successivement. Au total, on a compté, à fin mars, 250 changements de « casaque »  politique, soit dix par mois. La palme revient à la députée Barbara Saltamarini, ancienne militants d'extrême-droite, passée au PDL de Bernosconi pour se faire élire députée de Sicile en 2008, pour passer en novembre 2013 au NCD (centre-droit), puis le quitter et siéger comme non-inscrite, et enfin passer à la Lega Nord. Certains groupes sont plus que d'autres atteints de cette transhumance politique : en deux ans, une quarantaine d'élus du mouvement « Cinq étoiles » de Beppe Grillo l'ont quitté ou en ont été exclus, ainsi qu'une trentaine de berlusconiens, passés au centre, et une dizaine d'élue de la « gauche de la gauche » rejoignant le Parti démocrate du Premier ministre Renzi. Et tout ça pour ne même pas être assurés de poursuivre leur carrière politique : Sur 180 perlementaires ayant changé d'étiquette lors de la législature précédente, moins de la moitié ont été représentés par leur nouvelle formation, et seul-e un-e sur huit ont été rééelus. Ah ben si même les petites trahisons ne paient plus...

Les étrangers domiciliés à Genève depuis au moins huit ans ont le droit de vote aux élections et votations municipales. Mais s'en servent-ils ? En moyenne, pas vraiment : le taux de participation des étrangers toutes nationalités confondues n'atteint pas 30 %, mais certaines, nationalités votent autant voire mieux que les Suisses : 51 % des Allemands, 37 % des Français et 36 % des Italiens votent. En revanche, 78 % des Espagnols et 85 % des Portugais s'abstiennent. Le politologue Pascal Sciarini cherche des explications : le manque de connaissance de la politique et des institutions genevoises, le fait que les Ibériques viennent souvent en Suisse avec l'intention de retourner ensuite dans leur pays, le souvenir des dictatures de Franco et de Salazar... ouais, mais c'était quand même il y a quarante ans, et depuis, Espagnols et Portugais ont pris l'habitude du pluralisme démocratique et du vote... Mais bon, les Portugais, en tout cas, ont une excuse : vous auriez envie de voter, vous, après vous être fait électoralement draguer par Carlos Medeiros ?

Le « Grand Genève »  est en marche -non celui des citoyennes et des citoyens mais celui des entreprises, et c'est bien cette distorsion entre l'économie et la démocratie qui pose aujourd'hui le  problème de légitimité de ce concept de «Grand Genève»  : depuis le décrochage du franc par rapport à l'euro, en janvier dernier, « il y a eu une accélération marquée des demandes de délocalisation de production en France »  de la part d'entreprises installées à Genève -qui souhaitent toutefois y maintenir leur siège « pour des questions d'image, notamment », confirme, dans « Le Temps », un spécialiste de l'implantation de sociétés dans la région genevoise. La hausse du franc suisse a ainsi compensé la différence de charges sociales entre la France et la Suisse. A Annemasse, la «Maison de l'Economie Développement» a observé un doublement du nombre de sollicitations lui étant adressées, surtout par des entreprises désireuses d'ouvrir «une entité soeur» en France en gardant leur activité principale en Suisse, et une bonne dizaine de PME employant de 30 à 50 personnes en Suisse sont venues visiter des locaux en France voisine, où une centaine d'entreprises suisses sont déjà « bilocalisées ». Bon, ben ça va devenir de plus en plus absurde de dégoiser sur les frontaliers -encore que l'absurdité d'un discours n'implique pas son inefficacité électorale- si les patrons suisses commencent à avoir un pied de chaque côté de la frontière. Déjà que frontaliers, on est déjà une majorité d'habitants adultes du canton à l'être, sinon en tant que salariés, du moins en tant que clients de magasins français (dont certains sont ou pourront être des succursales de magasins suisses...)...

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