Genève : Conflit entre les taxis, le gouvernement et la société Uber : on essaie de comprendre...


Hep, Taxi !

On essaie de comprendre quelque chose au conflit entre les taxis genevois, le gouvernement genevois et la société Uber, qui monnaie son activité d'intermédiaire par  smartphone entre des chauffeurs et des clients. On essaie, mais on n'est pas sûrs d'avoir tout compris. Le Service genevois du commerce a bien interdit au service de chauffeurs Uber X de cesser d'être actif, mais Uber X a fait celui qui n'a rien entendu et a continué de fonctionner malgré cette interdiction, en déposant un recours contre elle mais sans attendre un éventuel effet suspensif pour s'en contrefoutre ouvertement. Et le Conseiller d'Etat Maudet d'annoncer une nouvelle loi sur les taxis (la troisième en dix ans, dont une datant de l'année dernière, et inappliquée), fondée sur une « concurrence loyale », en assurant que « Uber devra s'y conformer ». Croix de bois, croix de fer.


De quoi Uber est-il le nom ?

Ce que la polémique autour d'Uber illustre est d'abord l'inadéquation des cadres légaux traditionnels à de nouvelles formes d'activités économiques qui se soucient aussi peu que possible de ce cadre, et interviennent ou vont intervenir dans bien d'autres domaines que celui du taxi. Un modèle fort commode pour Sa Majesté le consommateur, mais socialement assez ravageur. Le concept est simple : on n'emploie pas le personnel qui assure le service mais on met en relations avec une clientèle, par une application smartphone, des indépendants qui paient une taxe mensuelle pour user de cette application, et on encaisse son petit pourcentage au passage en n'ayant finalement pas fait grand chose sinon être un intermédiaire  parasitaire.
Uber n'est pas vraiment une compagnie de taxis, mais intervient sur le « marché »  du taxi, et c'est tout le problème. L'entreprise n'a pas de véhicules, les chauffeurs qui travaillent pour elle ne sont pas vraiment ses salariés, elle ne fait que développer des applications pour smartphone, mais ces applications permettent à une personne qui cherche un taxi de trouver un véhicule avec chauffeur pouvant la conduire où elle veut. Précisément comme un taxi, mais sans les contraintes imposées par les lois et les règlements aux compagnies de taxis et à leurs chauffeurs (du coût d'une plaque de taxi public à la session de formation au permis professionnel, de l'examen topographique au numerus clausus). En clair, avec ce service de voiturage, on est en plein, non dans le « libre marché » que vantent les partisans plus ou moins désintéressés d'Uber, mais dans la concurrence déloyale que dénoncent ses adversaires, les chauffeurs et compagnies de taxis en tête. Pour Uber, en effet, « il faudrait autoriser tout un chacun, s'il le souhaite, à gagner sa vie en tant que chauffeur ». Et surtout à faire gagner un maximum de pognon à Uber... qui se justifie (et que ses défenseurs justifient) en se présentant comme l'élément d'une saine concurrence, avantageuse pour la clientèle du double point de vue du prix et de la qualité du service, quand ses adversaires assurent que son but n'est que de «tuer la concurrence pour faire de l'argent» .

Les taxis à Genève sont chers, c'est vrai, mais c'est d'ailleurs la loi qui en fixe les tarifs et Genève est l'une des villes les plus chères du monde : on y paie à peu près tout plus cher qu'ailleurs, et on voit mal par quel miracle les taxis échapperaient à cette cherté généralisée.  C'est précisément parce que l'argent coule à flot dans cette ville que Uber s'y installe : il y a du profit à en retirer, mais dans quelles conditions ? qu'en est-il des conditions de travail des chauffeurs travaillant avec Uber ? de leur rémunération et de leurs droits sociaux (Uber admet « subventionner » ses chauffeurs « le temps que le service se développe », mais assure qu'il ne s'agit pas d'un salaire, ni d'un complément de salaire) ? Qu'en est-il de la sécurité du transport ? Qu'en est-il de l'imposition des bénéfices d'Uber ? Quand la question est posée (par Le Temps du 25 avril au directeur d'Uber pour l'Europe de l'ouest, il répond que le siège social de la société, à Amsterdam, garde pour lui 20 % du prix de chaque course mais que les 80 % restants « restent à Genève »  et que ses deux bureaux en Suisse, et leur dizaine d'employés, paient leurs impôts en Suisse. L'avocat des taxis professionnels, lui, assure que « Uber encaisse l'argent des clients sur son compte à San Francisco et ne paie ni impôts ni TVA en Suisse »...

Au fond, de quoi Uber est-il le nom ? d'une économie parasitaire pratiquant la soustraction fiscale, tirant ses profits d'une activité d'intermédiaire sans création d'un service nouveau, mais parasitant des services déjà offerts par une activité traditionnelle. Pierre Maudet assure que le Conseil d'Etat veut un nouveau projet de loi fondé sur une palanquée de beaux principes roboratifs : « liberté de commerce, loyauté des affaires, sécurité des transports, standards de qualité, exigences d'usage du domaine public, protection sociale des travailleurs pour éviter le dumping salarial ». Et d'affirmer qu'«une fois ces principes acceptés, Uber devra aussi s'y conformer».
Ou les contourner, comme il n'en est pas un que cette entreprise très post-moderne n'en ait la possibilité ?

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