Premier prêche après les zélections : La Commune, quoi d'autre ?


    

      En ayant terminé avec les élections municipales genevoises (et d'en avoir terminé le mieux possible, par l'élection de nos candidates et de nos candidats), on peut s'offrir la respiration de dire en quoi ces élections, et en quoi la commune, nous importent. La Commune est le seul espace politique commun à tous les Etats démocratiques. Elle préexiste aux Etats, elle a formé, partout où la démocratie est née de la société elle-même, le niveau de base des institutions démocratiques –et même là où, comme en France, les communes ont été souvent créées à l’initiative du pouvoir central, elles l’ont été comme des contre-pouvoirs aux seigneuries féodales. En Europe (au sens large), et quelle que soit la structure des Etats (centralisée, décentralisée, fédérale), le niveau communal est de tous les niveaux institutionnels celui qui possède initialement les compétences les plus larges et les mieux garanties. C’est, par cette définition de la commune selon les services qu’elle rend, dire en quoi nous importe la défense de son autonomie, de sa capacité d’action et de sa primauté sur tout autre espace politique.


« ceux qui croient aux acteurs et ceux qui croient aux systèmes »

Nous ne sommes pas « municipalistes » par fétichisme historique, par nostalgie des Franchises perdues ou par chauvinisme local et nous ne défendons pas l’autonomie communale par amour idéologique de l’autonomie communale pour elle-même (quoique le premier programme socialiste élaboré à Genève en fit un principe politique -mais ce programme datant de 1869, on pardonnera à celles et ceux qui l’ont oublié, et on ne sera pas surpris qu’il ait été renié, sachant qu’il avait été inspiré, voire partiellement rédigé par Bakounine). Nous défendons la Commune d'abord pour cette raison évidente que la conquête de compétences et de pouvoirs par l’ensemble des communes est une condition de l’émancipation de la Ville et de la constitution d’une communauté urbaine faisant coïncider la ville politique et la ville réelle. Or cette émancipation est elle-même une condition de la rénovation de la démocratie, de son élargissement, de son enrichissement et du renforcement de la capacité de la collectivité publique à présenter une alternative à la mercantilisation galopante de tous les rapports sociaux. Or par définition, la commune est la négation du repli sur soi, et les moyens dont elle dispose doivent contribuer à faire de la solidarité autre chose qu’une référence métaphysique.

Nous sommes « municipalistes » parce qu' à la question : qu’attend-t-on de la Commune ? nous répondons que nous en attendons la concrétisation des principes mêmes de la démocratie, que nous en attendons ce qu’elle seule peut offrir sans appareil de contrainte et que les vieux socialistes résumaient en une formule : « passer du gouvernement des hommes à l’administration des choses ». En d’autres termes : passer de l’ordre public au service public, la Commune, sans capacité normative réelle, étant (si les moyens et les compétences lui en sont donnés, ou si elle fait l’effort de se les accorder, même lorsqu’ils lui sont refusés) l’exemple même, et le seul en tant qu’institution politique, d’une collectivité définie par les services qu’elle rend à « sa » population (des bibliothèques à la voirie, du Grand Théâtre au Service d’incendie et de secours). Par définition, la commune est le service public en actes : n’étant pas fauteuse de lois, sa seule réalité politique est celle de la mise à disposition de services, de la concrétisation de droits fondamentaux, de la matérialisation des discours politiques. La commune est le service public, parce qu’elle n’est rien d’autre –sauf à se nier en tant que commune.

Alain Touraine observe que « la grande ligne de coupure traverse désormais la gauche comme la droite, puisqu’elle sépare ceux qui croient aux acteurs et ceux qui croient aux systèmes ». Nous faisons le même constat (le « désormais » en moins : cette « grande ligne de coupure » est présente dès l’origine même du mouvement socialiste, opposant en son sein libertaires et autoritaires, démocrates et technocrates), et nous croyons aux acteurs et aux actrices, non aux systèmes. Parce qu'il s'agit de changer le monde réel sans prendre le pouvoir, mais en multipliant les lieux, les espaces, les réseaux, les moyens permettant à chacune et chacun, à toutes et tous, de s’autodéterminer.
Ce qui, depuis 1871, se résume en trois mots qui font slogan : Vive la Commune !

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