Conseils municipaux genevois : les enseignements d'un rapport de forces


Une seule composante nous manque, et...

Les élections municipales genevoises ont renouvelé les parlements et vont renouveler les exécutifs de 45 communes qui ensemble forment le canton de Genève, mais qui ensemble ne regroupent que la moitié de la population de la Genève réelle (la fameuse « grande Genève »), moins du quart de sa superficie et à peine plus s'un cinquième de l'ensemble de ses communes. Peut-être est-ce là, aussi, l'une des explications possibles de la faible participation électorale : l'impression que l'on pourvoit à la représentation dans des instances politiques administrant un espace légal totalement insuffisant à rendre compte de l'espace réel. C'est pourtant cet espace politique local, celui des communes, qui constitue la trame de cet espace politique réel, celui de 200 communes genevoises, vaudoises et françaises. Cela posé, revenons sur ces élections, sur le rapport de force qu'elles signalent entre la gauche (toute la gauche) et la droite (toute la droite) -et sur ce dont ce rapport de force est le symptôme : celui d'une absence... Une seule composante (de la gauche) vous manque, et tout est déséquilibré...


La nature politique a horreur du vide électoral : elle le remplit avec n'importe quoi... et n'importe qui...

Résumons : au terme de l'élection des 45 conseils municipaux des communes du canton de Genève, si on ne tient pas compte des listes purement locales, sans affirmation politique claire, les socialistes y détiennent désormais 95 sièges, les Verts 65 et « Ensemble à Gauche » 11, soit 171 sièges de gauche pour faire face aux 425 sièges de droite (232 PLR, 105 PDC, 64 MCG, 18 UDC et 6 Verts libéraux) : on dit bien « faire face », puisque dès que la commune a une certaine importance, le bon vieux, et structurant, clivage gauche-droite redevient déterminant, quoi qu'il en soit des votes de circonstance sur des projets particuliers. Le rapport des forces, si on le mesure dans l'ensemble des communes, est donc très déséquilibré, en faveur de la droite, même si, en ne tenant compte que des douze villes qui rassemblent plus de 80 % de la population du canton, il devient plus équilibré : 84 socialistes, 53 Verts et 11 "Ensemble à Gauche", soit 148 sièges de gauche contre 239 sièges de droite (103 PLR, 58 PDC, 15 UDC, 60 MCG et 3 Verts libéraux), et plus équilibré encore si on s'en tient aux six villes principales (Genève, Vernier, Lancy, Meyrin, Onex et Carouge) , rassemblant les deux tiers de la population du canton et toutes gouvernées par des majorités de gauche même si la gauche n'est plus majoritaire dans aucun de leurs conseils municipaux : 112 sièges de gauche (68 socialistes, 33 Verts et 11 "Ensemble à Gauche") contre 139 de droite (50 MCG, 45 PLR, 35 PDC, 9 UDC).

On voit donc bien que ce qui empêche, arithmétiquement, la gauche d'être majoritaire non seulement dans les exécutifs de ces villes mais aussi dans leur législatif, est la faiblesse d'«Ensemble à Gauche» hors de la Ville de Genève : sur les onze sièges qu'elle détient dans les 45 communes du canton, elle n'en détient qu'un seul hors de la Ville, à Chêne-Bougeries (qu'honneurs soient d'ailleurs rendus à la dugongue qui l'a conquis...), n'a pas atteint le quorum à Lancy et Vernier et a été totalement absente à Onex, Meyrin et Carouge. Il se vérifie ainsi que le problème pour la gauche genevoise est celui de l'absence, dans la quasi-totalité des villes suburbaines, de l'une de ses trois composantes, alors même qu'un électorat qui lui serait disponible y existe. A Onex, Lancy, Meyrin, Vernier et Carouge, la gauche c'est le PS et les Verts. Point barre. La gauche de la gauche est absente, liquéfiée... Or le PS et les Verts ne font pas à eux seuls une majorité électorale. Dès lors, le choix pour l'élection des exécutifs municipaux, était simple : faire cadeau d'un siège au MCG ou soutenir un-e candidat-e de la droite démocratique avec qui il est possible de travailler (comme à Vernier depuis quatre ans et  à Onex et Lancy cette année).  Comme tout choix de ce genre, il n'y a pas un terme de l'alternative (le cadeau d'un siège au MCG ou d'un siège au PLR ou au PDC) qui serait a priori inacceptable et un terme qui s'imposerait de lui-même...
Le problème que pose l'absence d'« Ensemble à Gauche » hors de la Ville n'est pas celui de cette seule coalition mais celui de la gauche dans son ensemble... parce que si l'une de ses composantes est responsable de sa propre évanescence dans les villes suburbaines, les autres sont responsables de leur incapacité de l'y remplacer. Or la nature politique ayant horreur du vide, elle ne tarde pas à remplir ce vide électoral (et militant) avec n'importe quoi et n'importe qui. A moins, bien entendu, que nous nous révélions capables de le remplir nous-mêmes en reprenant notre place historique en même temps que notre ancrage social.

Comment le disait-il, le Citoyen de Genève, déjà ? Ah oui: « Ce qui n'est pas peuple est si peu de chose que ce n'est pas la peine de le compter »...

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