Politique d'asile : le parlement genevois, déversoir électoraliste


    
Sornettes d'automne...



La semaine prochaine, le Grand Conseil genevois est convoqué en séance extraordinaire sur la politique d'asile, par le duo MCG-UDC (en fait surtout par le MCG -à Genève comme au Tessin, l'UDC est à la remorque de sa concurrence) pour débattre de résolutions issues du tonneau xénophobe. Une opération par laquelle la droite de la droite locale, en transformant le parlement en déversoir électoraliste,  espère se faire voir et entendre sur son obsession : les étrangers (en l’occurrence, les réfugiés). Et surtout, une opération par laquelle le MCG, dont l'objectif électoral est de piquer un des deux sièges UDC, va tenter précisément de séduire l'électorat blochérien en étant plus blochérien que Blocher. Coût de l'opération électorale : 26'000 francs. Payés par le canton (en jetons de présence et en frais de fonctionnement parlementaire), pour proposer au Grand Conseil une sauce qu'il venait de rejeter... mais à laquelle ledit Grand Conseil, si une majorité se met d'accord sur un texte d'amendement général aux trois textes staufféro-blochériens, est tout de même libre de substituer la sienne, du genre des textes votés sur le même sujet, il y a une semaine, par le Conseil municipal de la Ville : une position respectueuse, elle, de l'histoire de la "Cité du Refuge", et d'une convention internationale sur les réfugiés qui porte le nom de cette Cité...

... puisqu'un bon réfugié est un réfugié mort avant d'avoir pu atteindre le refuge...

Interrogeant un représentant ou une représentante de chaque parti présentant une liste pour l'élection du Conseil national, "Le Courrier" d'hier leur demande "combien de réfugiés syriens la Suisse doit-elle accueillir ?" et "comment gérer la crise migratoire ?". Réponses (qui tranchent avec les précautions de langue de bois des représentants du PLR de l'UDC et du PBD) de la représentante du MCG, la Conseillère municipale verniolane Anne Roch : "La Suisse, terre du HCR et du CICR, a une longue tradition d'accueil qu'elle se doit de préserver. Il est pour ma part impensable de faire de la comptabilité en matière d'accueil des réfugiés", et "la fermeture des frontières suisses ne règlera jamais le problème du flux migratoire actuel en Europe et en Suisse". Elle a tout juste, la dame. Sauf le choix d'être au MCG, qui dit exactement le contraire de ce qu'elle dit, elle, et qui contraint le Grand Conseil à se l'entendre dire : qu'il faut aider les réfugiés "sur place" (en Syrie ? bonne idée : envoyons-y une délégation du MCG et de l'UDC... qui pourra toujours y expliquer pourquoi ces deux partis ont été particulièrement actifs pour priver la Fédération genevoise de coopération d'un demi-million de subvention), qu'il faut envoyer l'armée (suisse) aux frontières (suisses ou syriennes ?), qu'il faut refuser les "quotas" (ils sont contre les contingents, maintenant, nos xénophobes ? ils étaient pour, 9 février de l'an dernier, pourtant) et réduire le nombre de réfugiés attribués à Genève -bref, la routine du discours udéèmecégiste.

Le débat de principe, le rappel éthique, l'appel à la solidarité, tombant lourdement dans quelques oreilles définitivement décidées à rester sourdes,
on peut tout de même à propos de l'asile, du refuge et de la migration, se risquer à un exercice un peu moins glorieux que la prédication solidaire : un exercice d'alphabétisation, qui consiste simplement à rappeler des faits, des réalités, des évidences, et à les confronter à des fantasmes, quand ce ce n'est pas des mensonges.
On nous parle d'un flot "sans précédent" de réfugiés ? là, on est dans l'amnésie (volontaire ou non). Pour la Suisse, et pour Genève, ce "flot" n'a rien de commun avec celui des réfugiés hongrois de 1956, tchécoslovaques de 1968, ex-yougoslaves des années '90.
On nous parle d'une "invasion ? Si entre janvier et août de cette année, 500'000 personnes sont entrées en Europe depuis l'Asie (Moyen-Orient compris) ou l'Afrique,  ces 500'000 personnes ne pèsent que un pour mille de la population européenne. Et elles ne constituent que moins d'un pour cent du total des réfugiés, des déplacés, des exilés dans le monde. Parce que l'écrasante majorité des réfugiés se réfugient hors d'Europe, dans les pays les plus proches de ceux qu'ils fuient :  les réfugiés syriens constituent ainsi un quart de la population du Liban.
On nous agite le spectre d'une invasion de la Suisse : or les foules de réfugiés ignorent la Suisse, la contournent, au pire veulent la traverser pour aller ailleurs, plus au nord, en Allemagne ou en Suède. Et le secrétariat d'Etat aux migrations estime à moins de 30'000 le nombre de demandeurs d'asile pour toute l'année. En recevrait-on plus du double que ça ne correspondrait toujours qu'à moins d'un pour cent de la population de notre pays.

Enfin, on fait semblant de croire (à moins qu'on y croie réellement, ce qui ne serait après tout que remplacer du cynisme par de la bêtise) que les restrictions à l'immigration, dans nos pays, auront quelque effet autre que celui de transformer des immigrants légaux et des réfugiés acceptés en immigrants illégaux et en clandestins. Parce que le seul moyen efficace d'empêcher l'immigration c'est de rendre les conditions de vie ici, et pour tout le monde, pires que celles qui règnent dans les pays que quittent migrants et réfugiés. Après tout, c'est possible : il n'y a pas d'immigrants en Corée du Nord et personne ne demande en ce moment l'asile en Syrie.

Ni les murs, ni les barbelés, ni les lois, ni les vexations n'ont d'autre effet que d'enrichir les mafias de passeurs vivant précisément de la difficulté de passer. Et peu leur importe, aux passeurs, que les migrants arrivent vivants ou morts aux pieds des murs : ils les auront fait payer avant leur départ, et s'enrichissent autant des vivants que des morts.
Ceux qui veulent entrer en Europe y entreront, s'ils sont vivants, et rien, aucune barrière, aucune frontière, aucun mur, aucuns barbelés, aucune législation ne les en empêcheront -sauf à les tuer. Est-ce cela que l'on veut ? Alors soyons clairs, et cohérents : ne nous donnons pas l'air de vouloir "aider les gens sur place", aidons franchement ceux qui sur place les massacrent, et invitons publiquement la chaîne du bonheur à cesser de soutenir la Croix-Rouge ou Médecins du Monde pour soutenir Bachar et Daech, puisqu'un bon réfugié est un réfugié mort avant d'avoir pu atteindre le refuge. Ou un réfugié l'ayant atteint vivant, mais au XVIe siècle.

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